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Pipe d'auteur: la «nouvelle vague pornographique française» et ses intellectuels (avec Jean-Pierre Léaud et Ovidie, Catherine Millet et son mari et toute la presse) Marie-Hélène Bourcier LES ANNÉES 90 EN FRANCE ont été marquées par une explosion des discours autour de la pornographie: psychologique, politique (notamment sous les gouvernements dits de gauche), médiatique, litt éraire, artistique. Cette phase d'intensification de «la pornographie» doit sans aucun doute son surcroît de présence à des formes de visibilité nouvelles: des formes télévisuelles (avec le rôle initiateur de Canal Plus dès 1985'), l'apparition de chaînes diffusant du «X» sur le câble et le satellite (comme XXL ou Vénus TV) et de certains formats de la télé réalité sur M62; des formes journalistiques qui mobilisent dans les rédactions et les publics une génération de consommateurs de pornographie assumés valorisant l'appartenance du genre à la culture populaire au même titre que la télévision et les péplums. En témoigne l'arrivée d'une nouvelle presse magazine «culture et société» postT élérama comme Technikart et Les Inrockuptibles, d'une presse gay et/ou tendance avec Têtu et Max qui commente l'actualité pornographique ainsi que de talk shows à la mise en scène pro-porno masculiniste tel le heffneresque Tout le Monde en Parle de Thierry Ardisson diffusé sur le service public (France 2). Qu'est-ce qui dans cette profusion relève d'une défense de la pornographie moderne dans la France contemporaine et qu'est-ce qui en constituerait une forme de critique post-pornographique? On commence à se rendre compte que la culture pornographique telle que nous la connaissons, dans son accessibilité, ses modes de diffusion et ses représentations ne nous vient pas des murs de Pompéi mais de la modernité qui a généré une certaine volonté de savoir sur les mystères de la féminité, entre autres choses. Ainsi la pornographie moderne peut-elle se définir comme un régime de production de la vérité du sexe qui s'invente aux 18e et 19e siècles, coïncidant avec les Lumières et leur prolongement positiviste. La pornographie est avant tout une catégorie régulatoire qui se manifeste notamment par l'émergence de toute une série de gestes classificatoires. Pour commencer, l'établissement des listes pour les secret museums (les «enfers» des différentes bibliothèques européennes) où l'on va classer les ouvrages Vol. XLIV, No. 3 13 L'Esprit Créateur double P plutôt que X. Et si l'on traque à la fois Porno et Prostitution, c'est pour répondre à une démocratisation menaçante de ces deux P puisque le musée secret sert à écarter les femmes et les «classes basses» de la pornographie3 . L'autre geste classificatoire est la grande entreprise de catalogage sexologique caractéristique du 19e siècle qui va produire les identités sexuelles et les perversions qui structurent encore la pornographie contemporaine. Il suffit de voir comment s'agencent les rayons d'un vidéo club ou d'un sex shop et comment la pornographie nomme ses propres marges pour s'en convaincre et confirmer la thèse de «la censure productive» de Foucault. Les «sergents du sexe» n'interdisent pas (comme voudrait nous le faire accroire la thèse de l'hypothèse répressive justement malmenée par l'auteur de La Volonté de savoir); ils obligent bien plutôt à faire, ils implémentent les «perversions ». La dernière caractéristique de ce régime pornographique, et non des moindres, est son caractère genre: la pornographie moderne est faite par des hommes pour des hommes et elle se focalise sur l'exploration de la «nature sexuelle» des femmes, sur la monstration de l'accessibilité, de la circulation de leurs corps. Bref, le continent noir restera non les femmes mais les hommes. À peu de choses près, on en est encore là . Pour analyser ce que j'appellerais «la défense de la pornographie moderne dans la...

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