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De l'interdisciplinarité au potentiel intermédiatique : L'exemple du signe chez Proust Richard Bégin IL EST AISE ET PARFOIS DE BON TON de considérer les croisements médiatiques, tels l'adaptation cinématographique d'oeuvres littéraires ou la performance vidéo-théâtrale, sous le couvert d'une pensée vouée à la promotion d'une culture pluridisciplinaire, voire interdisciplinaire. En effet, dans une société occidentale de plus en plus orientée vers le dogme du convergent et de la synergie, nul n'oserait remettre en question les bienfaits artistiques d'une saine camaraderie co-disciplinaire1. Or, cette approche «disciplinaire» du convergent , moins théorique qu'historique, puisqu'elle envisage d'abord l'art selon l'optique téléologique d'un faire toujours déjà bien défini, mature et expansif, a peut-être l'avantage de mettre en relief l'acoquinement expressif et esthétique de certains champs d'intervention poétiques, elle n'en demeure pas moins un discours privilégiant, justement, la préservation et l'invulnérabilité d'une certaine spécificité des champs disciplinaires en question. Ce qui, en soi, impose à la réflexion une manière d'être des signes, tant visuels qu'auditifs et linguistiques , fondée exclusivement sur des systèmes clos et conventionnés dont la seule ouverture—ou expansion—à l'autre se limite à bien en exprimer la spécificit é, Vhabitus disciplinaire et la différence matérielle. Puisque l'interdisciplinarité suppose, à tout le moins, deux champs disciplinaires , force est de constater que ladite convergence tant encensée relève davantage de la recoupe et de la rencontre informelle—sans difformité du média ajouterons-nous—que d'un véritable devenir autre des matières médiatiques auxquelles s'associent les disciplines littéraire (le mot), cinématographique (l'image), théâtrale (le corps) et autres. En effet, pour penser la convergence en termes d'interdisciplinarité, nous n'avons d'autre choix que de nous investir de l'idée, surannée et déplaisante, de formes matérielles codifi ées jusqu'à l'immuable. D'où l'assertion qu'une peinture est picturale de nature, et que le mot est littéraire par essence. Leur possible «transversalité» n'étant en somme qu'une «multi-médiateté», soit une cascade de chutes médiatiques sans réelle convenance si ce n'est celle de l'adaptabilité de leur contenu . Aussi la connexion interdisciplinaire ne permettrait-elle qu'un bon voisinage de codes déjà bien définis et suffisants. 36 Summer 2003 BEGIN Pourtant, dans le cas de l'adaptation cinématographique, d'aucuns prétendent qu'il y a bel et bien rencontre entre littérature et cinéma, mais envisager cette jonction comme l'occurrence conjointe de deux champs disciplinaires distincts—ce qu'induit d'ailleurs le concept d'interdisciplinarité—convoque implicitement l'idée d'un partage matériel au sens répartitif et non altruiste du terme. Le concept d'interdisciplinarité évite ainsi de réfléchir à la problématique que soulève toute convergence quant à la possible transformation du média comme tel. Du coup, n'est-il pas à l'avantage d'une profonde réflexion sur la convergence d'appréhender celle-ci du point de vue de la mutation médiatique et non plus exclusivement de l'étudier dans les limites de l'adaptation et de l'appropriation poétique? La matière de l'expression artistique est à la discipline ce que le marteau est à l'ouvrier—un instrument qui renvoie à une finalité, un outil dont la matérialité exprime moins que ce à quoi il est utilisé et destiné. Jamais il ne viendrait à l'idée de l'ouvrier «discipliné» de détourner la circulation automobile à l'aide de son seul marteau, comme il semble périlleux pour l'écrivain—ou l'idée qu'on s'en fait—de faire signe avec des mots dont le sens a déjà autorité sur leur utilisation. Aussi, d'un point de vue strictement disciplinaire, le média littéraire s'inscrit-il dans une structure institutionnelle des plus contraignantes: une structure discursive qui, d'une part, «autorise» la reconnaissance...

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