In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Préface: Ecrire l'enfermement Martine Delvaux et Frieda Ekotto The cell is narrow. When I stand at its center, facing the steel door, I can't extend my arms. But it is long, and when I lie down, I can stretch out my entire body. A stroke of luck, for in the cell I previously occupied—for how long?—I was forced to huddle up when seated and keep my knees bent while lying down. The cell is quite high. When I jump, I'm unable to touch the ceiling . The white walls have been recently painted. Undoubtedly they once had names on them, messages, words of encouragement, dates. They are now bereft of any vestige of testimony. Jacobo Timerman1 Comment parler de l'enfermement et des diverses formes qu'il prend depuis le berceau et le banc d'école jusqu'à l'hôpital, la prison ou l'asile? De fait, comment l'enfermement se parle-t-il? Les "institutions totales", pour reprendre l'expression d'Erving Goffman2, sont le lieu de maintient de l'ordre: celui du comportement mais aussi celui du discours, du récit. Tout est bien qui finit bien. Ou, comme le suggère Diana Taylor au sujet des mécanismes de répression de l'Argentine durant la guerre sale (censure, disparitions et tortures): "Stories had to have happy endings".3 On confine, on encercle, on délimite. De la surveillance intangible à la punition perpétuelle, le pouvoir nous guette. Il est panoptique. Tout voir sans être vu. Tout régir sans être remarqué. Les "institutions totales" fonctionnent à la manière de marionnettistes tirant les ficelles invisibles de leurs poupées. Mais si la poupée se mettait à parler? Mais si elle arrivait à le voir, lui, le manipulateur de cordes? Les pages qui constituent ce numéro spécial intitulé "Récit et enfermement " ont pour but d'engager une réflexion sur le rapport entre l'enfermement et le récit. Les auteur/es proposent toutes et tous une lecture des pratiques discursives qui subvertissent l'aliénation, l'étrangeté à soi que cause un enfermement carcéral, asilaire ou concentrationnaire, mais aussi, tout simplement, familial. Ces articles étudient la mise en récit d'une expérience d'emprisonnement et le rôle de l'acte de parole par rapport à une libération éventuelle de l'individu enfermé. Comment l'individu s'exprime-t-il à l'intérieur de l'institution, et quel est le rôle de cette expression par rapport aux murs qui la renferment? C'est à cette question que Michèle Nevert tente de répondre dans "Ma prison est une répétition... L'enfermement du psychotique dans le langage; la Vol. XXXVIII, No. 3 3 L'Esprit Créateur libération de Dominique Charmelot", présentant d'une part les marques du discours psychotique, et d'autre part le cas de Dominique Charmelot, internée à La Borde, et dont l'écriture s'est avérée le moyen de quitter l'asile. De même, que signifient la circulation et la transformation des mots dans le discours carcéral de Jean Genet? Comment, demande Maria Paganini dans "Ecriture carcérale: l'échappée belle", son palimpseste d'écriture parvient-il à miner les institutions qui l'informent? Comme le suggère Michel Foucault4, les micro-sociétés répressives, dans le cadre desquelles prend place l'enfermement , réifient le "prisonnier", le dépersonnalise par l'entremise d'un quadrillage spatial et temporel dans lequel le corps doit s'inscrire, l'organise au moyen d'une discipline non seulement physique mais discursive, le contr ôle par le biais d'un regard que le prisonnier non seulement sait présent mais finit par intégrer: le succès de toute pratique d'ordre panoptique consistant à amener le surveillé à devenir son propre surveillant. Dans le cadre de ce régime coercitif s'amorce, selon Erving Goffman, un processus de dépersonnalisation et de "déculturation". Toutefois, cette "déculturation " donne lieu à une série de pratiques oppositionelles qui visent à contrer , du moins discursivement, les forces de l'enfermement. De fait: comment se présentent ces voix que l'institution a...

pdf

Share