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Hauteurs désertifiées, plaines surpeuplées. Pierre Bergounioux et Koos van Zomeren, chroniqueurs des métamorphoses rurales en France et aux Pays-Bas Manet van Montfrans Tout comme pour les hiboux, la vie se révèle à nous comme un retour aux origines—si ce n'est vers le sol natal proprement dit, ce sera vers un endroit qui y ressemble fortement. —Jonathan Evan Maslow, The Owl Papers1 LES RÉFORMES AGRAIRES des dernières décennies ont changé de façon irréversible certaines régions rurales en Europe. A l'exception de quelques mégapoles, la France a échappé à une urbanisation sauvage, mais elle a vu certaines de ses contrées, le "rural profond", tomber dans une désertification non moins inquiétante2. La campagne néerlandaise, uniformément plate, d'étendue relativement réduite, s'est, par contre, de plus en plus peuplée. Si de nombreux paysans ont quitté leurs fermes3 et sont partis pour les villes, les villages ont été envahis par des citadins à la recherche de biens devenus rares—le silence et la nature. Cependant, l'espace entre les villes s'étant couvert d'un dense réseau routier, le bruit et l'impact de la civilisation sur la nature ne peuvent guère être ignorés. Le développement d'une agriculture environnementale chargée d'entretenir l'espace risque de "parquer" ce qui reste de la population paysanne dans des réserves, gardiens de ce qu'on a pris l'habitude de désigner comme la "nouvelle nature"4. Les conséquences de l'introduction de la modernisation et de la mécanisation dans les campagnes ont trouvé un écho dans la littérature contemporaine . Les tabous esthétique et idéologique qui, dans beaucoup de pays européens, pesaient sur la représentation du monde rural ou régional, ont craqué sous la pression de la révolution qui venait de s'accomplir. Les deux dernières décennies du XXe siècle ont ainsi vu resurgir dans la littérature européenne la mémoire d'une terre qui avait nourri tant de générations et forgé des pans entiers de civilisation. En France, les thèmes de la nature, de la communauté rurale et de l'ancrage dans la région ont fait une réapparition frappante dans l'œuvre d'écrivains tels Pierre Bergounioux, Pierre Michon, Richard Millet et Jean Rouaud. Ils comptent parmi les auteurs qui ont défié l'anathème jeté dans les années soixante et soixante-dix sur le réalisme en littérature. A l'heure d'une 22 Summer 2002 VAN MONTFRANS métamorphose accélérée de la société, interroger le réel social est redevenu pour ces écrivains, eux-mêmes originaires de la province, un impératif catégorique . Les écrivains néerlandais ne connaissent pas ce rejet violent du réalisme mais ceux qui s'intéressent aux processus socio-culturels, situent leurs ouvrages de préférence en milieu citadin. L'historien et journaliste Geert Mak a réussi cependant à susciter auprès d'un vaste public l'intérêt pour le monde rural néerlandais. Dans son texte emblématique, Hoe Godverdween uitJorwerd, il évoque le déclin d'une communaut é villageoise frisonne après la Seconde Guerre mondiale5. Le poète et romancier Willem van Toorn thématise dans son roman, Een leeg landschap, la tension entre la vie villageoise et l'expansion urbaine dans un des polders près d'Amsterdam. Le roman se termine sur le vrombissement d'une scie électrique abattant le dernier verger du village. Dans le récit autobiographique De Rivier, Van Toom retourne à la région de son enfance, région dite des grands fleuves, fortement altérée par le rehaussement des digues et la destruction consécutive d'habitations caractéristiques6. Cette région est aussi le pays d'origine de l'écrivain et journaliste Koos van Zomeren. Celui-ci évoque, dans ses romans, essais et articles, l'homogénéisation de la campagne, l'impitoyable déboisement, et une nature qui, par l'omniprésence de l'homme motorisé, se...

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