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Du rouge au vert (Daniel Cohn-Bendit) Jean-François Fourny LES ÉLECTIONS EUROPÉENNES DE JUIN 1999 auront donné lieu à de bien singulières convergences politiques, remettant en cause le traditionnel clivage gauche/droite. Ainsi aura-t-on vu Charles Pasqua, très marqué à droite, souhaiter, au nom de la "souveraineté" nationale, un vaste rassemblement antieuropéen (Rassemblement pour la France et l'Indépendance de l'Europe) qui incluerait des gens de gauche: sirènes gaulliennes auxquelles certains membres du Mouvement des Citoyens de JeanPierre Chevènement, très marqué à gauche, n'ont pas été complètement insensibles . Parallèlement, ces mêmes élections ont consacré le retour spectaculaire de Daniel Cohn-Bendit à la vie politique, devenu maintenant l'un des deux principaux dirigeants des Verts, le parti politique français le plus "européen" de tous. L'essai qui va suivre s'intéressera donc au parcours de Daniel CohnBendit : en effet, le Dany-le-Rouge de Mai 68, oublié pendant quelques années, s'est mué en Dany-le-Vert (ou Dany l'Européen). La question qui se pose alors est donc de savoir comment l'on passe du "rouge" au "vert" ou, en d'autres termes, comment une sorte de "monument historique" de Mai 68 dépasse son propre passé tout en l'intégrant. Daniel Cohn-Bendit a visiblement su accompagner son époque, et sa carrière se situe à mon avis à la croisée de trois courants qui se sont fondus pour constituer une force politique stable et dynamique. En fait, il me semble que la pensée écologique française des quinze dernières années a assumé une partie de l'héritage de Mai 68 avant d'épouser sans réserve la cause européenne, beaucoup plus ancienne. Dany-le-Vert représente donc le produit, ou la synthèse, de la pensée écologique, de la tradition libertaire/anti-autoritaire de Mai 68 et de l'engagement en faveur de l'Europe. Je commencerai donc par un bref état des lieux de la pensée écologique française afin d'essayer d'y situer Daniel Cohn-Bendit Je passerai ensuite à ce qu'il semble avoir retenu des idéaux de Mai 68 tout en en ayant cependant répudié une partie. J'aborderai finalement, dans une troisième partie, l'Union européenne comme nouveau terrain de prédilection de cet ancien "soixante-huitard". Une écologie politique Pour des raisons propres à la culture française, l'écologie ne commencera à être politiquement prise au sérieux que sous la présidence de Valéry Giscard Vol. XLI, No. 1 43 L'Esprit Créateur d'Estaing (1974-1981), accusant ainsi un retard considérable sur l'Allemagne, et ce en dépit d'une riche littérature. D'où le fait que ce n'est que récemment que l'option du "tout-nucléaire" a commencé à être remise en cause en France. La pensée écologique française s'est d'abord imposée à travers le "tiersmondisme " de René Dumont et son influence se fait encore sentir1. Selon Dumont, l'humanité traverse une crise globale créée par l'économie de marché et le pillage concomitant des pays pauvres par les pays riches, engendrant ainsi inégalités sociales insupportables et destruction de l'environnement qui ne sont pour lui, et parmi d'autres, que deux facettes d'une même crise. En somme à crise globale, réponses globales qui viseraient à réduire la dette des pays pauvres, réduire la surconsommation dans les pays riches et éliminer progressivement l'utilisation d'énergies polluantes. A l'œuvre de R. Dumont sont progressivement venus s'ajouter plusieurs niveaux de réflexion, certains visant à développer cette tradition intellectuelle, d'autres s'acharnant à la critiquer sévèrement. Je m'en tiendrai ici aux méditations de Michel Serres, Félix Guattari et de Luc Ferry. En ancien officier de marine, Michel Serres explique, dans son Contrat naturel, que l'humanité est embarquée sur un vaisseau (la planète) qui menace de sombrer2. C'est un peu comme si le premier contrat social avait dangereusement exclu un troisième partenaire...

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