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(Im)Pudeur en jupons et (dés)honneur du galon Anne Frémiot LE ROUGE QUI MONTE AUX JOUES, le regard qui se dérobe, un léger tremblement, telles sont sans doute certaines des manifestations physiques de la pudeur: ce langage du corps par lequel s'affiche et s'exhibe le sujet pris en défaut, n'est cependant pas sans ambiguïté, ni sans complexité. Ces signes involontaires montrent que l'individu a failli dans sa représentation de soi par rapport à son attente ou à ce qu'il croit que les autres attendent de lui. Comme le remarque Roissard, "Dans cette pudor latine, sur le radical pudere, c'est-à -dire avoir honte, il y a donc la crainte de se montrer blâmable en dévoilant une partie physique ou morale de soi-même".1 La honte est l'idée que l'image qu'on projette à un moment donné est inférieure ou indigne des valeurs morales qui permettent de se définir et de s'identifier dans un milieu déterminé. En anglais, le mot "shame" (honte) provient de skam/skem,2 qui signifie couvrir, cacher: la honte revient alors à être découvert physiquement ou figurativement. La pudeur se manifeste avant la honte comme mécanisme de défense contre cette honte possible: elle signale la crainte d'être honteux. La pudeur voile ce qui risque d'être dévoilé. Elle n'existe donc qu'en fonction du principe de honte qui en est comme le principe constitutif car elle évoque la limite, la frontière de la honte. Elle masque ce qui serait susceptible d'apporter la honte mais, de par sa nature même, elle dévoile en cherchant à masquer, ses manifestations physiques se donnant à lire au regard de l'autre: Il s'agit d'un art paradoxal du corps: exigence de faire taire le corps ou le regard, tout en offrant des signes et des repères. Montrer l'acte qui cache. La pudeur est un langage du corps et un travail sur le corps.3 La honte est, alors, inséparable de l'idée d'honneur, l'une utilisant l'autre pour mieux se définir car la pudeur protège l'honneur de la personne en faisant apparaître le risque de sa honte. La pudeur ne peut donc être que si le sujet a la conception d'une image idéale de lui-même qu'il tente de projeter, une image vers laquelle il aspire comme moi idéal et qui est le lieu de son honneur . De plus, puisque la pudeur et l'honneur engagent inévitablement le regard de l'autre, ils ne peuvent exister que dans un contexte social. Cette pudeur, souvent représentée comme une réaction naturelle du corps, n'est en 90 Winter 1999 Frémiot fait qu'une réalité discursive, la manifestation physique d'un savoir social qui élabore des critères spécifiques à propos de ce qu'il convient ou est acceptable de faire ou d'être. Comme elle est dépendante d'un milieu social, elle se formule en fonction des variations et des évolutions qui vont se jouer au sein de ce milieu. Ne risque-t-on pas alors de confondre pudeur et décence? Pachet nous invite à "distinguer la décence [...] de la pudeur: d'un côté la conformité à un certain code de conduite, voire le conformisme, et de l'autre ce qui s'invente et s'esquisse pour protéger ce que l'outrage n'a pas encore atteint".4 Si décence et pudeur sont liées par leur dépendance au milieu social, la pudeur semble être une intériorisation des mœurs et convenances d'une société par la constitution d'une morale individuelle. Là où, dans le texte de Barbey d'Aurevilly , "A un Dîner d'athées",5 qui va nous intéresser ici, les aristocrates de la ville de V... ont "Γinoffensive manie de s'attribuer des titres" pour conforter leur appartenance de "naissance, de caste, de rang social" (182) et donc leur décence par rapport aux autres, Mesnilgrand (le héros), lui...

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