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Mythologie de la femme à la Belle Epoque Martine Antle LA BELLE EPOQUE commencerait, selon la majorité des critiques et des historiens, le 6 mai 1889, date de l'inauguration de l'exposition Universelle et du centenaire de la Révolution Française, et se terminerait à la veille de la guerre de 1914. Période d'ambiguïté et d'instabilité par excellence, la Belle Epoque se présente comme le versant négatif de la modernité, en ce sens qu'elle exalte le culte du progrès à tout prix, symbolisé comme l'a noté Walter Benjamin, par l'absolutisme technique qui est à la base de la construction du fer. ' Période englobant à la fois la modernité et les avant-gardes, la Belle Epoque se dérobe à toute interprétation globalisante. Dès lors, une lecture de cette époque ne peut s'accomplir qu'en prenant en considération les multiples ruptures et les révolutions qui l'ont marquée: en trente ans en effet, nous voyons successivement se dessiner, naître et disparaître plusieurs tournants ou tendances littéraires et artistiques caractéristiques de la modernité: la fin du romantisme, l'impressionnisme, le fauvisme, le cubisme, le futurisme2 et l'art nouveau parmi bien d'autres. Se plaçant d'emblée sous l'effigie de l'industrialisation capitaliste et de la Tour Eiffel,3 la Belle époque est donc porteuse à la fois des avant-gardes et des idéologies parfois conflictuelles que celles-ci développent.4 Ainsi est-il possible de délimiter et de distinguer non seulement plusieurs "Belles Epoques", comme par exemple la Belle Epoque fin-de-siècle et celle des avant-gardes naissantes, marquée par le célèbre merdre d'Ubu en 1898, mais aussi plusieurs facettes ou "visages" de Belle Epoque. Dans le cadre de cette étude centr ée sur la femme, nous verrons plus particulièrement que, si la Belle Epoque se sert de la femme pour promouvoir le progrès, l'esprit nouveau et l'esprit de liberté qui la caractérisent, elle n'est en fait productrice que de clichés et d'artifices et repose principalement sur la mise en scène et l'exploitation du corps féminin. Par ailleurs, ces clichés tissent une mythologie5 de la femme et fonctionnent en tant que cache: cache d'une autre Belle Epoque, celle des réalités sociales et politiques auxquelles la femme est confrontée dans une société qui engendre une poussée des droites extrémistes et qui voit l'émergence du fascisme. Dans cette perspective , Philippe Jullian souligne comment la mythologie de la Belle 8 Winter 1997 A NTLE Epoque relève d'un dispositif très particulier visant finalement à effacer l'histoire: Myth has replaced history to such a degree that these words immediately conjure up musichall scene: showgirls in black stockings, pink velvet bodices and feathered hats, dancing the cancan ... a hackney carriage drives across the back of the set, or perhaps one of the first motorcars. Regardless of perspective, the blackcloth shows the Eiffel Tower and the Moulin Rouge together, or the Casino at Monte Carlo.6 Vue sous cet angle, la femme, véritable figure de proue, se trouve prise dans un réseau de significations contradictoires et souvent conflictuelles . La femme est présentée à la fois comme libérée et comme aliénée. Une certaine émancipation de la femme devient plus visible dans la sphère publique, et pourtant en même temps, la femme continue à être prise dans des circuits de représentation traditionnels, et du point de vue de l'art et de la publicité, elle n'en demeure pas moins exclue des modes de production. Idolâtrie, exaltation, incarnation du plaisir, fétichisme excessif, maux et maladies, comme nous le verrons plus loin, telles seraient les facettes du kaléidoscope au travers duquel la femme est représentée à la Belle Epoque. Rappelons-le, dans les milieux artistiques, la Belle Epoque s'affirme, se donne délibérément en spectacle, se parade et se définit en tant que période exaltante et divinatoire pour la femme. Dans le...

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