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Y a-t-il des dénouements bâclés dans les comédies de Molière?1 Fanny Népote-Desmarres AU TITRE DE LA VARIÉTÉ des créations dramatiques de Molière, on peut compter la richesse de leurs dénouements. Le dramaturge, jouant en effet tour à tour de l'évolution rigoureuse du caractère dépeint, de coups de théâtre à relents baroques, du développement d'une situation familiale ou amoureuse, d'un stratagème grossier ou élégant jusqu'à la féerie, d'un jeu collectif, ou encore de l'expression d'une sagesse personnelle, renouvelle à l'envie le plaisir de la raison autant que la complicité ludique du spectateur. Toutefois, au-delà de l'impression de diversité ressentie par un spectateur à l'assiduité idéale, ces fins tendent à relever de deux catégories opposées: les unes, épurées et vraisemblables, répondent à une évolution interne nécessaire, et apparemment fruit du seul accomplissement logique de la situation; les autres, compliquées et de convention, supposent l'intervention d'artifices imprévus. Faut-il penser qu'il s'agirait là de la simple modulation de la variété propre au genre pratiqué par Molière et d'une mise en œuvre normale des effets recherchés par l'auteur? Y-aurait-il au contraire variété des dénouements parce qu'il y aurait variété typologique des œuvres?2 Plus banalement, au regard des qualificatifs à travers lesquels nous venons de la décrire, cette deuxième catégorie ne serait-elle que le fruit d'une amputation, ou un défaut de la première? Après avoir enregistré l'existence de ce double type de dénouements des comédies de Molière, nous serons conduits à analyser les principes de fonctionnement des dénouements du deuxième type, ce qui permettra de soulever la question du sens des modulations conclusives des œuvres. I. Distinction dramatique & complémentarité sémantique des dénouements Les contemporains de Molière ont, les premiers, été sensibles à cette diversité des fins qu'ils ont appréciée à l'aune des canons de l'esthétique classique en regrettant le contraste qui existait entre deux pans de l'art de Molière: l'un, réputé orthodoxe, entre autres du fait de l'existence de dénouements reposant sur la dynamique interne d'évolution d'un caracVOL . XXXVI, No. 1 63 L'Esprit Créateur tère; l'autre, dont ils considéraient les pièces comme de moindre qualité, en particulier au regard des modalités de leur achèvement.3 Pour ce qui est du premier pan, Le Misanthrope a fait office d'archétype; l'intrigue y est en effet conduite à son terme parce que l'atrabilaire Alceste, après divers déboires qu'il s'est infligés, fuit de luim ême la société de ses amis/ Et de fait, la qualité de la peinture lui vaudra d'atteindre à une vraisemblance telle que certains contemporains de Molière se reconnaîtront en lui.5 Dans le même esprit, l'on a pu voir dans ces types de fins l'indice d'engagements politiques précis qui valurent de surcroît, à la première version du Tartuffe et à Dom Juan de faire l'objet d'un scandale et d'une interdiction de représentation.6 Pour ce qui est du deuxième pan, Les Fourberies de Scapin sont présentées comme l'exemple à ne pas suivre, ne serait-ce que parce que la pièce, déjà jalonnée d'effets comiques de trétaux s'achève de façon invraisemblable, grâce à une reconnaissance fortuite, qui permet un retournement in extremis de la situation. Dans cette perspective, Molière, ne recule, semble-t-il, devant aucune invraisemblance, suscitant retrouvailles inimaginables (L'Ecole des femmes, L'Avare,7 etc.), travestissement de sexe des jeunes gens (Le Dépit amoureux), mort à point nommé de personnages embarrassants (Sganarelle) et ainsi de suite. Et il n'est pas jusqu'aux ressources que lui offre une dramaturgie extrême que Molière n'exploite en de grandes mises en scène de mensonges, imaginant une...

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