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  • Maria, ou le Malheur d’être femme
  • Catherine Dubeau (bio)
Mary Wollstonecraft. Maria, ou le Malheur d’être femme, éd. Isabelle Bour. Saint-Étienne: Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2005. 129pp. €15. ISBN 978-2-86272-396-9.

Avant de publier A Vindication of the Rights of Woman (1792)— qui succède à Vindication of the Rights of Men (1790)—Mary Wollstonecraft (1759–97) cumule les expériences propres à aviver sa conscience sociale. Deuxième de sept enfants, elle souffre du favoritisme à l’endroit du frère aîné, subit la brutalité paternelle de même que les contrecoups d’entreprises qui ont tôt fait de dilapider la fortune familiale. Décidée à voler de ses propres ailes, elle quitte le foyer et occupe successivement les postes de dame de compagnie, d’enseignante et de gouvernante. De ces activités pédagogiques naîtra Thoughts on the Education of Daughters (1787). En 1788, l’ éditeur Joseph Johnson lui propose de collaborer à son nouveau périodique, Analytical Review. Dès lors, Mary Wollstonecraft vit de sa plume et accède à l’indépendance souhaitée. Les dernières années de sa vie sont marquées par la tourmente, tant révolutionnaire que personnelle (séjour en France, première maternité, abandon de son amant Gilbert Imlay, double tentative de suicide). À partir de 1796, elle trouvera auprès de William Godwin une extraordinaire complicité amoureuse et intellectuelle, trop tôt interrompue par sa propre mort, survenue quelques jours à peine après avoir mis leur enfant au monde (future Mary Shelley). C’est dans le cadre de cette union tardive que Mary Wollstonecraft travailla à son dernier ouvrage, une fiction romanesque (inachevée) intitulée The Wrongs of Woman or Maria, a Fragment.

Publié par les soins de Godwin en 1798—qui y joint une biographie de sa compagne—le roman a aussitôt été traduit en français par Basile-Joseph Ducos sous le titre de Maria ou le Malheur d’être femme. C’est cette traduction d’époque, très bien présentée et annotée par Isabelle Bour, que proposent les Publications de l’Université de Saint-Étienne. D’entrée de jeu, I. Bour insiste sur le déplacement sémantique opéré par le titre de la traduction: le mot « malheur » focalise sur la posture de victime plutôt que sur les « torts [wrongs] commis à l’encontre de la femme » (7). Elle insiste également sur la parenté qui lie la fiction à l’essai The Rights of Woman: « Le roman fournit une illustration des formes d’inégalité présentées discursivement dans le traité, quoique le récit de fiction n’affiche pas son didactisme, étant au contraire marqué par la véhémence » (7).

Élevée dans une famille marquée par l’injustice et la tyrannie paternelle, l’héroïne pense échapper à ses premiers malheurs en épousant Georges Vénables, un homme qui se révélera cynique, libertin et dépensier. Toutes les tentatives de Maria pour échapper à son époux, [End Page 484] préserver sa fortune et reconquérir son autonomie se solderont par des échecs et, bientôt, par un enfermement à l’asile, transparente métaphore du mariage malheureux: « il n’y a que ce théâtre de supplices éternels, que l’on puisse comparer à mon horrible prison » (83). Wollstonecraft renverse la chronologie en faisant débuter le roman in medias res: le lecteur se trouve avec l’héroïne dans ce lieu carcéral terrifiant qui n’a rien à envier à l’ambiance du roman noir (22). Le récit est divisé en dix-sept chapitres où s’enchevêtrent narration omnisciente et récits autobiographiques. Les chapitres 1 à 4 relatent les débuts de l’enfermement de Maria, qui réussit à s’attirer l’amitié de sa geôlière Jemima—par laquelle elle obtient bientôt de quoi lire et écrire—et développe une liaison amoureuse avec un autre détenu, Henry Darnford, dont elle ne connaît d’abord que les notes griffonnées dans des livres. Notons l’importance extrême qu’acquièrent la lecture et l’écriture dans ce...

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