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  • Des sens au sens: Littérature et morale de Molière à Voltaire
  • Anne Coudreuse (bio)
Jacques Wagner, éd. Des sens au sens: Littérature et morale de Molière à Voltaire. La République des lettres 35. Leuven: Peeters, 2007. 202pp. €44. ISBN 978-90-429-1985-3.

Ce volume contient des articles issus de communications présentées lors du Congrès des Lumières de 2002 à Los Angeles dans le cadre d’une session proposée par Jacques Wagner pour réfléchir aux rapports de l’âme et du corps à travers la question de la volonté et des sens, et de conférences présentées lors de séminaires de recherche tenus à l’Université Blaise Pascal. Dans sa présentation, J. Wagner note que « le sens et les sens ne se sont pas rencontrés par hasard au xviiie siècle, malgré leur apparente hétérogénéité » (1). Les articles sont organisés en trois rubriques, correspondant à trois types d’objet et de démarche: le type narratif, le type discursif et le type esthétique. Le corpus se compose de la prose fictionnelle, narrative ou dramatique (la comédie, le roman, le conte et les mémoires) et de la prose d’idée, théorique ou polémique (les essais philosophiques, la critique littéraire ou la réflexion esthétique), dans une période qui va de 1666 (Le Misanthrope) à 1778 (la Satire première de Diderot).

Les sens ne sont plus écartés de l’affirmation du sens, ce qui met fin à l’idéalisme antérieur. La volonté ne définissant plus l’idéal humain, le sens devient instable, d’autant plus que disparaît, malgré les efforts du déisme voltairien ou rousseauiste, la référence divine, ancienne garante du sens et légitimation transcendante de la volonté. Jacques Chupeau montre que dans Le Misanthrope, Molière s’en prend aux prétentions « poétiques » d’Alceste. L’intérêt des spectateurs d’aujourd’hui se déplace vers Célimène qui incarne la recherche personnelle du bonheur. Hélène Cussac analyse comment dans Les Illustres Françaises de Robert Challe, les sensations, notamment auditives, semblent se substituer comme sources du vouloir aux valeurs morales traditionnelles relevant toutes plus ou moins du libre arbitre. Paul Pelckmans montre comment dans les Campagnes philosophiques Prévost insiste sur le charme des émotions privées et éloigne le souci traditionnel de la gloire et de l’honneur qui faisait du personnage un modèle moral. Le dénouement permet une reconfiguration sensualiste de la morale. Marie-Paule de Weerdt-Pilorge analyse les années de formation dans les mémoires et les romans-mémoires (La Vie de Marianne, les Mémoires de Madame de Staal-Delaunay, les Mémoires du cardinal de Bernis). « Comment les années de formation sont-elles retracées dans des récits qui, tous, privilégient la naissance d’une conscience au monde et l’évolution d’une personnalité? » (52). Emmanuel Boussugue commente une anecdote de la Satire première de Diderot, où l’on voit Fougeret de Monbron, « l’homme au cœur velu », mettre à mal l’optimisme des Lumières par [End Page 464] son insensibilité. Anne-Marie Cabanat s’interroge sur les Contes moraux de Marmontel. « En passant de la référence à La Bruyère à l’hommage à Richardson, quelle inflexion du discours moral Marmontel nous donne-t-il à percevoir? » (95). Jacques Spica, dans une ample analyse, reconstitue minutieusement la réflexion de Voltaire, tentant de cerner la genèse morale de l’être humain pris dans la totalité physique de la nature et donnant à ce thème de la raison confrontée aux passions individuelles une dimension philosophique. La nature est revalorisée comme un livre dans lequel Dieu transparaît. L’homme est à la fois machine et passions nées de son instinct de conservation. Voltaire brasse cette dualité dans ses Contes (et surtout Le Monde comme il va, Memnon, Zadig). J. Wagner montre que le choix esthétique des objets humbles de la vie quotidienne ne relève pas d’un seul...

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