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  • «Ceci n’est pas un roman »: L’Évolution du statut de la fiction en Angleterre de 1652 à 1754
  • Jean Viviès (bio)
Baudouin Millet. « Ceci n’est pas un roman »: L’Évolution du statut de la fiction en Angleterre de 1652 à 1754. La République des lettres 31. Leuven: Peeters, 2007. 378pp. €46. ISBN 978-90-429-1852-8.

Dans son ouvrage au titre inspiré de Diderot (« Ceci n»est pas un conte »), Baudouin Millet se propose de décrire l’évolution du statut de la fiction narrative en prose pendant une période d’une centaine d’années en Angleterre. Ses bornes temporelles sont la date de la traduction d’Ibrahim de Mademoiselle de Scudéry en 1652 (avec sa célèbre préface signée par Georges de Scudéry) et la mort de Henry Fielding en 1754, date aussi de la parution de Sir Charles Grandison, dernier texte de fiction de Samuel Richardson. Cette évolution est faite de ruptures et aussi de continuités ou de résurgences.

Par rapport à d’autres études sur le roman à la même période, l’originalité du travail de B. Millet consiste à envisager le statut de la fiction essentiellement à partir des discours de justification présentés par les auteurs eux-mêmes et non pas émanant d’autorités extérieures (critiques, moralistes, juristes). C’est d’autre part le concept de fiction qui est en effet employé ici, hyperonyme des genres que désignent les catégories de « novel » et de « romance » et qui ont nourri de riches débats dans lesquels l’ouvrage ne s’inscrit pas directement. Les lieux stratégiques du discours des auteurs sont les préfaces, curieusement assez peu étudiées jusqu’ici et de manière sélective de surcroît. En effet, l’étude de B. Millet s’intéresse non seulement aux préfaces à contenu théorique mais aussi aux préfaces fictionnelles. Certes l’usage de préfaces n’est pas propre aux fictions, ce qui simplifierait du reste éminemment le problème puisqu’elles deviendraient un signe de fictionnalité ou d’appartenance générique. Elles se retrouvent, au milieu souvent d’autres éléments paratextuels, à l’orée d’autres types de textes: pièces de théâtre, recueils de poèmes, textes historiques, traités de morale, sermons, etc. À l’inverse on trouve des textes de fiction qui ont été publiés sans préface et où le dispositif de justification prend d’autres formes. À juste titre Baudouin Millet insiste dans son analyse sur les fonctions de ces préfaces qui dépassent largement l’effet ornemental et qui visent à la légitimation des textes qui les suivent. À côté des préfaces, l’étude examine les autres lieux où la fiction cherche à se légitimer. Au sein même des récits en effet, on repère des discours sur le statut de la fiction, phénomène propre aux xviie et xviiie siècles et qui s’estompera très nettement au xixe siècle. L’exemple type est bien sûr Fielding dans Joseph Andrews et Tom Jones. Le corpus retenu est vaste puisqu’il traite de la fiction narrative en langue anglaise et inclut par conséquent les traductions (de l’espagnol, du français et du hollandais). À cette fin l’étude s’est donné une typologie, distinguant un premier [End Page 454] modèle de fiction qui tend à dissimuler les signes de fictionnalité et un second modèle qui tend inversement à exhiber sa propre fictionnalité. L’hésitation dans la période considérée entre ces deux modèles témoigne bien que la fictionnalité ne va pas de soi et que son statut fait problème. Le second modèle est illustré par Incognita de William Congreve, Joseph Andrews de Fielding ou encore Roderick Random de Tobias Smollett. Tous les textes de ce second modèle présentent une réflexivité, qui peut être soit théorique (un argumentaire, notamment dans les préfaces), soit narrative à travers toute une série de procédés de distanciation qui invitent le lecteur à garder...

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