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Reviewed by:
  • Charles Baudelaire
  • John E. Jackson
Lloyd, Rosemary . Charles Baudelaire. London: Reaktion Books, 2008. Pp. 192. ISBN 978-1-8618-9363-5

Rien ne manque, dans l'élégante biographie que Rosemary Lloyd consacre à Baudelaire, rien de toutes les données concernant l'existence et les oeuvres de l'écrivain. Les cinq chapitres du livre, articulés selon une suite chronologique - l'enfance et l'adolescence, la révolte, le Paris du Second Empire, les effets du procès et les dernières années - racontent avec un grand souci d'exhaustivité tant les péripéties de la vie du poète que le contenu de ses différentes oeuvres. Celles-ci sont aussi bien résumées que citées de manière exclusive dans une traduction anglaise due à l'auteur, qui peut se targuer du mérite d'avoir souvent trouvé des équivalents fort heureux aux singularités pourtant marquées de la langue de Baudelaire.

D'où vient, alors, le sentiment de léger malaise qui naît à la lecture de cette étude? Une fois la part faite aux nécessités de la collection - Critical Lives de Reaktion Books - à laquelle elle appartient, et qui privilégie assurément une approche quelque peu "extérieure" des vies envisagées, - il me semble qu'on peut en déceler l'origine dans un parti-pris pleinement assumé, mais qui n'en est pas moins problématique. Comme l'avait déjà montré son étude de 1981, Baudelaire's Literary Criticism, ce qui intéresse au premier chef Rosemary Lloyd dans le poète français, c'est sa poétique, une poétique exposée dans les différentes formes de son activité critique: critique littéraire, critique artistique ou musicale. Et sans doute, si l'on se souvient que les deux premières publications de l'écrivain sont son Salon de 1845 puis son Salon de 1846, quand on tient compte de la très nette supériorité en nombre de pages de ses écrits critiques sur sa poésie, quand on pense que de son vivant Baudelaire fut reconnu d'abord comme le traducteur de Poe et comme l'adaptateur de Thomas de Quincey, que son étude sur Wagner marque l'acte d'origine du wagnérisme en France, on peut penser que placer une biographie dans la perspective de l'immense critique qu'il fut n'est pas un choix déraisonnable. Pour autant, c'est tout de même déplacer le centre de gravité de son oeuvre d'une manière injuste. Le seul vrai titre de Baudelaire à la postérité est d'être l'auteur des Fleurs du Mal (et dans une moindre mesure du Spleen de Paris). C'est le volume de 1857 ou, plus encore, sa réédition de 1861 qui doivent être au coeur de toute étude sur lui. C'est en pensant à ces poèmes que Rimbaud, dans la lettre dite du Voyant, proclamera Baudelaire "un vrai Dieu," c'est contre eux que Mallarmé s'inventera, avec [End Page 164] eux que Stefan George deviendra lui-même, que Rilke dira qu'a commencé le "dire objectif" qui a mené à la poésie moderne, que T.S. Eliot écrira "I think that from Baudelaire I learned first, a precedent for the poetical possibilities, never developed by any poet writing in my own language, of the more sordid aspects of the modern metropolis, of the possibilities of fusion between the sordidly realistic and the phantasmagoric, the possibility of juxtaposition of the matter-of-fact and the fantastic. From him, as from Laforgue, I learned that the sort of material I had, the sort of experience that an adolescent had had, in an industrial city in America, could be the material for poetry; and that the source of new poetry might be found in what had been regarded hitherto as the impossible, the sterile, the intractably unpoetic." "Les Fleurs du Mal" écrira Yves Bonnefoy en 1951 "sont le maître-livre de notre poésie." Et si elles le sont, il convient de voir que c'est souvent d'une manière qui varie, voire qui contredit la...

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