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« Don't I long for Montreal »:L'identité hybride d'une jeune migrante franco-américaine pendant la Première Guerre mondiale
Entre juillet 1917 et octobre 1918, Alma Drouin, jeune Franco-Américaine de Laconia, au New Hampshire, séjourne à Montréal. Ce sont les perspectives de mobilité professionnelle offertes par la métropole du Canada qui l'y ont attirée, ainsi que la vie trépidante qu'elle y percevait. À partir de sa correspondance et de son journal intime, nous avons tenté de saisir les représentations que se fait Alma de sa vie quotidienne à Montréal et de comprendre comment cette grande ville fait partie de sa cartographie mentale, qui est plus vaste; Alma Drouin est en fait porteuse d'une identité hybride et d'une conscience transnationale, qui se manifeste notamment par sa participation à un réseau épistolaire canado-américain. Tout comme son usage de la mobilité géographique à des fins de mobilité sociale, le réseau épistolaire d'Alma s'inscrit dans une tradition migratoire occidentale et canadienne-française. Si elle se construit dans sa correspondance et son journal intime comme une jeune travailleuse autonome, Alma dépend néanmoins d'un important réseau transfrontalier de parents, d'amis et de connaissances.
Between July 1917 and October 1918, Alma Drouin, a young Franco-American woman from Laconia, New Hampshire, sojourned in Montreal. She had been drawn to Canada's metropolis by the opportunities that it offered for professional mobility, as well as by its big-city attractions. Through an analysis of Alma's [End Page 75] correspondence and her diaries, we have attempted to understand the ways in which she represented her daily life in Montreal, along with the place of this big city in her broader mental geography. Alma Drouin possessed a hybrid identity and a transnational consciousness, the latter evident in her participation in a cross-border network of correspondents. Both this network and Alma's use of geographical mobility to achieve social mobility were part of a long migratory tradition in the western world and in French Canada. While Alma constructed herself in her correspondence and her diaries as an independent "working girl", she was nonetheless dependent upon a significant cross-border network of relatives, friends, and acquaintances.
En Janvier 1919, Alma Drouin, une migrante franco-américaine de 21 ans qui était retournée depuis peu dans sa ville natale de Laconia, au New Hampshire, confia à son journal : « Helen, Mother and I talked of Montreal. Thats the city, boy, for me1 ». La jeune femme s'ennuyait de la métropole, où elle avait vécu de juillet 1917 à octobre 1918, attirée qu'elle était par les perspectives de mobilité professionnelle que recelaient la grande ville et la vie trépidante qu'elle y percevait.
Cet article porte sur les représentations qu'Alma Drouin se fait de Montréal, telles qu'elles peuvent être observées dans sa correspondance et son journal intime. Nous voulons comprendre comment la ville, particu-liè rement la grande ville, était vécue et perçue par la jeune femme, et comment son séjour dans la métropole constituait une étape de son itinéraire social. En effet, la mobilité géographique d'Alma lui a servi à des fins de mobilité professionnelle, elle-même gage de mobilité sociale. Par ailleurs, la correspondance et le journal d'Alma permettent de comprendre la maniè re par laquelle « son » Montréal était ancré dans un monde plus vaste : les é crits d'Alma révè lent en effet la conscience transnationale2 de cette jeune migrante3. [End Page 76]
Si Alma nous apparaît comme un sujet transnational, nous insistons également sur son identité hybride. Ce concept possède une longue histoire : à l'origine utilisé par les botanistes et les zoologistes, il est appliqué aux êtres humains à partir du XVIIIe siè cle et il fait aujourd'hui partie du vocabulaire des sciences sociales4. Selon les sociologues Christine Dallaire et Claude Denis, la notion d'hybridité « refers to the transgression of socially constructed cultural boundaries and to the cross-border experience »; elle « underlines simultaneously the blending of cultures and their separateness5 ». L'anthropologue Pnina Werbner, pour sa part, considè re comme « hybrides » des pratiques qui « juxtapose and fuse objects, languages and signifying practices from different and normally separate domains6 ». Nous sommes conscients du fait que le concept d'hybridité suscite chez certains un malaise, en partie à cause des origines du mot aux XVIIIe et XIXe siècles, qui était alors lié à la notion de race, aux idéologies colonialistes et au mouvement eugéniste7. Néanmoins, à l'instar de Dallaire et Denis, nous considérons que le terme demeure utile afin de mettre en perspective les perceptions essentialistes des différences culturelles et de reconnaître le mé tissage des cultures8. Dans le cadre qui est le nôtre, nous usons du concept d'hybridité pour rendre compte du transnationalisme d'Alma Drouin, mais aussi pour évoquer son amalgame particulier de pratiques ethniques et linguistiques : son identité était structurée par des influences américaines et canadiennes-françaises, par la langue anglaise et la langue française et par le fait d'avoir grandi dans la république américaine, mais d'avoir séjourné à plusieurs reprises au Québec entre 1912 et 1918. Par ailleurs, se mêlaient aussi, dans l'identité hybride d'Alma, la culture ouvrière et la culture petite-bourgeoise.
Alma était une correspondante dévouée : chaque semaine, elle envoyait des dizaines de lettres et en recevait autant. Cependant, il ne nous reste des années montréalaises de cette jeune femme que 69 lettres, 30 reçues et 39 envoyé es. Pour la très grande majorité, sa mère est la scriptrice [End Page 77] (24) et la destinataire (38). Il faut donc lire les lettres d'Alma comme celles d'une jeune femme qui négocie les attentes et les craintes de sa mè re, et qui se construit comme autonome, débrouillarde, tout en étant entourée d'amis et de connaissances. Cette même repré sentation d'un personnage indépendant et moderne paraît dans les journaux intimes d'Alma9. S'il n'y a rien qui peut laisser croire qu'Alma a rédigé ceux-ci avec un lectorat en vue, nous remarquons néanmoins l'absence de réflexion véritablement intime dans son journal.
Origines : le milieu familial
Alma Drouin naît en 1897 à Laconia, petite ville du New Hampshire située aux confins de la vallée industrielle de la Merrimack et de la région des Montagnes blanches. Son père est un Beauceron qui a émigré aux États Unis huit ans plus tôt et sa mère est native du New Hampshire10. Avec ses six enfants, dont Alma est la cadette, le foyer Drouin constitue, comme dans beaucoup de milieux ouvriers, une cellule économique dont chaque membre doit contribuer au revenu familial. Le père, Cyrille, qui est menuisier dans une manufacture de wagons ferroviaires, où il a d'ailleurs perdu un oeil, est le principal gagne-pain. C'est un homme entreprenant qui élève aussi des porcs et des poules, soit pour le marché soit pour la consommation familiale, et qui vend des pommes. La mè re, Ellen, ne travaille pas à l'exté rieur de la maison, mais sa contribution au bien-ê tre économique de la famille est essentielle : elle gè re le budget familial avec un mélange d'ingé niosité et de parcimonie, et elle économise en confectionnant les vêtements des membres de la famille; elle prend aussi des pensionnaires. Cette femme ambitieuse essaie de maintenir l'é quilibre entre le bien-être familial et le bien-être individuel des enfants. Ainsi pousse-t-elle ses filles à poursuivre leurs études et elle ne semble pas percevoir une partie de leur salaire, comme c'est souvent le cas dans les familles ouvriè res11. [End Page 78]
Comme beaucoup d'autres foyers ou le père est ouvrier qualifié, la famille Drouin est relativement à l'aise : elle peut se procurer des objets de consommation et la maison que Cyrille construit à l'hiver de 1914– 1915, et qui est complètement payée à la fin de 191812, est plus confortable que celle de la majorité des Franco-Américains. Il n'en reste pas moins qu'Ellen vit dans la crainte que son mari manque de travail, une possibilité réelle dans un centre industriel13. C'est le cas en novembre 1914, à la suite d'un ralentissement de la production à la manufacture; Cyrille ne fait plus de journées complè tes de travail et la veille de Noël, il se retrouve au chômage, situation qui durera tout l'hiver. Pour Ellen, cela signifie économiser là où elle le peut; pendant les mois les plus froids de l'année, elle n'achète pas de bas, portant plutôt la vieille paire qu'Alma a rapportée du couvent; elle n'allume pas la fournaise non plus14.
Les Drouin sont dévots, particuliè rement Ellen, qui se sent souvent seule et qui trouve le réconfort dans la religion15. Elle prie beaucoup, et sa vie est scandée par le calendrier religieux et par les activités paroissiales, notamment les bazars, pour lesquels elle fait de la couture; elle va à l'église et au couvent des Sœurs de l'Assomption aussi souvent qu'elle le peut; elle envie son mari et leurs fils qui, moins occupés qu'elle, ont plus d'occasions de fréquenter les sacrements. C'est donc avec joie qu'elle accueille la proposition de la supérieure du couvent de Laconia, sœur Saint Urbain, d'envoyer Alma au pensionnat de Nicolet, d'autant plus qu'elle est ambitieuse pour ses enfants16.
Il est plus difficile de déterminer la place qu'occupe la religion dans la vie d'Alma. Petite fille et adolescente, celle-ci, à l'image de samère, prie beaucoup. Entre 1912 et 1915, elle fréquente trois couvents québécois des Sœurs de l'Assomption de la Sainte-Vierge. Là comme dans les autres communautés religieuses, l'éducation chrétienne constitue la base de la vie quotidienne17 , ce que semble apprécier Alma. Or, il est clair qu'elle est entrée au couvent pour parfaire son instruction, pas pour devenir religieuse. Plus tard, elle continue à [End Page 79] réciter le chapelet en famille et à participer activement au cycle des fêtes religieuses qui ponctuent le calendrier, mais on ne sent pas chez elle le même enthousiasme qu'auparavant; il lui arrive même d'oublier de jeûner certains jours de carême18. Toutefois, elle demeure fidèle aux enseignements de l'Église, comme le montre son indignation envers une pensionnaire de sa mère qui fait usage de méthodes contraceptives et qui critique l'institution ecclésiale, parce qu'elle se mêle, à son avis, de ce qui ne la regarde pas. Alma écrit dans son journal : « [. . .] the way she talked about the Church having no business about those things and she wouldn't pay any attention to what theChurch demanded or forbid [. . .] Shades ofCaesar, she's a Hell of a Catholic19 ». Alma n'épouserait pas non plus un non-catholique20.
« Is the house going to be full of Irishmen New Years's Eve?21 » : l'hybridité identitaire d'Alma Drouin
Pour comprendre Alma et surtout pour comprendre son vécu à Montréal ainsi que ses représentations de la ville, il est essentiel de bien saisir une autre caractéristique de la famille Drouin, son hybridité identitaire. Bien sûr, par dé finition, les Franco-Américains, tout comme les autres groupes immigrants, sont porteurs d'une identité hybride et il n'y a rien d'exceptionnel au fait que, chez les Drouin, on se donne des valentins le 14 février, on peint des œufs, à Pâques, on fête l'Action de grâce, on envoie des cartes de Pâques et de Noël. Rien de remarquable non plus à ce que Santa Claus apporte des cadeaux aux enfants lors de cette fête22. Dans le même sens, Alma et sa sœur aînée, Irène, écoutent de la musique populaire américaine et du jazz, vont à des soiré es de danse moderne, assistent à des parties de basket-ball, participent à des soirées pyjama, vont à la plage, lisent la bande dessinée Mutt & Jeff et décorent leur chambre avec des banderoles aux couleurs de diffé rentes universités américaines. Quant à leurs frères, ils sont friands de base-ball23. [End Page 80]
Comme les immigrantes juives de New York étudié es par Andrew Heinze24 , Ellen participe de façon aussi enthousiaste que ses enfants à la culture américaine et urbaine, allant voir des opérettes et agissant même comme secré taire d'un Larkin Soap Club, ce qui lui permet de recevoir en prime des articles ménagers et des meubles25. Elle raffole aussi des promenades en automobile et en bateau. Ces comportements socioculturels d'Ellen sont lié s, entre autres, au fait qu'elle soit née aux États-Unis, comme sa propre mère d'ailleurs. Elle parle ainsi l'anglais parfaitement, é crit toutes ses lettres dans cette langue, malgré de nombreux gallicismes, et anglicise systématiquement noms et prénoms (dont les siens : « Ellen Perry »). Elle n'est nullement la mère franco-américaine dite traditionnelle, gardienne zélée de la langue et des traditions. Il se peut que ce rô le soit en fait joué par Cyrille, unilingue francophone et paysan dans l'âme26. Mais, comme les enfants sont beaucoup plus proches de leur mè re que de leur père et que les Poiré devenus Perry sont beaucoup plus pré sents que les lointains Drouin de Lewiston et de Saint-Joseph de Beauce dans leur vie27, ils sont davantage américains que francos et sont plus à l'aise en anglais qu'en français28. Il se pourrait même que certaines traditions canadiennes-françaises, comme la confection de pâtés à la viande dans le temps des fêtes et la cueillette de l'eau de Pâques, ne soient pas associés au Québec dans leur esprit. Le regretté Roger Bernard aurait dit que les enfants Drouin étaient porteurs d'une culture bilingue caractérisée par la « secondarisation de la langue française29 ».
Il faut aussi souligner que la communauté franco-américaine de Laconia était une petite communautéet que, conséquemment, ses membres étaient, par le déséquilibre des nombres, en contact é troit avec les autres [End Page 81] éléments de la population30. En effet, en 1910, la ville comptait 10 183 personnes, dont 26,8 p. 100 étaient franco-américaines31 , et de ces 2 728 Franco-Américains, 40 p. 100, soit 1 090 individus étaient nés aux États Unis. Les autres groupes ethnoculturels comptaient seulement entre quelques centaines et quelques dizaines de membres. Cinquante et un pour cent des habitants de Laconia étaient Américains, c'est-à-dire qu'ils étaient nés aux É tats-Unis, comme leurs parents32.
Nous savons également depuis longtemps que les réseaux institutionnels des immigrants, y compris celui des Franco-Amé ricains, jouaient, parfois à leur insu, un rôle d'acculturation au milieu américain, même si leur mise sur pied et le discours qui enémanait, étaient liés à la survie culturelle. Fondée en 1891, la paroisse Sacré-Cœur de Laconia ne constituait probablement pas une exception, d'autant plus que, à partir de 1904, la cure fut occupée par un prêtre natif du New Hampshire, l'abbé Joseph-Eugène Dubois33. Même s'il avait étudié au Québec et s'il y avait fait du ministère, Dubois était sans doute sensible au mouvement d'unité qui se fit jour dans l'Église catholique américaine au tournant du XXe siè cle et qui se manifesta notamment par la promotion de Christophe Colomb comme l'ancêtre de tous les catholiques des États-Unis, peu importe leur origine ethnoculturelle34. Quant à l'école paroissiale, elle était, comme ailleurs en Nouvelle-Angleterre, bilingue et biculturelle, comportant une demi-journée en anglais et une demi-journée en français. La maîtresse de langue française enseignait la religion, l'histoire sainte, l'histoire du Canada, le français, la musique, le dessin et la calligraphie; pour sa part, la maîtresse de langue anglaise était responsable de l'anglais, des mathé matiques, de l'histoire des États-Unis, de la géographie et de la science35. En s'implantant en Nouvelle-Angleterre, la Congrégation des Sœurs de l'Assomption devint sensible à la nécessité d'y envoyer des enseignantes bilingues36. Il se pourrait même que l'identité de ces religieuses ait été [End Page 82] d'abord catholique, l'identité ethnoculturelle et linguistique étant reléguée en deuxième place37.
Dans ce quadruple contexte sociétal, familial, démographique et institutionnel, la sociabilité d'Alma et de ses amies est multiculturelle : elles fêtent la Saint-Patrick, elles participent aux mascarades des Chevaliers de Colomb, une association pancatholique, aux bals des Elks, une société protestante, et aux soirées de cinéma organisées par le Fonds juif. Les jeunes filles et leurs amis masculins participent aussi aux activités organisées par les Forestiers franco-américains, l'Alliance nationale et l'Association canado-américaine, mais sans y attacher d'importance symbolique, semble-t-il. D'ailleurs, Alma se montre trè s amusée lorsque sa mè re est élue présidente de la cour locale des « Canadoes », c'est-à-dire l'Association canado-américaine38. Lors de ses sorties, elle rencontre et danse avec des jeunes hommes d'horizons ethnoculturels divers, des Américains d'origine allemande, juive et irlandaise; elle a d'ailleurs un faible pour ces derniers, comme en font foi plusieurs passages de sa correspondance et de son journal39. Si elle fréquente davantage des personnes d'autres groupes ethnoculturels que ses parents, ceux-ci n'en sont pas pour autant coupés du monde extérieur, puisqu'ils ont des amis américains et qu'ils prennent des pensionnaires qui ne sont pas franco-américains.
Il est significatif qu'aucun des amis intimes d'Alma, à Laconia, ne soit originaire du Québec. Ils sont soit des Franco-Américains de la seconde génération, soit des Irlandais dont les parents sont natifs des États-Unis ou du Canada. Cela est d'autant plus remarquable que, mis ensemble, les Irlandais et les Canadiens anglais de la première et de la deuxième géné ration ne repré sentent qu'un faible pourcentage de la population de Laconia en 1910, soit 8,8 p. 10040. La seule amie intime d'Alma qui soit Canadienne de naissance est, en fait, Franco-Ontarienne.
Influences québécoises
Il n'en demeure pas moins que le Québec était pré sent dans le quotidien et l'imaginaire d'Alma Drouin à Laconia. Environ 20 p. 100 des [End Page 83] habitants de la localité étaient nés au nord de la frontière et on peut présumer que la majorité d'entre eux, même les immigrants canadiens-anglais, provenaient du Québec. Cela résultait en un va-etvient transfrontalier vigoureux et en des échanges postaux volumineux. « They come and go all the time », remarque Ellen41. Lorsque les Sœurs de l'Assomption prirent en charge l'é cole paroissiale en 1906, les liens transfrontaliers devinrent plus circonscrits42, cette communauté religieuse ayant sa maison mère à Nicolet et possédant des couvents et pensionnats dans le centre du Québec et dans les Cantons de l'Est. Les déplacements de religieuses et d'élèves entre ces deux ré gions et Laconia étaient constants.
Lorsqu'Alma prend le train pour Nicolet en septembre 1912, c'est vrai-semblablement la première fois qu'elle traverse la frontière. Elle ne connaît du Québec que ce que lui ont raconté son père, sa mère, qui y a effectué quelques visites, et d'autres personnes, y compris les religieuses du couvent de Laconia. En arrivant dans le grand pensionnat de Nicolet, Alma subit un choc. C'est la raison pour laquelle elle n'y reste même pas une semaine et est envoyée au couvent du village voisin de Baie-du-Febvre, beaucoup plus petit et « more home like43 ». Elle s'y plaît davantage. Après un hiatus d'un an (1913–1914) dû à la situation financière de sa famille, elle est pensionnaire au couvent de Saint-Pierreles Becquets, où elle enseigne aussi l'anglais aux élèves de 3e. Aux deux endroits, Alma est une élève appliquée, passant du 5e rang, en octobre 1912, au 1er , en mai 1913; elle demeurera première de classe jusqu'à l'obtention de son diplôme, en juillet 1915.
Ainsi, pendant deux ans, Alma vit dans des couvents de la région de Nicolet; elle y fréquente des élèves et des religieuses québécoises, et elle apprend à connaître la campagne québé coise et ses hivers rigoureux. Comme en témoignent les cahiers qu'elle a conservés, elle parfait ses notions sur le Québec, ayant à rédiger des compositions sur le majestueux Saint-Laurent et sur l'œuvre de Samuel Champlain, le père de la Nouvelle France; mais, encore une fois, les thèmes nationaux semblent secondaires dans son éducation, comparativement aux thèmes centraux que sont la famille et la religion44. [End Page 84]
Montréal : la ville d'Alma « Hail, Hail, the gang's all here!45 » : en pension chez Auntie Lemelin
Alma fait halte pour la première fois à Montréal, en se rendant à Nicolet en septembre 1912; intimidée, elle reste à la gare. Deux ans plus tard, en route vers Saint-Pierre-les-Becquets, elle s'arrête de nouveau dans la ville, mais cette fois elle rend visite à Elmire Lemelin, une parente de sa mère qu'elle appelle Auntie et qui élève seule ses trois filles, son mari étant décédé. Alma s'amuse bien, sa cousineMarie-Anne lui faisant découvrir les grands magasins, plusieurs églises et le couvent des Sœurs Grises; elle fait aussi la connaissance des amies de ses cousines et elle participe à une soirée musicale46. Après ses examens à Nicolet, en juillet 1915, Alma séjourne pendant plus d'une semaine chez les Lemelin. Maintenant âgée de dix-huit ans, elle s'intègre aisément à un réseau de sociabilité hétérosocial. Les garçons et les filles rendent visite à la parenté, participent aux noces d'argent d'une cousine d'Elmire Lemelin, vont au cinéma, au marché Bonsecours, à l'île Sainte Hélène, au Mont-Royal, au parc Dominion et au parc Lafontaine. Séduite par la vie dans la grande ville, la jeune Franco-Américaine cherche, sans succès, un emploi dans un couvent comme enseignante d'anglais47. Pressée par sa mère de rentrer à la maison, elle reprend donc le chemin de Laconia. Pendant deux ans, elle demeure ainsi sous le toit de ses parents et travaille à divers emplois.
Toutefois, Alma est de retour à Montréal en juillet 1917, comptant y passer un an48. Ayant de la parenté dans plusieurs centres urbains de la Nouvelle Angleterre, elle aurait sans doute pu y déménager, mais son attrait pour la grande ville semble lui faire choisir Montréal, où sa mère sera d'ailleurs ras-surée par le fait qu'elle pensionne chez « Madame Lemelin ». Quant à elle, Alma connaît bien ce qu'est une pension familiale, celle-ci étant une pratique bien établie dans les centres industriels de la Nouvelle-Angleterre, y compris dans son propre foyer49. Être pensionnaire est, pour Alma, un moyen d'apprivoiser la ville, de s'intégrer spontanément à un réseau d'amis et de connaissances; c'est aussi, comme Valérie Laflamme le constate, « une maniè re d'habiter la ville50 ». De cette façon, la jeune migrante demeure dans un [End Page 85] cadre familial et catholique, dans une « family of reorientation », comme l'aurait dit la regrettée Tamara Hareven, ou encore une « surrogate family », pour reprendre l'expression de Joanne Meyerowitz, avec toute la sécurité, la respectabilité et, peut-être, la surveillance, que cela comportait51.
Vivre avec les Lemelin, c'est donc un peu, mais pas tout à fait, comme vivre à la maison, à Laconia. On ré cite le chapelet, on va à l'église le dimanche et les fêtes d'obligation, on lit, on tricote, on brode, on joue aux cartes, on parle fort, on se chicane, on danse, on se couche tard, on sort et on reçoit beaucoup : « I never saw people have so much company in my life », écrit Alma à sa mère52.
De cette base de la rue Saint-Hubert à Villeray, la jeune Franco-Américaine explore Montréal, à pied et en automobile, mais surtout en tramway. Travaillant successivement sur la rue Sainte-Catherine et sur la rue Saint Antoine, elle observe la vie urbaine à partir du tramway; celui de la rue Saint-Denis sert aussi de lieu de sociabilité et il constitue la scène de drames urbains, notamment durant la crise de la conscription53. Les lettres d'Alma sont parsemées de références aux cinémas, théâtres et petits restaurants du centre-ville, mais aussi de références à d'autres quartiers de la métropole et à ses environs : le Plateau Mont-Royal, Ahuntsic, Cartierville, Outremont, Saint-Henri, Pointe Saint-Charles, Notre-Dame-de-Grâce, Westmount, Côte-de-Liesse, Sault-aux-Récollets. Fille d'une famille ouvrière en mal de mobilité sociale, dotée d'un certain niveau d'instruction, parfaitement bilingue, possédant des amis francophones et anglophones, Alma jouit d'une grande mobilité, parcourant la ville, semble-t-il, à son gré.
« I came out here to learn something and I'm not going back before54 » : mobilité géographique, mobilité professionnelle et mobilité sociale
Comme en fait foi cette citation tirée de la correspondance d'Alma, son séjour à Montréal s'inscrit dans une stratégie de mobilité professionnelle, élément central de la mobilité sociale en ces premières décennies du XXe siècle. En fait, le parcours d'Alma incarne les trois formes de mobilité évoquées par l'historienne britannique Selina Todd, soit la mobilité géographique, la mobilité [End Page 86] professionnelle et la mobilité sociale55. Elle inscrit dans ses lettres et dans son journal sa détermination à se trouver un emploi porteur pour l'avenir. Les salaires sont plus élevés aux É tats-Unis et elle songe à y faire carrière, soit dans une succursale de l'Imperial Tobacco, soit dans la fonction publique à Washington. Si elle ne se marie pas, elle sera ainsi en mesure de gagner sa vie56.C'est pourquoi elle redouble d'efforts : elle suit des cours de sténographie le soir au Monument national et au Eastern Business College, et elle utilise l'heure du midi pour étudier57.
Les différents emplois qu'occupe Alma au rayon de la broderie du magasin Murphy, à la bijouterie Birks et au service de la publicité d'Imperial Tobacco sont parfaitement représentatifs des nouveaux secteurs d'emploi qui s'offrent aux femmes à l'époque, c'est-à-dire les services et le travail de bureau. Ce type d'emploi est accessible aux femmes possé dant un certain niveau d'instruction et une tenue « respectable », aux femmes qui, comme Alma, proviennent des échelons les plus élevés de la classe ouvrière58. Dans le cas d'Alma, le bilinguisme a sans doute facilité son embauche. En outre, ces emplois mettent les jeunes travailleuses en contact avec des clients bourgeois et constituent donc une sorte d'apprentissage des mœurs et des manières de faire des classes aisé es59.
Au travail, Alma fait encore partie d'un milieu hétérosocial. Plusieurs camarades de travail, hommes et femmes, deviennent des amis. Supposément en vacances aux États-Unis pendant deux semaines, elle reçoit de ses collègues de Birks une lettre collective humoristique, dans laquelle chacun et chacune inscrivent un petit mot60. Les camarades de travail servent aussi de source de renseignements sur de nouvelles possibi-lité s d'emploi; c'est par l'entremise d'une consœur de travail au magasin Birks qu'Alma obtient ainsi un poste à l'Imperial Tobacco61. Il est [End Page 87] significatif que, au travail comme dans la rue, à Montréal comme à Laconia, Alma ne fréquente que des personnes qui travaillent dans le secteur des services : Adine Dupuis est infirmière, Marie-Anne Lemelin est employée de banque, tout comme Arthur Gaboury; Lionel Létourneau est vendeur d'automobiles. Alma socialise aussi avec des membres des professions libérales, par exemple « Lawyer Normandin », de Laconia, qui lui rend visite à Montréal62. L'historienne Selina Todd a constaté que le travail de bureau « heightened a young woman's opportunity to make middle class friends and marry into the middle class »; obtenir un travail de bureau constituait donc une stratégie de mobilité sociale proprement féminine63.
Nous l'avons déjà vu, Ellen est ambitieuse pour Alma, l'encourageant, par exemple, à apprendre la sténographie afin d'avoir davantage de perspectives de carriè re. En même temps, elle s'ennuie de sa fille partie au loin64. Tout au long de la pé riode que nous étudions, elle encourage Alma à revenir à Laconia ou, du moins, aux États-Unis, lui rappelant que, au fur et à mesure que les hommes partent en guerre, de nouvelles occasions d'emploi sont créées pour les femmes. Au début de son séjour à Montréal, cette possibilité ne semble pas intéresser Alma, mais, en mars 1918, à la suggestion de sa mère et de sa sœur, elle commence à penser à la fonction publique fédérale à Washington, où les conditions de travail et les salaires sont supérieurs à ceux qu'on trouve à Montréal et à Laconia. En avril, elle écrit à la Commission du service civil; elle passe les examens en mai et, à la fin d'août, elle apprend à sa mère qu'elle a reçu la note de 81,10 p. 100. À la même époque, elle pense aussi à aller en Europe dans le cadre du programme d'Aide à la reconstruction de la Croix-Rouge65. [End Page 88]
Mais, comme nous le verrons sous peu, c'est la crainte d'Ellen à propos de la grande épidémie d'influenza qui ramène Alma à Laconia. Avant de quitter Montréal, la jeune femme se demande, apparemment avec tristesse, quand elle va de nouveau arpenter la rue Sainte-Catherine66. Rentrée au foyer familial, elle n'aime pas son nouvel emploi à la Laconia Car Company et elle se plaint constamment qu'elle s'ennuie67. Elle trouve alors refuge dans sa correspondance et son journal, écrivant des lettres de vingt pages et plus à ses amis Marie-Rose Delorey et Billy Belford; les entrées dans son journal deviennent aussi beaucoup plus longues et beaucoup plus fréquentes. En février 1919, quatre mois après avoir quitté Montréal, elle confie à son journal : « Received a long letter from Juliette this noon, an earful of news all right. Gee! wish I was back again68 ». Pour la première fois également, elle inclut des expressions françaises dans son journal et dans sa correspondance, peut-être pour se sentir plus près de Montréal, où sa vie se déroulait beaucoup en français.
« Don't I long for Montreal69 » : la ville du plaisir et du danger
Si Montréal manque tant à Alma, c'est qu'elle a beaucoup profité des plaisirs offerts par la ville et qu'elle semble en avoir peu ressenti les dangers. Le duo plaisir/danger est l'un des thèmes privilégié s par les historiennes qui s'intéressent aux rapports des femmes à la ville, Christine Stansell, Kathy Peiss, Sarah Deutsch, Joanne Meyerowitz, Éliane Gubin, entre autres. Ces chercheures ont exploré les plaisirs que la ville représente pour les femmes (autonomie financière et personnelle, sociabilité, loisirs commerciaux, consommation de biens et de services), tout comme ses dangers (d'ordre physique, sexuel, moral), les « large oppressions and small freedoms » vécues par les citadines, selon le terme heureux de Stansell70. Dans la correspondance et le journal d'Alma, ce sont surtout les plaisirs urbains qui sont évoqués. Ses écrits insistent sur son autonomie, sa débrouillardise, son emballement pour la vie dans une grande ville. Âgée de vingt ans lorsqu'elle s'installe à Montréal, elle participe à des [End Page 89] loisirs « respectables » (patinage, concerts à l'église, visites aux rapides de Lachine), mais elle profite aussi des nouveaux loisirs commerciaux souvent dénoncés par le clergé catholique et protestant : le théâtre (His Majesty's), les « vues » (Loew's, the Imperial), le parc Dominion, le manège « Shoot the Chutes », les salles de danse, Sousa's Band, le parc Verdun et les « Hooligan Slides », l'automobilisme, les courses de chevaux71. Comme les jeunes New-yorkaises décrites par Kathy Peiss, Alma participe à une culture hétérosociale, en sortant, parfois seule mais le plus souvent en groupe, avec des jeunes hommes auxquels elle laisse payer le droit d'entrée à ces nouvelles formes de loisir72.
Pour certaines jeunes femmes cé libataires, Montréal est donc une ville à faire rêver, d'où le souhait exprimé dans une lettre d'Adine Dupuis, une grande amie originaire de Saint-Raphaël, dans l'Est ontarien, qui fait des études d'infirmière à l'hôpital de Laconia : « If I only could take a ride to Montreal and see you [. . .]. We will take apartments together in Montreal and have some time, believe me73 ». Dans leur correspondance, on peut observer la construction de soi de ces jeunes filles, un « soi » moderne et autonome. Dans le cas d'Alma, cette autonomie se déploie d'abord dans les couvents des Sœurs de l'Assomption74 , avant de s'épanouir dans la métropole qu'est Montréal dans la deuxième décennie du XXe siècle. L'autonomie d'Alma s'exprime avec force par son dé sir de ne pas se marier tout de suite, ainsi qu'elle le confie à son journal aprè s son retour à Laconia :
I don't want to get married now. Believe me, Boy, there's nothing like your independence and your own little pay envelope, and when I marry, I want to be sure that I'll have as good a home as what I've got and enough money to support a family on. I'm willing to help but not willing to follow the example of some families around here [. . .] when a girl is once married, she's finished.[. . .]. I'd rather be a nun75. [End Page 90]
Les dangers de la ville sont moins évidents dans les écrits d'Alma, quoiqu'on y trouve quelques allusions. Le travail rémunéré et les questions financières sont au centre de sa correspondance, surtout celle échangée avec sa mère, mais il ne se dégage pas de ces lettres l'impression d'une grande précarité , au contraire. Quant aux dangers d'ordre sexuel, Alma relate à sa mère comment elle a été l'objet de l'attention d'un conducteur de train lors d'un voyage de Laconia à Montréal76. En outre, elle évoque dans son journal la « traite des Blanches », phénomène quasi mythique, devenu sujet de « panique morale » en Occident au début du XXe siècle :
Lots of white slavery going on in this town just now. They pass by you and drug you by means of a hypodermic needle. Then while you're unconscious they pretend to be some of your relatives and say they're taking you home but they take you somewhere else instead. There's been several cases right near here in the big stores but in each case the girl happened to be accompanied by some friend or relative77.
Toutefois, ces dangers sont minimes par comparaison avec celui causé par l'épidémie d'influenza, la « grippe espagnole », qui s'abat sur l'Amérique du Nord à l'automne de 1918 et qui devient un sujet important de la correspondance entre Alma et sa mère. L'épidémie sé vissait dans les tran-chées d'Europe l'hiver précédent et, amenée par les soldats, elle apparaît rapidement au camp d'entraînement militaire Devens, à l'exté rieur de Boston, donc pas loin de Laconia, ainsi que dans les casernes de Saint-Jean-sur-Richelieu, près de Montréal78. La première mention de l'influenza dans la correspondance est le 22 septembre, lorsqu'Ellen fait allusion aux malades et aux décès au Camp Devens ainsi qu'à Laconia même79. Toutes les autres lettres de l'automne 1918 qui sont en notre possession évoquent l'impact de l'épidémie sur Montréal et sur Laconia80. Nonobstant la frontière, les deux villes ne sont pas très distantes l'une de l'autre. Aux deux endroits, les résidants sont victimes du même temps gris, froid et pluvieux cet automne-là. Alma et Ellen se rendent [End Page 91] comptent mutuellement de la maladie et de la mortalité des soldats, des médecins, des infirmières et des religieuses, des membres de la famille, des amis et des voisins. Ellen est au courant, dans une certaine mesure, des progrès foudroyants de la maladie au Québec81. À la demande d'Alma, elle l'informe de l'évolution de la grippe chez son amie Adine et sa sœur Irène. Ellen, qui a perdu un enfant en bas âge et qui a toujours craint la maladie, exhorte sa fille cadette à bien s'occuper d'elle, à se protéger contre la grippe, à faire ses valises et à rentrer à Laconia. Alma semble s'inquiéter beaucoup moins, comme en fait foi le peu de mentions de l'épidémie dans son journal. Elle continue d'aller au travail et prend congé quand elle ne se sent pas bien; elle essaie d'é viter la maladie. Elle ne participe pas à la grande campagne, qui est majoritairement fé minine, contre l'influenza, c'est-à-dire qu'elle n'est pas du nombre des bénévoles qui, aux côté s des infirmières et des religieuses, rendent visite aux malades et aux mourants dans tous les quartiers de la ville82. Cependant, au début d'octobre, après qu'elle ait appris à sa mère que Lucienne, l'une des filles d'Elmire Lemelin a failli mourir et qu'elle même ne se sent pas bien, les exhortations d'Ellen ont finalement raison d'Alma; elle quitte Montréal pour Laconia au milieu d'octobre83.
Migration et identité transnationale Montréal, métropole franco-américaine?
Au tournant du XXe siècle, Montréal, ville multiculturelle dans laquelle cohabitent catholiques, protestants et juifs, est une véritable plaque tournante où l'on peut entendre plusieurs langues. La métropole accueille des gens de la campagne québécoise et des migrants d'outremer. Centre ferroviaire de l'est du Canada, elle est un lieu de passage quasi obligé pour les Canadiens en transit vers les États-Unis ainsi que pour les Américains et les Franco-Américains en transit vers le reste du Québec. Et, comme l'a montré Martine Rodrigue, elle accueille des Canadiens français rapatrié s et leurs enfants franco-américains. On peut même se demander si elle n'agit pas comme métropole du nord de la Nouvelle-Angleterre, surtout aprè s 1900 lorsqu'elle amorce une pé riode de croissance, alors que les centres textiles au sud de la frontière en commencent une de dé clin84. [End Page 92]
L'expérience d'Alma Drouin porte à le croire. Plusieurs de ses amis et connaissances ont séjourné aux États-Unis, ceux qui sont le plus men-tionnés é tant Adine Dupuis et Clarisse Létourneau, une amie de sa mère. Devenue veuve dans les premières années du XXe siècle, cette femme de médecin de Laconia, financièrement à l'aise semble-t-il, déménage à Montréal après le passage des recenseurs en 1911. Tout comme les autres Montréalaises et Montréalais mentionnés dans la correspondance d'Alma, y compris la veuve Lemelin et ses filles, on ne retrouve pas Clarisse Létourneau dans le recensement de 1911. Nous sommes donc en présence d'un segment de population très mobile85.
Les recherches de Martine Rodrigue font ressortir à la fois le contexte économique de l'accroissement du nombre de Franco-Américains à Montréal au tournant du XXe siècle et le rôle joué par le cycle de vie et le genre. Les migrants franco-américains sont en général jeunes et on y compte davantage de femmes que d'hommes, y compris des veuves86. La correspondance d'Alma nous permet d'aller plus loin et d'observer le réseau de sociabilité dont la formation accompagne la migration. Alma rend souvent visite à « Madame Létourneau », et le fils unique de celle-ci, Lionel, la fréquente ainsi que ses cousines Lemelin. Presque tous les dimanches, Alma soupe chez son amie « Ted », ce dont se ré jouit sa mère : « I see you still go and see Edwige on Sunday, then you can talk about home folks with her87 ».
« [. . .] now that the American doughboys are over there [. . .]88 » : une conscience transnationale
En septembre 1917, deux mois après son arrivée à Montré al, Alma fait un voyage en automobile à Québec et à Sainte-Anne-de-Beaupré 89. Jusque-là, sa connaissance de la province se limitait à la métropole, à Nicolet, à Baiedu Febvre et à Saint-Pierre-les-Becquets. Elle ne parle pas beaucoup de ce [End Page 93] voyage et, dans sa correspondance comme dans son journal intime, il est difficile de connaître ses représentations du Québec, comme celles de sa mère d'ailleurs. Les commentaires des deux femmes se limitent à l'importance du Jour de l'An au nord de la frontiè re et aux habitudes alimentaires qui sont différentes90. À l'occasion, Alma remarque d'autres distinctions, par exemple que l'éducation est moins libérale au Québec qu'aux États Unis91; Ellen, quant à elle, conseille à sa fille de préserver sa bonne réputation, car il y aurait une différence entre ce que l'on attend d'une jeune fille aux États-Unis et les normes en vigueur au Québec : « It's not the same there as it is here. They pass more remarks92 ».
Alma semble fière d'ê tre Américaine. C'est particuliè rement le cas lors de la grande explosion d'Halifax, le 6 décembre 1917. Elle insiste sur le fait que, dans les jours qui suivent, les États-Unis offrent une aide cinq fois plus élevée que celle du gouvernement canadien93. Reflétant peut-être en cela des représentations empruntées à ses amis canadiens-français, elle écrit à sa mère : « They may call the Americans bull shooters but when it comes to doing things, they're right there with the goods. You know the real English people around here, the Blokes that come over from England, don't have much use for the Americans but I guess now they're pretty glad to have them94 ».
Alma Drouin est donc consciente d'être citoyenne d'une nation distincte de celle où elle habite en 1917–1918. Cette conscience transnationale est alimentée par la conversation transnationale qui a lieu autour de la Grande Guerre. La jeune fille a migré à Montréal quelques mois après l'entrée en guerre des États-Unis en avril 1917; les deux pays voisins partagent dorénavant un certain nombre d'enjeux politiques, d'inquiétudes et d'ennuis quotidiens, tels que le rationnement et l'inflation95. Dans son journal et dans ses lettres, Alma se montretrè s intéressée par les nouvelles du front, par la politique de guerre et par la crise de la conscription. Elle raconte à sa mère la bataille électorale de décembre 1917 entre Wilfrid Laurier et Robert Borden, ainsi que la crise de la conscription; elle parle de la police et des soldats qui font des descentes dans les théâtres et les patinoires à la recherche de jeunes hommes qui ne sont pas [End Page 94] encore enrôlés; elle mentionne les bagarres qui éclatent dans les rues et dans le tramway entre soldats et civils, entre anglophones et franco-phones96. Elle discute souvent de ces questions avec ses amis, et ses prises de position témoignent d'une certaine ambivalence; elle semble appuyer Laurier et être contre la conscription, mais, plus tard, elle fulmine contre les jeunes hommes qui ne veulent pas s'enrôler : « Gee! but I hate slackers like that, Mammas boys, who think of themselves before anyone else97 ». Au travail, elle tricote des chaussettes pour son père et laisse croire à ses camarades qu'il s'agit de bénévolat pour la Croix-Rouge; en avril 1918, elle assiste à un défilé sur la rue Sherbrooke en l'honneur de la bataille d'Ypres98.
Dans son esprit semblent s'opposer la nécessité de lutter contre les Allemands et la peine de voir partir les jeunes soldats, y compris plusieurs amis et connaissances, à Montréal comme à Laconia : « Poor fellows. Somebody's got to fight for the country but still it's hard to see them go99 ». S'affrontent peut-être aussi son patriotisme américain et le sentiment de faire partie d'un groupe ethnoculturel souvent méprisé , comme le montre sa réaction envers Harry Lauder, un chanteur é cossais de passage à Montréal qui a accusé les Canadiens français d'être des bâ tards : « Believe me, écrit Alma dans son journal, if he ever shows his homely mug of a face here again in Montréal the French Canadians will show him what kind of blood runs in their veins. The d—n close fisted Scot. If I was a man I'd smash him in the eye. He'd be a shining light for few weeks100 ». Alma semble assise entre deux chaises. Comme sa mère d'ailleurs, elle n'utilise jamais le pronom we pour indiquer un sentiment d'appartenance; c'est plutôt du pronom they qu'elle use quand elle réfè re aux Américains et aux Canadiens français. Est-elle consciente de cette mise à distance et du fait que ses appartenances multiples ainsi que son statut de migrante lui permettent d'adopter une position d'observatrice?
L'identité d'Alma Drouin nous paraît donc transnationale. Mais c'est aussi une identité transitoire, provisoire – en somme, l'identité d'une migrante qui n'entend pas rester au Québec et qui compte retourner, dans un avenir proche, dans son pays natal. [End Page 95]
La correspondance : « the transnational lifeline of communication101 »
Outre Ellen, les correspondants les plus fidèles d'Alma sont Marie-Rose Delorey et Billie Belford, mais aucune lettre échangée avec eux ne semble avoir été conservée. Dans la correspondance entre Alma et sa mère, les références à d'autres lettres et à d'autres correspondants, les incitations à inviter un tiers parti à écrire sont nombreuses, à titre d'exemple : « Dear Mother, Got your letter OK. Why doesn't Irene write once in a while. She asked me to write to her and I did, it's her turn to answer. I'm sending Bertha Wilcox a card and next week, I'll send one to Mrs. Eastman. I sent one to Aunt Lena last Saturday102 ». Nous sommes donc en présence d'une histoire conversationnelle à plusieurs voix, qui s'expriment à la fois à l'intérieur et à l'extérieur de l'espace é pistolaire. À l'occasion, un membre du réseau épistolaire est exclu pour garder un secret; ainsi Alma n'écrira pas à Mademoiselle Saint-Denis, pour é viter que celle-ci ne dise à la mère d'Adine Dupuis que sa fille a attrapé l'influenza103.
La correspondance est un élément tellement central de la vie d'Alma qu'elle constitue un sujet important de son journal. Celui-ci regorge de commentaires comme celui-ci : « A letter from Mother one from M. Rose one from Billy Belford one from Irène. Gee! I don't know where I'm going to find time to answer them all104 ». Alma écrit du logement des Lemelin, mais aussi du travail, à l'heure du dîner ou quand il n'y a pas beaucoup de clients; sa sœur Irène écrit en cachette de l'hôpital. La culture épistolaire acquise par Alma trouve son origine d'abord au foyer familial, sa mère étant elle-même une grande épistolière, puis au couvent, où chaque semaine elle devait pratiquer l'art de la correspondance en rédigeant une letter105.
Le Montréal que l'on peut observer dans les lettres d'Alma est la ville qu'elle veut présenter à ses lectrices, au premier chef sa mère. Sachant que cette dernière aime sortir, elle veut sans doute l'impressionner par ses descriptions des attraits de la métropole106. Elle en met peut-être [End Page 96] trop, car Ellen lui reproche au début de son séjour de ne pas écrire assez, de ne pas s'ennuyer, ce à quoi Alma répond : « [. . .] as for being homesick, don't think that I don't ever wish myself back or that life here is all roses cause it isn't107 ». Pourtant, elle ne mentionne pas une seule fois dans son journal que sa famille et Laconia lui manquent. Il est donc difficile de la croire lorsqu'elle affirme dans une lettre : « If I had a good job in Laconia I'd go back108 ». Étant consciente qu'Ellen s'inquiète toujours de ses enfants, elle atténue peut-être les problèmes de santé publique à Montréal, même au plus fort de l'épidémie d'influenza109. D'un autre côté, lorsqu'elle écrit à sa mè re le 28 février 1918 que le retard de celleci à lui écrire l'a beaucoup inquiétée, cela semble bien vrai, puisqu'on retrouve une mention en ce sens dans son journal treize jours plus tôt110.
Ce ne sont pas seulement des lettres, mais aussi des cartes, des photographies, des feuilles de musique, des catalogues, des colis de toutes sortes qui s'échangent entre Laconia et Montréal111. Cet échange semble fluide, à l'exception des journaux, qui n'échappent pas à l'œil des censeurs en cette époque de guerre; pour les déjouer, les parents d'Alma et Marie Rose Delorey coupent en petits morceaux le Laconia Democrat112.
Conclusion
La correspondance et les journaux intimes d'Alma Drouin nous ont permis d'ouvrir une fenêtre sur ses représentations de sa vie quotidienne à Montréal en 1917–1918 et d'explorer le monde de cette migrante franco-américaine, qui semble avoir vu dans son séjour dans la métropole du Canada une étape vers le statut social qu'elle visait. Montréal constituait en outre un lieu de plaisir pour cette jeune femme moderne et dont l'iden-tité hybride pouvait s'épanouir dans une ville où se côtoyaient anglo-phones et francophones, dans un contexte de guerre où le Canada et les États-Unis é taient alliés.
Sa stratégie porta fruit puisqu'après un retour à Laconia, elle partit pour Washington au printemps 1919; elle y travaillera comme secrétaire au département de la Guerre et sera payée 1 100 $ par année113. Comme à [End Page 97] Montréal, elle trouvera dans la capitale fédérale américaine un monde de plaisirs et des avenues de mobilité sociale114. Elle finira par y faire la rencontre d'un avocat d'ascendance irlando-allemande, catholique comme il se doit, et elle l'épousera en 1924, accédant ainsi à la classe moyenne.
Le parcours d'Alma Drouin ressemble à celui de générations de migrants canadiens-français et européens qui ont vu dans la migration temporaire une avenue de mobilité sociale. Ils quittèrent leurs campagnes, seuls ou en famille, pour passer quelques années dans une région d'Amérique du Nord avec l'objectif de rentrer au pays natal pour reprendre la terre, investir dans une entreprise ou établir convenablement leurs enfants, sinon les trois115.
Originaire d'une petite ville de la Nouvelle-Angleterre, Alma prit la route inverse, d'abord pour étudier dans des couvents, puis pour aller vivre chez des parents à Montréal, perçue comme un lieu transitoire vers un meilleur statut social aux États-Unis. Elle aussi voulait améliorer son sort. Si elle se construit dans ses lettres et ses journaux intimes comme une jeune femme moderne – citadine, autonome et débrouillarde – il n'en reste pas moins que, comme ces autres générations de migrants canadiens-français et européens, elle était ancrée dans une toile transnationale et transfrontalière de parents, d'amis et de connaissances. Dans la métropole, Alma s'inscrivit dans différents réseaux de sociabilité, y compris un réseau dont les mailles reliaient Montréal et Laconia. Citoyenne des États-Unis, elle continuait à vivre mentalement dans l'univers américain, notamment à travers sa volumineuse correspondance, ce qui ne l'empêchait nullement de s'intéresser aux affaires publiques canadiennes, irrémédiablement lié es à la politique américaine, dans le contexte de guerre.
Jeune Franco-Américaine porteuse d'une identité hybride caracté risée notamment par le bilinguisme et des appartenances nationales multiples, Alma Drouin ne constituait pas à Montréal un cas isolé. C'est là un phénomène qui mériterait d'être é tudié en profondeur. [End Page 98]
Magda Fahrni est professeure au Département d'histoire de l'Université du Québec à Montréal.
Yves Frenette est professeur au Centre de recherche en civilisation canadienne-française de l'Université d'Ottawa.
Acknowledgment
Les auteurs ont présenté une première version de cet article au Congrès annuel de l'Institut d'histoire de l'Amérique française à Montréal en octobre 2006. Les auteurs remercient les personnes qui ont assisté à leur communication pour leurs questions pertinentes. Ils tiennent également à remercier leurs assistants de recherche, Amélie Bourbeau et Alexis Lachaîne. Enfin, pour leurs commentaires précieux, les auteurs remercient leurs collègues Ellen Jacobs, André Larose, Marcel Martel, Yves Roby, Sylvie Taschereau et les deux évaluateurs anonymes choisis par Histoire sociale – Social History.
Footnotes
1. Journal d'Alma Drouin, 8 janvier 1919. La correspondance, les journaux intimes et quelques cahiers de couventine d'Alma Drouin sont conservés à la résidence de son fils et de sa belle-fille, Jim et Regina Becker, à West Lafayette, Indiana. Nous les remercions de nous y avoir donné accès.
2. La littérature sur le transnationalisme est abondante; contentons-nous de citer Nina Glick Sheller et coll., Towards a Transnational Perspective on Migration: Race, Class, Ethnicity, and Nationalism Reconsidered, New York, New York Academy of Science, 1992; Alejandro Portes et coll., « The Study of Transnationalism: Pitfalls and Promise of an Emergent Research Field », Ethnic and Racial Studies, vol. 22, nº 2, mars 1999, p. 217–237. Pour une critique du concept dans une perspective diachronique, voir David A. Gerber, « Theories and Lives: Transnationalism and the Conceptualization of International Migrations to the United States », IMIS-Beiträge, nº 15, décembre 2000, particulièrement p. 39–43.
3. Pour des exemples de l'historiographie des migrants (sojourners), voir Robert Harney, « Men without Women: Italian Migrants in Canada; 1885–1930 », Canadian Ethnic Studies, vol. 11, nº 1, 1979, p. 29–47; Bruno Ramirez, Par monts et par vaux : migrants canadiens-français et italiens dans l'économie nord-atlantique, 1860–1914, Montréal, Boréal, 1991; Lillian Petroff, Sojourners and Settlers: The Macedonian Community in Toronto to 1940, Toronto, University of Toronto Press, 1995.
4. Annie E. Coombes et Avtar Brah, « Introduction : The Conundrum of "Mixing" », dans Hybridity and its Discontents: Politics, Science, Culture, sous la direction d'Avtar Brah et Annie E. Coombes, Londres, Routledge, 2000. Voir aussi Robert J. C. Young, Colonial Desire: Hybridity in Theory, Culture and Race, Londres, Routledge, 1995; Karen Dubinsky, « "We Adopted a Negro": Interracial Adoption and the Hybrid Baby in 1960s Canada », dans Creating Postwar Canada: Community, Diversity, and Dissent, 1945–75, sous la direction de Magda Fahrni et Robert Rutherdale, Vancouver, University of British Columbia Press, 2008, p. 268–288.
5. Christine Dallaire et Claude Denis, « Assymetrical Hybridities: Youths at Francophone Games in Canada », Canadian Journal of Sociology, vol. 30, nº 20, printemps 2005, p. 147.
6. Pnina Werbner, « Introduction : The Dialectics of Cultural Hybridity », dans Debating Cultural Hybridity: Multi-Cultural Identities and the Politics of Anti-Racism, sous la direction de Pnina Werbner et Tariq Modood, Londres, Zed Books, 1997, p. 2.
7. Niskos Papastergiadis, « Tracing Hybridity in Theory », dans Werbner et Modood, Debating Cultural Hybridity, p. 257–258.
8. Dallaire et Denis, « Asymmetrical Hybridities », p. 147.
9. Sur les écrits des femmes et la construction de soi, voir Carolyn G. Heilbrun, Writing a Woman's Life, New York, Ballantine Books, 1988; Ellen Jacobs, « Eileen Power's Asian Journey, 1920–21: History, Narrative, and Subjectivity », Women's History Review, vol. 7, nº 3, septembre 1998, p. 295–319; Dena Goodman, « Letter Writing and the Emergence of Gendered Subjectivity in Eighteenth-Century France », Journal of Women's History, vol. 17, nº 2, 2005, p. 9–37.
10. Drouin Genealogy, document en possession de Jim et Regina Becker; Recensement manuscrit des États-Unis, 1900. Sur les migrations beauceronnes, voir Serge Courville et coll., Histoire de Beauce-Etchemin-Amiante, Québec, Presses de l'Université Laval, 2003, p. 109–352.
11. Yves Frenette, « "Dear Alma. . . Dear Mother": The Correspondence Between a Franco-American Mother and Daughter, 1912–1915 », Intercultural Studies, à paraître. Depuis 40 ans, les études sur la famille immigrante sont légion. Pour les États-Unis, voir la synthèse de John Bodnar, The Transplanted: A History of Immigrants to Urban America, Bloomington, Indiana University Press, 1985; sur la famille urbaine québése, voir, entre autres, Bettina Bradbury, Familles ouvrières à Montréal : âge. genre et survie quotidienne pendant la phase d'industrialisation, Montréal, Boréal, 1995. Yves Roby a résumé les travaux sur la famille ouvrière franco-américaine dans Les Franco-Américains de la Nouvelle-Angleterre 1776–1930, Sillery, Septentrion, 1990, p. 69–79. Il faut aussi lire l'étude pionnière de Frances H. Early, « The French-Canadian Family Economy and Standard of Living in Lowell, Massachusetts, 1870 », Journal of Family History, vol. 7, nº 2, été 1982, p. 180–200.
12. Journal, 4 décembre 1918.
13. Sur cette question, voir Alexander Keyssar, Out of Work: The First Century of Unemployment in Massachusetts, Cambridge, Cambridge University Press, 1986.
14. Frenette, « "Dear Alma" ».
15. Par exemple, Ellen Drouin à Alma Drouin, 10 novembre 1917.
16. Frenette, « "Dear Alma" ». Sur les ambitions des mères ouvrières pour leurs filles, consulter Selina Todd, Young Women, Work, and Family in England 1918–1950, Oxford, Oxford University Press, 2005, surtout p. 134–144, 226.
17. Micheline Dumont et Nadia Fahmy-Eid, Les couventines : l'éducation des filles au Québec dans les congrégations religieuses enseignantes 1840–1960, Montréal, Boréal, 1986.
18. Voir par exemple journal, 12 et 21 février 1918, 3 mars 1919.
19. Journal, 23 janvier 1919.
20. Journal, 17 novembre 1917.
21. Alma Drouin à Ellen Drouin, 30 décembre 1917.
22. La montée de Noël comme l'événement central de la saison des fêtes, aux dépens du Jour de l'An, se fait plus rapidement aux États-Unis qu'au Québec. Voir Jean-Philippe Warren, Hourra pour Santa Claus! La commercialisation de la saison des fêtes au Québec, 1885–1915, Montréal, Boréal, 2006, p. 35–107.
23. Sur les changements culturels dans les communautés franco-américaines au tournant du XXe siècle, voir Roby, Les Franco-Américains, p. 201–214; consulter aussi Roy Rosenzweig, Eight Hours for What We Will: Workers & Leisure in an Industrial City, 1870–1920, Cambridge, Cambridge University Press, 1983, p. 65–90. Pour une comparaison avec une famille petite-bourgeoise, voir Marcel Martel, « Gardons contact : l'expérience épistolaire de Jean-Henri et de Maxime Ovila Frenière en Nouvelle-Angleterre, 1912–1929 », dans Envoyer et recevoir. Lettres et correspondances dans les diasporas francophones, sous la direction d'Yves Frenette, Marcel Martel et John Willis, Québec, Presses de l'Université Laval, 2006, p. 175–197.
24. Andrew R. Heinze, Adapting to Abundance: Jewish Immigrants, Mass Consumption, and the Search for American Identity, New York, Columbia University Press, 1990, en particulier p. 105–115.
25. Créée en 1875, la compagnie Larkin, de Buffalo, révolutionne les techniques de mise en marché en incitant des consommatrices (« secrétaires ») à mettre sur pied des Larkin Soap Clubs de cinq ou dix membres qui s'engagent à acquérir chaque mois des produits (savon, peinture, teinture, papier peint, entre autres) au montant de 1$ ou 2 $. Chaque mois aussi, une des membres du club reçoit une prime de 5 $ ou 10 $ qu'elle peut convertir en articles ménagers ou en meubles (The Larkin Soap Company, http://www.bottlebooks.com/larkin/htm). En 1923, Alma deviendra elle-même « secrétaire » et organisera cinq clubs.
26. Alma à Ellen, 26 avril 1915.
27. Alma est très proche de sa grand-mère, et de ses tantes et oncles maternels, qui ont partagépendant plusieurs années le logement familial après la mort de son grand-père.
28. Selon un militant de la Survivance qui a sans doute exagéré l'ampleur du phénomène pour alarmer ses compatriotes, le quart des Franco-Américains du New Hampshire seraient assimilés en 1913 (Roby, Les Franco-Américains, p. 267).
29. Bernard a repris cette idée dans diverses publications, mais son expression la plus claire se trouve dans « Molière est rentré à Versailles », dans La construction d'une culture : le Québec et l'Amérique française, sous la direction de Gérard Bouchard, Québec, Presses de l'Université Laval, 1993, p. 329–342.
30. Pour une typologie utile des communautés franco-américaines, consulter Peter Haebler, « Habitants in Holyoke: The Development of the French-Canadian Community in a Massachusetts City, 1865–1910 », thèse (PhD), University of New Hampshire, 1976, p. 11–13.
31. Il s'agit des personnes ayant indiquéaux recenseurs qu'elles étaient des francophones nées au Canada ou des francophones nées aux États-Unis de deux parents francophones nés au Canada.
32. Treizième recensement fédéral des États-Unis, 1910.
33. Guide franco-américain 1921 : les Franco-Américains et la Guerre mondiale, Fall River, Albert A. Belanger, 1921, p. 132.
34. Voir à ce sujet Timothy J. Meagher, Inventing Irish America: Generation, Class, and Ethnic Identity in a New England City, 1880–1928, Notre Dame, University of Notre Dame Press, 2001, p. 269–371.
35. Rolande St. Jean, « Les Sœurs de l'Assomption de la Sainte Vierge, éducatrices auprès des Franco Américains depuis bientôt un siècle », dans Les Franco-Américains et leurs institutions scolaires, sous la direction de Claire Quintal, Worcester, L'Institut français/ Collège de l'Assomption, 1990, p. 228–229.
36. Voir Alice Mignault, Sous les feux du cinquantenaire chez les Sœurs de l'Assomption de la Sainte Vierge 1895–1916, Nicolet, Éditions SASV, 1990, p. 38–39, 86, 167.
37. C'est l'hypothèse qu'a avancé Florence Mae Waldron pour une congrégation féminine fondée en Nouvelle-Angleterre : « Nuns and Nations: (Trans)National Identities and les Petites Franciscaines de Marie, 1889–1930 », communication présentéeà la 13e conférence Berkshires, Claremont, Californie, juin 2005.
38. Journal, 31 janvier 1918.
39. Le journal d'Alma témoigne par contre d'une fascination malsaine pour les Asiatiques. Le 3 février 1918, elle écrit qu'elle a lu The Invasion of the Yellow Race. Le 6 avril suivant, elle commente l'apparence d'un représentant du gouvernement japonais qui est venu voir son patron, le bijoutier Henry Birks : « He's awfully yellow and homely ». Par ailleurs, Alma ne parle jamais des Noirs, quoique ceux-ci fassent l'objet de blagues de mauvais goût dans une lettre collective que lui envoient ses collègues de Birks (lettre de ses camarades de travail à Alma Drouin, 30 mai 1918).
40. Treizième recensement fédéral des États-Unis.
41. Ellen à Alma, 4 août 1918. Le voyage en train entre Laconia et Montréal prenait neuf heures et coûtait 7,35$.
42. Il n'existe pas d'étude sur l'origine géographique des Franco-Américains de Laconia. En consultant la liste des notables dont le nom apparaît dans le Guide franco-américain de 1921, on constate que ceux-ci n'étaient pas originaires de la région de Nicolet (Guide franco-américain, p. 133–134).
43. Ellen à Alma, 10 septembre 1912. Sur les similarités entre la vie familiale et la vie conventuelle, voir Marta Danylewycz, Taking the Veil: An Alternative to Marriage, Motherhood, and Spinsterhood in Quebec, 1840–1920, Toronto, McClelland & Stewart, 1987, p. 115–116.
44. Frenette, « "Dear Alma" ».
45. Journal, 11 septembre 1918.
46. Alma à Ellen, 6 septembre 1914.
47. Alma à Ellen, 8 juillet 1915.
48. Alma à Ellen, 25 avril 1918.
49. Aux États-Unis, en 1920, entre 15 et 20 p. 100 des foyers urbains comptent au moins un pensionnaire : John Modell et Tamara K. Hareven, « Urbanization and the Malleable Household: An Examination of Boarding and Lodging in American Families » dans The American Family in Social-Historical Perspective, sous la direction de Michael Gordon, New York, St. Martin's Press, 1978, p. 54–55.
50. Valérie Laflamme, « Partir pour la ville : étude des caractéristiques des pensionnaires dans la ville de Québec au tournant du XXe siècle », Revue d'histoire de l'Amérique française, vol. 55, nº 3, hiver 2002, p. 416. L'expérience d'Alma correspondàce qu'on sait de la pension en famille. Comme Bettina Bradbury (Familles ouvrières, p. 232–239) et Valérie Laflamme (p. 409) l'ont toutes deux , l'hébergement de pensionnaires constitue une stratégie de survie souvent adoptée par remarque les veuves (comme Elmire Lemelin).
51. Tamara Hareven, Family Time and Industrial Time: The Relationship Between the Family and Work in a New England Industrial Community, Cambridge, Cambridge University Press, 1982, p. 169; Joanne J. Meyerowitz, Women Adrift: Independent Wage Earners in Chicago, 1880–1930, Chicago, University of Chicago Press, 1988, p. 69–91.
52. Alma à Ellen, 14 aoû t 1917.
53. Par exemple, Alma à Ellen, 19 octobre 1917, 21 février et 28 février 1918; Journal, 3 mars 1918. Sur les femmes et le tramway au milieu du XXe siècle, voir Donald F. Davis et Barbara Lorenzkowski, « A Platform for Gender Tensions: Women Working and Riding on Canadian Urban Public Transit in the 1940s », Canadian Historical Review, vol. 79, nº 3, septembre 1998, p. 431–465.
54. Alma à Ellen, 24 septembre 1917.
55. Todd, Young Women.
56. Alma à Ellen, 31 juillet 1918.
57. Alma à Ellen, 18 juillet 1918. Sur ce plan, Alma ne se conforme aucunement à l'idée reçue en Grande-Bretagne à l'époque, à savoir que les jeunes travailleuses manquaient d'ambition et étaient professionnellement instables (Todd, Young Women, p. 114–115).
58. Graham Lowe, Women in the Administrative Revolution: The Feminization of Clerical Work, Toronto, University of Toronto Press, 1987; Kate Boyer, « "Neither Forget nor Remember your Sex": Sexual Politics in the Early Twentieth-century Canadian Office », Journal of Historical Geography, vol. 29, nº 2, avril 2003, p. 212–229; Suzanne Morton, Ideal Surroundings: Domestic Life in a Working-Class Suburb in the 1920s, Toronto, University of Toronto Press, 1995, p. 131–150.
59. Dans ses lettres et dans son journal, Alma raconte les allées et venues des riches clientes de la bijouterie Birks : Alma Drouin à Irène Drouin, 21 mars 1918; journal, 12 avril 1918. Sur les rapports de sexe et de classe en milieu de travail au début du XXe siècle, voir Boyer, « "Neither Forget" », p. 212–229; Susan Porter Benson, Counter Cultures: Saleswomen, Managers, and Customers in American Department Stores, 1890–1940, Urbana, University of Illinois Press, 1986.
60. Lettre de ses camarades de travail de Birks à Alma, 30 mai 1918; journal, 31 mai 1918.
61. Alma à Ellen, 18 juillet 1918. Sur l'importance des amis et des camarades de travail dans le processus de mobilité professionnelle, voir Todd, Young Women, p. 113.
62. Alma à Ellen, 20 aoû t 1918.
63. Todd, Young Women, p. 138. L'historiographie de la mobilité sociale et de la formation d'une classe moyenne porte surtout sur les XVIIIe et XIXe siècles. Voir, par exemple, Clyde et Sally Griffen, Natives and Newcomers: The Ordering of Opportunity in Mid-Nineteenth-Century Poughkeepsie, Cambridge, Harvard University Press, 1978; Mary P. Ryan, Cradle of the Middle Class: The Family in Oneida County, New York, 1790–1865, Cambridge, Cambridge University Press, 1981; Leonore Davidoff et Catherine Hall, Family Fortunes: Men and Women of the English Middle Class, 1780–1850, Londres, Hutchinson, 1987; Stuart M. Blumin, The Emergence of the Middle Class: Social Experience in the American City, 1760–1900, Cambridge, Cambridge University Press, 1989; Theodore Koditschek, Class Formation and Urban-Industrial Society: Bradford, 1750– 1850, Cambridge, Cambridge University Press, 1990. Les études de Ryan et de Davidoff et Hall analysent le rôle du travail non rémunéré des femmes dans la construction d'une classe moyenne; d'éventuelles études de la classe moyenne au XXe siècle devront tenir compte du travail rémunéré des femmes célibataires et marié es.
64. Cela tend à confirmer le constat de Todd, à savoir que les rapports entre mères et filles « were a frequently complex combination of mutual economic and emotional support, affection, and obligation » (Young Women, p. 226).
65. Alma à Ellen, 20 mars, 25 avril, 27 aoû t et 15 septembre 1918.
66. Journal, 11 octobre 1918.
67. Par exemple, Journal, 23 janvier 1919 : « Nothing to do again. This is fierce. »
68. Journal, 20 février 1919.
69. Adine Dupuis à Alma Drouin, fin février/début mars 1918.
70. Christine Stansell, City of Women: Sex and Class in New York 1789–1860, Urbana, University of Illinois Press, 1986, p. 221; Kathy Peiss, Cheap Amusements: Working Women and Leisure in Turn of the Century New York, Philadelphia, Temple University Press, 1986; Sarah Deutsch, Women and the City: Gender, Space, and Power in Boston, 1870–1940, New York, Oxford University Press, 2000; Meyerowitz, Women Adrift; Éliane Gubin et Yvonne Kniebiehler, Les femmes et la ville : un enjeu pour l'Europe, Bruxelles, Labor, 1993. Voir aussi Judith R. Walkowitz, City of Dreadful Delight: Narratives of Sexual Danger in Late-Victorian London, Chicago, University of Chicago Press, 1992; Daphne Spain, How Women Saved the City, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2001; Marjo Kaartinen, « Women's Metropolis: Elite Women in Early Modern London », Women's History Magazine, vol. 53, été 2006, p. 4–12.
71. Par exemple, Alma à Ellen, 31 juillet, 14 août, 19 octobre, 24 octobre et 1er novembre 1917, 20 juin 1918. Sur les jeunes femmes montréalaises et les loisirs commerciaux au début du XXe siècle, voir Patricia Comtois, « Jeunes femmes et loisirs commerciaux durant les années folles (1919–1929) : étude des discours ecclésiastiques et journalistiques », mémoire de maîtrise, Universitédu Québec à Montréal, 2007.
72. Peiss, Cheap Amusements. Cependant, comme le remarque Todd, c'était surtout le travail rémunéré des jeunes femmes qui leur donnait accès aux nouvelles formes de loisirs (Young Women). Sur les loisirs commerciaux à Montréal au début du XXe siècle, voir Yvan Lamonde et Raymond Montpetit, Le Parc Sohmer de Montréal 1889–1919 : un lieu populaire de culture urbaine, Montréal, IQRC, 1986; Steve Proulx, Les saisons du Parc Belmont 1923–1983, Montréal, Libre Expression, 2005.
73. Adine à Alma, fin février/début mars 1918.
74. Frenette, « "Dear Alma" ».
75. Journal, 28 février 1919.
76. Alma à Ellen, 10 juin 1918.
77. Journal, 15 novembre 1917.À noter l'utilisation de big stores, traduction littérale de grands magasins. Sur la «traite des Blanches », voir Walkowitz, City of Dreadful Delight, p. 81–134, et Prostitution and Victorian Society: Women, Class, and the State, Cambridge, Cambridge University Press, 1980, p. 17, 247–252, 256.
78. « Dans nos casernes », La Patrie, 24 septembre 1918, p. 10; « Une é pidémie sévit à Saint-Jean, Qué. », La Patrie, 26 septembre 1918, p. 10. Sur la pandémie d'influenza de 1918–1919, voir John M. Barry, The Great Influenza: The Epic Story of the Deadliest Plague in History, New York, Viking, 2004; sur l'épidémie au Canada, voir notamment Janice Dickin McGinnis, « The Impact of Epidemic Influenza: Canada, 1918–1919 », Historical Papers, 1977, p. 120–140; Esyllt W. Jones, Influenza 1918: Disease, Death, and Struggle in Winnipeg, Toronto, University of Toronto Press, 2007.
79. Ellen à Alma, 22 septembre 1918.
80. Ellen à Alma, 30 septembre, 6 octobre, 9 octobre 1918; Alma à Ellen, 7 octobre 1918.
81. « They have lost a good many priest and Brothers in Canada. In Victoria Ville and them places they sent the children home » (Ellen à Alma, 30 septembre 1918).
82. Magda Fahrni, « "Elles sont partout" : les femmes et la ville en temps d'épidémie, Montréal, 1918– 1920 », Revue d'histoire de l'Amérique française, vol. 58, nº 1, été 2004, p. 67–85.
83. Alma à Ellen, 2 octobre 1918; journal, 11–12 octobre 1918.
84. Sur l'histoire de Montréal, voir la synthèse que lui a consacrée Paul-André Linteau, Histoire de Montréal depuis la Confédération, Montréal, Boréal, 2000. La place du Québec comme terre d'immigration et d'émigration est analysée avec brio par Ramirez dans Par monts et par vaux. Sur les migrations transfrontalières au début du XXe siècle, consulter Roby, Les Franco-Américains, p. 227–233; Bruno Ramirez, La ruée vers le Sud : migrations du Canada vers les États-Unis 1840–1930, Montréal, Boréal, 2003. Le lecteur trouvera des é léments d'information sur les relations de Montréal avec la Franco-Américanie dans Paul-André Linteau, « Les migrants américains et franco-américains au Québec, 1791–1840 », Revue d'histoire de l'Amérique française, vol. 43, nº 4, printemps 2000, p. 561–602, et surtout Martine Rodrigue, « Les Franco-Américains à Montréal en 1901 : un regard sur le retour au pays », Francophonies d'Amérique, nº 9, 1999, p. 107–113.
85. Recensement manuscrit des États-Unis, 1910, 1920; Recensement manuscrit du Canada, 1911. Le seul ami d'Alma qui habite déjà Montréal en 1911 est Roméo Robert, qui vit rue Saint-Antoine avec ses parents. À l'époque où il fréquente Alma, ceux-ci ont déménagé au Sault-aux-Récollets. Par ailleurs, Clarisse Létourneau est présente dans l'annuaire Lovell de 1911–1912 (mais pas dans celui de 1910–1911). Elle cohabite au 1358 Saint-Hubert avec une autre veuve. Annuaire Lovell de Montréal et de sa banlieue, 1911–1912, p. 458, 1428.
86. Rodrigue, « Les Franco-Américains à Montréal », p. 107–113.
87. Ellen à Alma, 24 février 1918.
88. Journal, 5 octobre 1918.
89. Alma à Ellen, 6 septembre 1917.
90. Alma à Ellen, 30 décembre 1917.
91. Alma à Ellen, 20 juin 1918.
92. Ellen à Alma, 28 octobre 1917. On trouve des commentaires semblables, chez une informatrice dé Jacques Rouillard Equi a migré de la Nouvelle-Angleterre vers le centre textile de Louiseville, en Mauricie : Ah les tats! Les travailleurs canadiens-français dans l'industrie textile de la Nouvelle Angleterre d'après le témoignage des derniers migrants, Montréal, Boréal, 1985, p. 133, 136.
93. Journal, 9 décembre 1917.
94. Alma à Ellen, 14 décembre 1917. Sur ses représentations des « blokes », voir aussi Alma à Ellen, 21 mars 1918.
95. Ellen à Alma, 10 novembre, 9 décembre, 16 décembre et 23 décembre 1917, 24 février, 4 mars, s.d. (mai) et 13 septembre 1918.
96. Alma à Ellen, 1er novembre, 7 novembre, 14 décembre et 19 décembre 1917, 28 février 1918.
97. Journal, 4 octobre 1918; voir aussi 30 mai 1918.
98. Journal, 22 novembre, 29 novembre, 11 décembre et 16–18 décembre 1917, 28 avril 1918. Voir aussi Alma à Ellen, 18 avril 1918. Alma semble également assister à un défilé pour encourager l'achat des Obligations de la Victoire ( journal, 19 novembre 1917).
99. Journal, 12 février 1918.À Laconia, la paroisse Sacré-Cœur fournit à elle seule 151 soldats et marins, dont trois trouvent la mort (Guide franco-américain, p. 294).
100. Journal, 29 novembre 1917; voir aussi 10 avril 1918. De par le choix de ses mots, Alma attribue aussi à Harry Lauder des caractéristiques fondées sur des stéréotypes ethniques.
101. David A. Gerber, « Acts of Deceiving andWithholding in Immigrant Letters: Personal Identity and Self-Presentation in Personal Correspondence », Journal of Social History, vol. 39, nº 2, hiver 2005, p. 315.
102. Alma à Ellen, 21 mars 1918. L'échange de lettres comme sujet de conversation é pistolaire est discuté par plusieurs chercheurs, entre autres Cécile Dauphin, Ces bonnes lettres : une correspondance familiale au XIXe siècle, Paris, Albin Michel, 1995; David Gerber, Authors of Their Lives: The Personal Correspondence of British Immigrants to North America in the Nineteenth Century, New York, New York University Press, 2006.
103. Alma à Ellen, 2 octobre 1918. Le concept d'histoire conversationnelle est emprunté à la linguiste Sanda Golopentia-Eretescu, Les voies de la pragmatique, Saratoga (Californie), Anma, 1988.
104. Journal, 9 septembre 1918.
105. Frenette, « "Dear Alma" ».
106. Todd affirme que, dans l'entre-deux-guerres, les mères britanniques encourageaient leurs filles à profiter des nouvelles formes de loisirs (Young Women, p. 209–214).
107. Alma à Ellen, 24 septembre 1917.
108. Alma à Ellen, 2 octobre 1918.
109. Sur l'autocensure et les « mensonges » dans les lettres d'immigrants, voir Goodman, « Letter Writing », p. 23–24; Gerber, « Acts of Deceiving », p. 315–330; Yves Frenette et coll., « L'expérience migratoire et la création d'un espace é pistolaire : une étude de cas » dans Prendre la route : l'expérience migratoire en Europe et en Amérique du Nord du XIVe au XXe siècle, sous la direction d'Andrée Courtemanche et Martin Pâquet, Hull, Vents d'Ouest, 2001, p. 179, 181.
110. Alma à Ellen, 28 février 1918; Journal, 15 février 1918.
111. « Will you send my skates when you have time » (Alma à Ellen, 13 janvier 1918).
112. Alma à Ellen, 24 décembre 1917.
113. Journal, 2 mai 1919.
114. Journal, 15 mai–15 juin 1919.
115. Pour les retours de migrants américains en Europe, voir Mark Wyman, Round-trip to America: The Immigrants Return to Europe, 1880–1930, Ithaca, Cornell University Press, 1993; Dino Cinel, The National Integration of Italian Return Migration, 1870–1929, Cambridge, Cambridge University Press, 1991. Sur le Québec, consulter Linteau, « Les migrants américains et franco-américains », p. 561–602; Ralph D. Vicero, « Sources statistiques pour l'étude de l'immigration et du peuplement canadien-français en Nouvelle-Angleterre au cours du XIXe siècle », Recherches sociographiques, vol. 12, nº 3, 1971, p. 361–377.