Institute of Caribbean Studies
Christiane Chaulet Achour
Université de Cergy-Pontoise, Centre de Recherche Textes et Francophonies et Département des Lettres modernes ccachour@yahoo.fr
  • In MemoriamPour Aimé Césaire

Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n'ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s'affaissent au cachot du désespoir

(Cahier d'un retour au pays natal)

Aimé Césaire est né le 26 juin 1913 à Basse-Pointe en Martinique. Il aurait, cette année, 95 ans… Sony Labou Tansi lui rendant hommage en 1989, écrivait: «Césaire poète aura mis le feu de l'âme à la paille des arbitraires et des insoutenables […] L'art du poète est aussi l'art d'apprivoiser la foudre.»1

Il fait ses études primaires et secondaires dans l'île puis part à Paris en 1932, après son baccalauréat, au Lycée Louis le grand et à l'ENS. C'est alors qu'il découvre Rimbaud et le marxisme. Il collabore à la revue Légitime défense. Mais surtout, en 1934, il fonde avec Senghor et Damas, la revue L'Etudiant noir qui entend mener un combat culturel. C'est dans ce groupe qu'émerge le mot «Négritude» qui prend sa charge poétique dans Cahier d'un retour au pays natal:

Ma négritude n'est pas une pierre, sa surditéruée contre la clameur du jourma négritude n'est pas une taie d'eau mortesur l'oeil mort de la terrema négritude n'est ni une tour ni une cathédrale

elle plonge dans la chair rouge du solelle plonge dans la chair ardente du cielelle troue l'accablement opaque de sa droite patience.

Césaire a toujours insisté sur le fait que, pour lui, sa conception de la négritude n'était pas biologique mais culturelle et historique: il s'agit d'approfondir la conscience d'appartenir à la race noire et d'avoir la volonté de revaloriser la culture africaine. [End Page 103]

Dès 1935, il se met à la rédaction du Cahier d'un retour au pays natal dont une première version paraît dans la revue Volontés. Juste avant la déclaration de guerre, Il rentre en Martinique avec son épouse Suzanne. Ils sont tous deux professeurs au lycée de Fort-de-France. Au cours de sa carrière d'enseignant, Césaire a eu de nombreux Martiniquais devenus célèbres. Parmi ses élèves, il aura ainsi Joby, le frère aîné de Frantz Fanon qui passe à Frantz les cours de Césaire lorsque celui-ci prépare seul et à l'avance son baccalauréat.

Entre 1940 et 1944, il crée la revue Tropiques avec René Ménil. Suzanne y est très active. C'est en 1941 qu'André Breton, de passage en Martinique, découvre Tropiques, Césaire et le Cahier d'un retour au pays natal. Il est enthousiasmé et le texte qu'il écrit alors, «Un grand poète noir», deviendra la préface de l'édition du Cahier en 1947.

Du côté de la vie politique, c'est en 1945 que Césaire est élu maire de Fort-de-France et député de la Martinique. Il a 33 ans et sera réélu à la mairie sans interruption jusqu'en 2001. Il va défendre, en 1946, le statut de département (DOM) pour la Guadeloupe et la Martinique espérant que la départementalisation apportera un développement aux Antilles. Cette année 1946, il publie chez Gallimard Les Armes miraculeuses, poèmes et tragédie. La tragédie a pour titre, Et les chiens se taisaient ; avec elle, Césaire inaugure sa création théâtrale illustrée plus tard par d'autres pièces. De cette tragédie, je veux retenir ce cri du Rebelle qui a tant marqué la littérature ensuite:

Mon nom: offensé; mon prénom: humilié; mon état: révolté; mon âge: l'âge de pierre.

[…] Ma race: la race tombée. Ma religion…

mais ce n'est pas vous qui la préparerez avec votre désarmement…

c'est moi avec ma révolte et mes pauvres poings serrés et ma tête hirsute

Très calme

Je me souviens d'un jour de novembre ; il n'avait pas six mois et le maître est entré dans la case fuligineuse comme une lune rousse, et il tâtait ses petits membres musclés, c'était un très bon maître, il promenait d'une caresse ses doigts gros sur son petit visage plein de fossettes. Ses yeux bleus riaient et sa bouche le taquinait de choses sucrées : ce sera une bonne pièce, dit-il en me regardant, et il disait d'autres choses aimables mon maître, qu'il fallait s'y prendre très tôt, que ce n'était pas trop de vingt ans pour faire un bon chrétien et un bon esclave, bon sujet et bien dévoué, un bon garde-chiourme de commandeur, oeil vif et le bras ferme. Et cet homme spéculait sur le berceau de mon fils un berceau de garde-chiourme.

[…] [End Page 104]

Tué… Je l'ai tué de mes propres mains…Oui : de mort féconde et plantureuse […]J'ai choisi d'ouvrir sur un autre soleil les yeux de mon fils […]Il n'y a pas dans le monde un pauvre type lynché, un pauvre hommetorturé, en qui je ne sois assassiné et humilié.

En 1947, l'édition du Cahier se fait à Paris, chez Bordas, avec une préface d'A. Breton (article rappelé plus haut) et un frontispice de Wifredo Lam, le peintre cubain. Simultanément paraît à New-York, une version bilingue par Brentano's.

En 1948, il publie un nouveau recueil, Soleil cou coupé chez Gallimard et, en 1949, Corps perdu avec des gravures de Picasso, aux éd. Fragrance.

C'est en 1950 que paraît un texte qui n'a pas fini d'éclairer le phé-nomène historique du colonialisme, Discours sur le colonialisme, aux éd. Réclame (il ne sera réédité par Présence Africaine qu'en 1955). Comme l'écrit en 1989, Sony Labou Tansi:

J'ai relu plus d'une cinquantaine de fois le Discours sur le colonialisme, je n'y ai trouvé aucun germe de haine, aucun transport de rancune ou d'amertume. Je n'y ai rencontré qu'un humanisme sans complaisance, qui ne fait de cadeau à personne […] Malgré l'ampleur du problème et la nature passionnée de la question coloniale Césaire y met tellement d'humanité qu'il arrive à présenter devant nos consciences la double misère du bourreau et de la victime, la déshumanisation du maître et de l'esclave, le double piège qui mène au triple triomphe de la médiocrité sur la raison, sur l'intelligence et sur l'esprit.

En 1953, l'africaniste allemand, Janheinz Jahn découvre Césaire et ils seront amis jusqu'à la mort de Jahn en 1972.2

En 1955, lors du débat sur la poésie nationale dans le cadre de Présence Africaine, Césaire y fait paraître un long poème, « Réponse à Depestre poète haïtien (éléments d'un art poétique), celui-ci venant de se rallier aux thèses d'Aragon.

Laisse-là Depestre laisse-làLa gueuserie solennelle d'un air mendiéLaisse-leurLe ronron de leur sang à menuets l'eau fade dégoulinantLe long des marches rosesEt pour les grognements des maîtres d'écoleAssezMarronnons-les Depestre marronnons-lesComme jadis nous marronnions nos maîtres à fouet.3

En 1956, Il participe au Premier Congrès des écrivains et artistes noirs à la Sorbonne. C'est l'année où il quitte le PCF («Lettre à Maurice [End Page 105] Thorez») et fonde le PPM, Parti Progressiste Martiniquais, dont l'objectif est l'autonomie martiniquaise et non l'indépendance.

Il publie une version définitive du Cahier à Présence Africaine.

1960 et 1961 sont marquées par la publication de deux recueils, au Seuil, Ferrements et Cadastre. Du premier, retenons:

Blanc à remplir sur La carte voyageuse du pollen

N'y eût-il dans le désertQu'une seule goutte d'eau qui rêve tout bas,Dans le désert n'y eût-ilQu'une graine volante qui rêve tout haut,C'est assez,Rouillure des armes, fissure des pierres, vrac des ténèbresDésert, désert, j'endure ton défiBlanc à remplir sur la carte voyageuse du pollen.

En 1962, c'est une étude historique sur Haïti qu'il fait paraître à Présence Africaine, Toussaint Louverture – Etude historique sur la révolution et le problème colonial. Sur la lancée, en quelque sorte, de cette présence de Haïti, si vive dans son parcours, il écrit, en 1963, La Tragédie du roi Christophe; en 1965, Une Saison au Congo: ces deux pièces réfléchissent au pouvoir et au chemin difficile des libérations et des indépendances. Sa dernière pièce sera un «dialogue» intertextuel avec Shakespeare dont il adapte la pièce, sous le titre Une Tempête – La Tempête de Shakespeare pour un théâtre nègre. Ces différentes pièces sont éditées au Seuil. Après la mort de son ami, Jean-Marie Serreau, A. Césaire a abandonné l'écriture théâtrale.

En 1976, les éditions Desormeaux à Fort-de-France éditent Aimé Césaire, oeuvres complètes, en 3 volumes.

Avec l'arrivée de la gauche au pouvoir en 1981, Césaire espère en la politique de décentralisation avec F. Mitterrand. L'espoir est encore une fois déçu… Dans ses Entretiens avec Françoise Vergès, Nègre je suis, nègre je resterai, on peut retrouver franc-parler, révolte et revendication qui n'ont pas désarmé:

J'ai toujours été connu comme un rouspéteur. Je n'ai jamais rien accepté purement et simplement. En classe, je n'ai cessé d'être rebelle. Je me souviens d'une scène à l'école primaire. J'étais assis à côté d'un petit bonhomme, à qui je demandai: «Que lis-tu?» C'était un livre: «Nos ancêtres, les Gaulois avaient les cheveux blonds et les yeux bleus…» «Petit crétin», lui dis-je, «va te voir dans une glace!» Ce n'était pas forcément formulé en termes philosophiques, mais il y a certaines choses que je n'ai jamais acceptées, et je ne les ai subies qu'à contrecoeur. [End Page 106]

Quand je parle de situations insupportables, je pense d'abord à la médiocrité de la vie coloniale: «Monsieur le Gouverneur, Monsieur le Préfet, mon Colonel, mon Général, etc.» Dans la vie, il y a des choses que l'on supporte très mal et, si nous faisons tous un effort, c'est parce que nous sentons qu'il est urgent de faire naître une autre civilisation. Ce n'est pas très original, mais c'est vrai: il faut un autre monde, il faut un autre soleil, il faut une autre conception de la vie.

[…]

Il s'agit de savoir si nous croyons à l'homme et si nous croyons à ce qu'on appelle les droits de l'homme. A liberté, égalité, fraternité, j'ajoute toujours identité. Car, oui, nous y avons droit. C'est notre doctrine à nous, hommes de gauche

[…]

Peu m'importe qui a écrit le texte de la Déclaration des droits de l'homme ; je m'en fiche, elle existe […] Il faut s'approprier ce texte et savoir l'interpréter correctement. La France n'a pas colonisé au nom des droits de l'homme. On peut toujours raconter n'importe quoi sur ce qui s'est passé: «Regardez dans quel état sont ces malheureux. Ce serait un bienfait de leur apporter la civilisation.» D'ailleurs, les Européens croient à la civilisation, tandis que nous, nous croyons aux civilisations, au pluriel, et aux cultures.4

En 1982, il édite, toujours au Seuil, Moi, laminaire.

L'année suivante, en 1983, c'est le 25ème anniversaire du PPM.

En 1986, Césaire donne l'édition critique définitive du Cahier (Présence Africaine).

Pour un cinquantenaire

A Lilyan Kesteloot

Excède exsude exulte ElanIl nous faut Présence construire ton évidenceEn contreforts de pachiraEn obélisqueEn cratère pour menfenilEn rayon de soleilEn parfum de copahu

Peu importe

En poupe de caravelleEn flotille d'almadiesEn favellesEn citadellesEn rempart d'andésiteEn emmêlement de pitons

Il n'importe

Le vent novice de la mémoire des méandresS'offenseA vif que par mon souffle [End Page 107] De mon souffle il suffisePour à tous signifierPrésent et à venirQu'un homme était làEt qu'il a criéEn flambeau au coeur des nuitsEn oriflamme au coeur du jourEn étendardEn simple main tendueUne blessure inoubliable.5

En 1994, Daniel Maximin et Gilles Carpentier établissent une édition critique de poèmes connus ou inédits : en ouverture, ils citent un passage d'une lettre à L. Kesteloot :

Alors quid de la poésie ? Il faut toujours y revenir : surgie du vide intérieur, comme un volcan qui émerge du chaos primitif, c'est notre lieu de force : la situation éminente d'où l'on somme ; magie, magie.6

Il serait difficile de recenser les nombreux critiques et écrivains qui ont rendu hommage à Césaire. Signalons le très beau texte de Jacques Lacarrière qui est, en même temps, une belle introduction-explication au Cahier, Ce que je dois à Aimé Césaire.7 Alors, pour finir, écoutons deux poèmes.

L'un de Véronique Tadjo, «Chemin du retour»

Le chemin du retour est tortueux.Fini les lignes droites du départ.Je reviens avec mes rires et mesEchecs, avec mes souvenirs qui meTrahissent.

Le chemin du retour estRocailleux. Mes pieds ont mal.Ma tête est lourde. Mes valisesPèsent une vie.

Et celui de Monchoachi, «Quelque chose, tard»Asilela pluiela proche rumeurjusqu'au boutescorteune pétaleseulsur la terreelle éliminemême le sourire [End Page 108] en coinqui se mutine

ce qui resterienqu'une voixet bégaye le lieus'il y a8

Notes

1. Préface au catalogue de l'exposition consacrée à A. Césaire: «Aimé Césaire – Le poète dans la Cité», exposition au CNL de Paris du 13 juin au 8 juillet 1989 et Poésie dans un Jardin au Festival d'Avignon du 12 juillet au 3 août 1989. Placée sous le Haut patronage de la Fédération Internationale des Ecrivains de langue française. Catalogue conçu par Marie Jouannic, Saluces, Avignon, mai 1989. Celle-ci justifie le titre de l'exposition ainsi: «Lui pour qui le poétique et le politique se retrouvent en un projet unique, la poésie devenant l'instrument privilégié de la libération des peuples».

2. Cf. Ernstpeter Ruhe, Aimé Césaire et Janheinz Jahn – Les débuts du théâtre césairien: la nouvelle version de Et les chiens se taisaient, Würzburg, Königshausen & Neumann, 1990.

3. Cf. Aimé Césaire, La poésie, édition établie par Daniel Maximin et Gilles Carpentier, Le Seuil, 1994, p.545.

4. Entretiens édités chez Albin Michel, coll. «Itinéraires du savoir», en 2005, citation p. 51 et p. 69.

5. Aimé Césaire, La poésie, op. cit. p.517-518. Cf. L. Kesteloot et B. Kotchy, Aimé Césaire, l'homme et l'oeuvre, précédé d'un texte de Michel Leiris, Présence Africaine, coll Approches, 1973.

6. Id., p.6.

7. Bibliophane, Daniel Radford (dessins de Wifredo Lam), en particulier les p. 14, 21, 22-23…

8. Ces deux poèmes sont repris au catalogue de l'exposition de 1989. Cf. note 1. [End Page 109]

  • In MemoriamFor Aimé Césaire

Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n'ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s'affaissent au cachot du désespoir

(Cahier d'un retour au pays natal)

Aimé Césaire was born on June 26, 1913 at Basse-Pointe in Martinique. He would have turned 95 years old, this year… Sony Labou Tansi paid him hommage in 1989, when he wrote: "Césaire poet, has put the fire of the soul to the hay of the arbitraries and of the unbearable […] The art of the poet is also the art of taming lightning."1

Césaire completed his elementary and secondary studies on the island, then left for Paris in 1932, after his baccalauréat, from the Lycée Louis le Grand and the ENS. It is at that time that he discovers Rimbaud and marxisme. He collaborates with the journal titled Legitime Défense. But above all, in 1934, he founds with Senghor and Damas, the journal L'Étudiant noir which intends to lead a cultural combat. It is within this group that emerges the word "Négritude" taking its poetic charge in the Cahier d'un retour au pays natal:

Ma négritude n'est pas une pierre, sa surditéruée contre la clameur du jourma négritude n'est pas une taie d'eau mortesur l'oeil mort de la terrema négritude n'est ni une tour ni une cathédrale

elle plonge dans la chair rouge du solelle plonge dans la chair ardente du cielelle troue l'accablement opaque de sa droitepatience.

Césaire has always insisted on the fact that, for him, his conception of négritude was not biological but cultural and historical: it is a matter of deepening the conscience of belonging to the black race and of having the will to restore the value of the African culture.

Since 1935, he starts writing the Cahier, the first version appears in the journal titled Volontés. Just before the declaration of war, Césaire returns to Martinique with his wife Suzanne. They are both teachers at [End Page 110] the Lycée de Fort-de-France. During his teaching carrier, Césaire had numerous martinicans who later became famous. Among his students, there will be Joby, Frantz Fanon's older brother, who gives Frantz Césaire's courses, when Fanon was preparing on his own, and before hand, for his baccalauréat.

Between 1940 and 1944, Césaire creates the journal Tropiques with René Ménil. Suzanne is very active in the journal. It is in 1941 that André Breton, in transit through Martinique, discovers Tropiques, Césaire and the Cahier d'un retour au pays natal. Breton is enthusiastic and the text that he writes at that time, "Un grand poète noir," becomes the preface to the 1947 edition of the Cahier.

In terms of his political life, it is in 1945 that Césaire is elected mayor of Fort-de-France and congressman of Martinique. He is 33 years old and will be reelected as mayor without interruptions until the year 2001. He will defend, in 1946, the overseas departament (DOM) for Guadaloupe and Martinique, hoping that the departementalization will bring developpement to the Antilles. That same year 1946, he publishes Les Armes miraculeuses at Gallimard's editorial house, poems and tragedy. The tragedy is titled, Et les chiens se taisaient; with it, Césaire inaugurates his theatrical creation illustrated by other plays. From this tragedy, I want to recall that Rebel cry that has so greatly distinguished his subsequent literary productions:

Mon nom : offensé ; mon prénom : humilié ; mon état : révolté ; mon âge : l'âge de pierre.

[…] Ma race : la race tombée. Ma religion…

mais ce n'est pas vous qui la préparerez avec votre désarmement…

c'est moi avec ma révolte et mes pauvres poings serrés et ma tête hirsute

Très calme

Je me souviens d'un jour de novembre ; il n'avait pas six mois et le maître est entré dans la case fuligineuse comme une lune rousse, et il tâtait ses petits membres musclés, c'était un très bon maître, il promenait d'une caresse ses doigts gros sur son petit visage plein de fossettes. Ses yeux bleus riaient et sa bouche le taquinait de choses sucrées : ce sera une bonne pièce, dit-il en me regardant, et il disait d'autres choses aimables mon maître, qu'il fallait s'y prendre très tôt, que ce n'était pas trop de vingt ans pour faire un bon chrétien et un bon esclave, bon sujet et bien dévoué, un bon garde-chiourme de commandeur, oeil vif et le bras ferme. Et cet homme spéculait sur le berceau de mon fils un berceau de garde-chiourme.

[…] [End Page 111]

Tué… Je l'ai tué de mes propres mains…Oui : de mort féconde et plantureuse […]J'ai choisi d'ouvrir sur un autre soleil les yeux de mon fils […]Il n'y a pas dans le monde un pauvre type lynché, un pauvre hommetorturé, en qui je ne sois assassiné et humilié.

In 1947, the Cahier is edited in Paris, at the Bordas editorial, with a preface written by André Bretón (the article mentioned above) and a frontispiece by Wifredo Lam, tha cuban paintor. Simultaneously, a bilingual version is published in New York by Brentano's.

In 1948, he publishes a new collection, Soleil cou coupé with Gallimard and, in 1949, Corps perdu with engravings by Picasso, in Fragrance editions.

It is in 1950 that a text appears, that to this day is still shedding light over the historical phenomenon of colonialisme, Discours sur le colonialisme, in Réclame editions (this text will be re-edited by Présence Africaine in 1955). As Sony Labou Tansi has written in 1989:

I have reread about fifty times the Discours sur le colonialisme, and I have not found any germ of hate, any outburst of grievance or bitterness. I have only found a sort of humanism without complacency, that doesn't spare anyone […] In spite of the extent of the problem and the passionate nature of the colonial matter, Césaire puts so much humanisme into it that he is able to bring before our consciences the double misery of the toturer and the victime, the dehumanization of the master and of the slave, the double trap that leads to a triple triumph of mediocrity over reason, over intelligence and over mind. 2

In 1953, the German Africaniste, Janheinz Jahn discovers Césaire; they will be friends until Jahn's death in 1972.3

In 1955, at the time of the debate concerning national poetry within Présence Africaine, Césaire publishes a long poem, "Réponse à Depestre poète haïtien (éléments d'un art poétique)," the latter had adhered to Aragon's thesis.

Laisse-là Depestre laisse-làLa gueuserie solennelle d'un air mendiéLaisse-leurLe ronron de leur sang à menuets l'eau fade dégoulinantLe long des marches rosesEt pour les grognements des maîtres d'écoleAssezMarronnons-les Depestre marronnons-lesComme jadis nous marronnions nos maîtres à fouet.4

In 1956, Césaire participates in the First Congress for black writers and artists at the Sorbonne. That same year Césiare abandons the [End Page 112] PCF—French Communist Party—("Lettre à Maurice Thorez") and founds the PPM, Progressive Martinican Party, whose objective was martinican autonomy and not independence.

Césaire publishes a definitive version of the Cahier in Présence Africaine.

1960 and 1961 are marked by the publication of two collections, with Seuil editions, Ferrements and Cadastre. From the first one, let us remember:

Blanc à remplir sur La carte voyageuse du pollen

N'y eût-il dans le désertQu'une seule goutte d'eau qui rêve tout bas,Dans le désert n'y eût-ilQu'une graine volante qui rêve tout haut,C'est assez,Rouillure des armes, fissure des pierres, vrac des ténèbresDésert, désert, j'endure ton défiBlanc à remplir sur la carte voyageuse du pollen.

In 1962, Césaire publishes a historical study on Haiti in Présence Africaine, Toussaint Louverture – Étude historique sur la révolution et le problème colonial. While launching, in a certain way, Haitian presence, so lively in his trayectory, Césaire writes in 1963, La Tragédie du roi Christophe; in 1965, Une Saison au Congo: these two plays reflect upon the power and the difficult path that the liberations and independences went through. His last play will be an intertextual "dialogue" with Shakespeare, whose play he adapts, under the title Une Tempête – La Tempête de Shakespeare pour un théâtre nègre. These different plays are edited by Seuil. After the death of his friend, Jean-Marie Serreau, Aimé Césaire abandoned theatrical writing.

In 1976, Desormeaux editions in Fort-de-France edit Aimé Césaire, oeuvres complètes, in 3 volumes.

With the left wing at power in 1981, Césaire puts his hopes on the decentralization policy with François Mitterand. His hopes are once again disappointed. In his Entretiens avec Françoise Vergès, Nègre je suis, nègre je resterai, one can find outspokenness, rebellion and claims for revindication that did not give way:

I have always been known to be grumpy. I have never accepted anything purely and simply. In class, I never stopped being a rebel. I remember a scene at my elementary school. I was seated next to a little boy, and I asked him: "What are you reading?" It was a book: "Our ancestors, the Gauls were blond and had blue eyes..." "Little idiot," I told him, "go [End Page 113] look at your self in a mirror!" It was not formulated in philosophical terms, but there are certain things that I have never accepted, and I only endured them reluctantly.

When I speak of unbearable situations, I think of the mediocrity of colonial life: "Monsieur the Governor, Monsieur prefect, my Colonel, my General, etc." In life, there are things that one bears very badly and if we all make an effort, it is because we feel that it is urgent to bring to life another civilization. That is not very original, but it is true: we need another world, we need another sun, we need another conception of life.

[...]

It is a matter of knowing if we believe in mankind and if we believe in what we call human rights. To liberty, equality, fraternity, I always add identity. Because, yes, we are entitled to it. For us left wing men, it is our own doctrine

[…]

It doesn't matter who wrote the Human Rights declaration; I don't care, it exists [...] We need to appropriate that text and know how to interpret it corectly. France did not colonize in the name of human rights. One can always say anything about what really happened: "Look at the state those wretched souls are in. It would be an act of kindness to bring them civilization." By the way, Europeans believe in civilization, while us, we believe in civilizations, in the plural, and in cultures. 5

In 1982, Césaire edits, still with Seuil, Moi, laminaire.

The following year, in 1983, it is the PPM's 25th anniversary.

In 1986, Césaire produces the definitive critical edition of the Cahier (Présence Africaine).

Pour un cinquantenaire

                         A Lilyan Kesteloot

Excède exsude exulte ElanIl nous faut Présence construire ton évidenceEn contreforts de pachiraEn obélisqueEn cratère pour menfenilEn rayon de soleilEn parfum de copahu

Peu importe

En poupe de caravelleEn flotille d'almadiesEn favellesEn citadellesEn rempart d'andésiteEn emmêlement de pitons

Il n'importe

Le vent novice de la mémoire des méandres [End Page 114] S'offenseA vif que par mon souffleDe mon souffle il suffisePour à tous signifierPrésent et à venirQu'un homme était làEt qu'il a criéEn flambeau au coeur des nuitsEn oriflamme au coeur du jourEn étendardEn simple main tendueUne blessure inoubliable.6

In 1994, Daniel Maximin and Gilles Carpentier establish a critical edition of known and unedited poems: in the overture, they quote a passage from a letter to Lillian Kesteloot:

So quid of poetry? One must always come back to it: sprung from an interior emptyness, like a volcano that emerges from a primitive chaos, it is our place of strength: the eminent situation where we come from; magic, magic.7

It would be difficult to take inventory of the numerous critics and writers who have rendered hommage to Césaire. Let us point out the very beautiful text by Jacques Lacarrière that is, also, a beautiful introduction explanation for the Cahier, Ce que je dois à Aimé Césaire.8 And so, to finish, let us listen to two poems.

One by Véronique Tadjo, "Chemin du retour"

Le chemin du retour est tortueux.Fini les lignes droites du départ.Je reviens avec mes rires et mesEchecs, avec mes souvenirs qui meTrahissent.

Le chemin du retour estRocailleux. Mes pieds ont mal.Ma tête est lourde. Mes valisesPèsent une vie. »

And this one by Monchoachi, "Quelque chose, tard"

Asilela pluiela proche rumeurjusqu'au boutescorteune pétale [End Page 115] seulsur la terreelle éliminemême le sourireen coinqui se mutine

ce qui resterienqu'une voixet bégaye le lieus'il y a9

Notes

1. Preface to the catalogue of the exposition dedicated to A. Césaire: "Aimé Césaire – Le poète dans la Cité," exposition in the CNL, Paris June 13 to July 8, 1989 and Poésie dans un Jardin in the Festival d' Avignon from July 12 to August 3, 1989. Placed under the patronage of the Fédération Internationale des Écrivains de langue franç ais. This catalogue was conceived by Marie Jouannic, Saluces, Avignon, May, 1989. She justifies the title of the exposition by stating: "He for whom the poetic and the political meet in a unique project, poetry becoming the priviledged instrument of the liberation of the people."

2. «J'ai relu plus d'une cinquantaine de fois le Discours sur le colonialisme, je n'y ai trouvé aucun germe de haine, aucun transport de rancune ou d'amertume. Je n'y ai rencontré qu'un humanisme sans complaisance, qui ne fait de cadeau à personne […] Malgré l'ampleur du problème et la nature passionnée de la question coloniale Césaire y met tellement d'humanité qu'il arrive à présenter devant nos consciences la double misère du bourreau et de la victime, la déshumanisation du maître et de l'esclave, le double piège qui mène au triple triomphe de la médiocrité sur la raison, sur l'intelligence et sur l'esprit».

3. Cf. Ernstpeter Ruhe, Aimé Césaire et Janheinz Jahn – Les débuts du théâtre césairien : la nouvelle version de Et les chiens se taisaient, Würzburg, Königshausen & Neumann, 1990.

4. Cf. Aimé Césaire, La poésie, editions established by Daniel Maximin and Gilles Carpentier, Le Seuil, 1994, p.545. [End Page 116]

5. «J'ai toujours été connu comme un rouspéteur. Je n'ai jamais rien accepté purement et simplement. En classe, je n'ai cessé d'être rebelle. Je me souviens d'une scène à l'école primaire. J'étais assis à côté d'un petit bonhomme, à qui je demandai: «Que lis-tu?» C'était un livre: «Nos ancêtres, les Gaulois avaient les cheveux blonds et les yeux bleus…» «Petit crétin», lui dis-je, «va te voir dans une glace!» Ce n'était pas forcément formulé en termes philosophiques, mais il y a certaines choses que je n'ai jamais acceptées, et je ne les ai subies qu'à contrecoeur.

Quand je parle de situations insupportables, je pense d'abord à la médiocrité de la vie coloniale: «Monsieur le Gouverneur, Monsieur le Préfet, mon Colonel, mon Général, etc.» Dans la vie, il y a des choses que l'on supporte très mal et, si nous faisons tous un effort, c'est parce que nous sentons qu'il est urgent de faire naître une autre civilisation. Ce n'est pas très original, mais c'est vrai: il faut un autre monde, il faut un autre soleil, il faut une autre conception de la vie.

[…]

Il s'agit de savoir si nous croyons à l'homme et si nous croyons à ce qu'on appelle les droits de l'homme. A liberté, égalité, fraternité, j'ajoute toujours identité. Car, oui, nous y avons droit. C'est notre doctrine à nous, hommes de gauche

[…]

Peu m'importe qui a écrit le texte de la Déclaration des droits de l'homme; je m'en fiche, elle existe […] Il faut s'approprier ce texte et savoir l'interpréter correctement. La France n'a pas colonisé au nom des droits de l'homme. On peut toujours raconter n'importe quoi sur ce qui s'est passé: «Regardez dans quel état sont ces malheureux. Ce serait un bienfait de leur apporter la civilisation.» D'ailleurs, les Européens croient à la civilisation, tandis que nous, nous croyons aux civilisations, au pluriel, et aux cultures.» Interviews edited at Albin Michel, coll. "Itinéraires du savoir," in 2005, quote in pp. 51 and 69.

6. Aimé Césaire, La poésie, op. cit. p.517-518. Cf. L. Kesteloot and B. Kotchy, Aimé Césaire, l'homme et l'oeuvre, preceded by a text written by Michel Leiris, Présence Africaine, coll Approches, 1973.

7. «Alors quid de la poésie? Il faut toujours y revenir: surgie du vide intérieur, comme un volcan qui émerge du chaos primitif, c'est notre lieu de force: la situation éminente d'où l'on somme; magie, magie.»

8. Bibliophane, Daniel Radford (drawings by Wifredo Lam), particularly in pp. 14, 21, 22-23… [End Page 117]

9. These two poems have been taken from the catalogue of the 1989 exposition. Cf. note 1. [End Page 118]

  • In MemoriamPara Aimé Césaire

Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n'ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s'affaissent au cachot du désespoir

(Cahier d'un retour au pays natal)

Aimé Césaire nació el 26 de junio de 1913 en Basse-Pointe en Martinica. Habría cumplido, este año, 95 años de edad… En un homenaje que le rindiera Sony Labou Tansi en 1989, éste último escribía: "Césaire poeta, ha puesto el fuego del alma a la paja de los arbitrarios y de los insufribles […] El arte del poeta es también el arte de domar el relámpago".1

Césaire hace sus estudios primarios y secundarios en la isla y se marcha a París en 1932, después de su baccalauréat, en el Lycée Louis le Grand y en la ENS. Es entonces que descubre a Rimbaud y el marxismo. Colabora con la revista Legitime Défense. Pero, sobre todo, en 1934 funda con Senghor y Damas, la revista L'Étudiant noir que pretende llevar un combate cultural. Es en el seno de dicho grupo que emerge la palabra "Négritude" tomando su carga poética en el Cahier d'un retour au pays natal:

Ma négritude n'est pas une pierre, sa surditéruée contre la clameur du jourma négritude n'est pas une taie d'eau mortesur l'oeil mort de la terrema négritude n'est ni une tour ni une cathédrale

elle plonge dans la chair rouge du solelle plonge dans la chair ardente du cielelle troue l'accablement opaque de sa droitepatience.

Césaire siempre ha insistido sobre el hecho de que, para él, su concepción de la negritud no era biológica, sino cultural e histórica: se trata de profundizar la conciencia de pertenecer a la raza negra y de tener la voluntad de revalorizar la cultura africana.

Desde el 1935, comienza la redacción de Cahier cuya primera versión aparece en la revista Volontés. Justo antes de la declaración de la guerra, Césaire regresa a Martinica con su esposa Suzanne. Ambos son profesores en el Lycée de Fort-de-France. En el transcurso de su carrera [End Page 119] de enseñanza, Césaire tuvo como alumnos a numerosos martiniqueses que eventualmente fueron famosos. Entre estos estudiantes estará Joby, el hermano mayor de Frantz Fanon, quien pasa a Frantz los cursos de Césaire cuando éste último se prepara solo, y de antemano, para su baccalauréat.

Entre 1940 y 1944, crea la revista Tropiques con René Ménil. Suzanne es muy activa en la revista. Es en 1941 que André Breton, de paso por Martinica, descubre Tropiques, Césaire y el Cahier d'un retour au pays natal. Breton se entusiasmó y el texto que escribe entonces, "Un grand poète noir", se convertirá en el prefacio de la edición del Cahier en 1947.

En cuanto a la vida política, es en 1945 que Césaire es electo alcalde de Fort-de-France y diputado de Martinica. Tiene 33 años y será reelecto a la alcaldía sin interrupción hasta el 2001. Defenderá, en 1946, el estatus de departamento ultramarino (DOM) para Guadalupe y Martinica, esperando que la departamentalización traiga desarrollo a las Antillas. En ese año de 1946, publica en la prestigiosa editorial Gallimard Les Armes miraculeuses, poemas y tragedia. La tragedia lleva por título, Et les chiens se taisaient; junto a ella, Césaire inaugura su creación teatral, ilustrada más tarde por otras obras. De esa tragedia, quiero recordar ese grito del Rebelde que ha marcado tanto la literatura posterior:

Mon nom: offensé; mon prénom: humilié; mon état: révolté; mon âge: l'âge de pierre.

[…] Ma race: la race tombée. Ma religion…

mais ce n'est pas vous qui la préparerez avec votre désarmement… c'est moi avec ma révolte et mes pauvres poings serrés et ma tête hirsute

Très calme

Je me souviens d'un jour de novembre ; il n'avait pas six mois et le maître est entré dans la case fuligineuse comme une lune rousse, et il tâtait ses petits membres musclés, c'était un très bon maître, il promenait d'une caresse ses doigts gros sur son petit visage plein de fossettes. Ses yeux bleus riaient et sa bouche le taquinait de choses sucrées : ce sera une bonne pièce, dit-il en me regardant, et il disait d'autres choses aimables mon maître, qu'il fallait s'y prendre très tôt, que ce n'était pas trop de vingt ans pour faire un bon chrétien et un bon esclave, bon sujet et bien dévoué, un bon garde-chiourme de commandeur, oeil vif et le bras ferme. Et cet homme spéculait sur le berceau de mon fils un berceau de garde-chiourme.

[…]

Tué… Je l'ai tué de mes propres mains… [End Page 120]

Oui: de mort féconde et plantureuse […]

J'ai choisi d'ouvrir sur un autre soleil les yeux de mon fils […]

Il n'y a pas dans le monde un pauvre type lynché, un pauvre homme torturé, en qui je ne sois assassiné et humilié.

En 1947, la edición del Cahier se hace en París, en la editorial Bordas, con un prefacio de André Bretón (artículo mencionado anteriormente) y un frontispicio de Wifredo Lam, el pintor cubano. Simultáneamente, aparece en Nueva York, une versión bilingüe por Brentano's.

En 1948, Césaire publica una nueva colección, Soleil cou coupé con Gallimard y, en 1949, Corps perdu con grabados de Picasso, en las ediciones Fragrance.

Es en 1950 que aparece un texto que al día de hoy sigue esclareciendo el fenómeno histórico del colonialismo, Discours sur le colonialisme, en las ediciones Réclame (éste será reeditado por Présence Africaine en 1955). Como lo escribe en 1989, Sony Labou Tansi:

He releído unas cincuenta veces el Discours sur le colonialisme, y no he encontrado allí ningún germen de odio, ningún arrebato de rencor o de amargura. Sólo encontré un humanismo sin complacencia, que no perdona […] A pesar de la amplitud del problema y la naturaleza apasionada de la cuestión colonial, Césaire pone tanta humanidad en ello que llega a presentar ante nuestras conciencias la doble miseria del verdugo y de la víctima, la deshumanización del amo y del esclavo, la doble trampa que lleva al triple triunfo de la mediocridad sobre la razón, sobre la inteligencia y la mente.2

En 1953, el africanista alemán, Janheinz Jahn descubre a Césaire y serán amigos hasta la muerte de Jahn en 1972.3

En 1955, mientras que se da el debate sobre la poesía nacional en el seno de Présence Africaine, Césaire publica allí mismo un largo poema, "Réponse à Depestre poète haïtien (éléments d'un art poétique)", éste último acababa de aliarse con las tesis propuestas por Aragon.

Laisse-là Depestre laisse-làLa gueuserie solennelle d'un air mendiéLaisse-leurLe ronron de leur sang à menuets l'eau fade dégoulinantLe long des marches rosesEt pour les grognements des maîtres d'écoleAssezMarronnons-les Depestre marronnons-lesComme jadis nous marronnions nos maîtres à fouet. »4

En 1956, Césaire participa en el primer Congreso de escritores y artistas negros en la Sorbona. Ese mismo año Césaire abandona el PCF—Partido Comunista Francés—("Lettre à Maurice Thorez") y funda [End Page 121] el PPM, Parti Progressiste Martiniquais, cuyo objetivo es la autonomía martiniquesa y no la independencia.

Césaire publica une versión definitiva del Cahier en Présence Africaine.

1960 y 1961 son años marcados por la publicación de dos colecciones, en las ediciones Seuil, Ferrements y Cadastre. Del primero, recordemos:

Blanc à remplir sur La carte voyageuse du pollen

N'y eût-il dans le désertQu'une seule goutte d'eau qui rêve tout bas,Dans le désert n'y eût-ilQu'une graine volante qui rêve tout haut,C'est assez,Rouillure des armes, fissure des pierres, vrac des ténèbresDésert, désert, j'endure ton défiBlanc à remplir sur la carte voyageuse du pollen.

En 1962, Césaire publica un estudio histórico sobre Haiti en Présence Africaine, Toussaint Louverture – Étude historique sur la révolution et le problème colonial. Al relanzar, de cierta manera, esa presencia de Haití, tan viva en toda su trayectoria, Césaire escribe, en 1963, La Tra-gédie du roi Christophe; en 1965, Une Saison au Congo: esas dos obras reflexionan sobre el poder y el camino difícil de las liberaciones y de las independencias. Su última obra será un "diálogo" intertextual con Shakespeare, de quien adapta una obra, bajo el título Une Tempête – La Tempête de Shakespeare pour un théâtre nègre. Estas distintas obras serán editadas por Seuil. Después de la muerte de su amigo, Jean-Marie Serreau, Aimé Césaire abandonó la escritura teatral.

En 1976, las ediciones Desormeaux en Fort-de-France editan Aimé Césaire, œuvres complètes, en 3 volúmenes.

Con la llegada de la izquierda al poder en 1981, Césaire pone sus esperanzas en una política de descentralización con François Mitterand. Una vez más sus esperanzas se vieron frustradas… En sus Entretiens avec Françoise Vergès, Nègre je suis, nègre je resterai, se puede encontrar franqueza, rebeldía y reivindicación que no cedieron:

Siempre se me ha conocido como un gruñón. Nunca he aceptado nada pura y simplemente. En clase, no dejé de ser rebelde. Recuerdo una escena de la escuela primaria. Estaba sentado al lado de un niño, a quien preguntaba: "Qué lees?" Era un libro: "Nuestros ancestros los galos tenían los cabellos rubios y los ojos azules…" "Pequeño cretino", le dije yo, "vete a mirarte en un espejo!" Eso no fue formulado en [End Page 122] términos filosóficos, pero hay ciertas cosas que yo nunca acepté, y las soporté en contra de mi voluntad.

Cuando hablo de situaciones insoportables, pienso primero en la mediocridad de la vida colonial: "Señor Gobernador, Señor prefecto, mi Coronel, mi General, etc." En la vida, hay cosas que uno soporta muy mal y si todos hacemos un esfuerzo, es porque sentimos que es urgente hacer nacer otra civilización. Esto no es muy original, pero es cierto: hace falta otro mundo, hace falta otro sol, hace falta otra concepción de la vida.

[…]

Se trata de saber si creemos en el hombre y si creemos en lo que llamamos los derechos del hombre. A libertad, igualdad y fraternidad, siempre añado identidad. Porque sí, tenemos derecho a ello. Es nuestra doctrina, la de los hombres de la izquierda

[…]

No importa quién haya escrito el texto de la Declaración de los derechos del hombre; no me importa, ella existe […] Hay que apropiarse ese texto y saberlo interpretar correctamente. Francia no ha colonizado en nombre de los derechos del hombre. Siempre se puede decir cualquier cosa sobre lo que pasó: "Vean en qué estado se encuentran esos infelices. Sería un favor traerles la civilización". Por cierto, los europeos creen en la civilización, mientras que nosotros, nosotros creemos en las civilizaciones en plural, y en las culturas.5

En 1982, Césaire edita, siempre en Seuil, Moi, laminaire.

El año siguiente, en 1983, es el 25to aniversario del PPM.

En 1986, Césaire produce la edición crítica definitiva del Cahier (Présence Africaine).

Pour un cinquantenaire

A Lilyan Kesteloot

Excède exsude exulte ElanIl nous faut Présence construire ton évidenceEn contreforts de pachiraEn obélisqueEn cratère pour menfenilEn rayon de soleilEn parfum de copahu

Peu importe

En poupe de caravelleEn flotille d'almadiesEn favellesEn citadellesEn rempart d'andésiteEn emmêlement de pitons [End Page 123]

Il n'importe

Le vent novice de la mémoire des méandresS'offenseA vif que par mon souffleDe mon souffle il suffisePour à tous signifierPrésent et à venirQu'un homme était làEt qu'il a criéEn flambeau au coeur des nuitsEn oriflamme au coeur du jourEn étendardEn simple main tendueUne blessure inoubliable. »6

En 1994, Daniel Maximin y Gilles Carpentier establecen una edición crítica de poemas conocidos o inéditos: en la apertura, éstos citan un pasaje de una carta escrita a Lillian Kesteloot:

?Entonces quid de la poesía? Siempre hay que volver a esa pregunta: que surge de un vacío interior, como un volcán que emerge, del caos primitivo, es nuestro lugar de fuerza: la situación eminente de donde uno resulta; magia, magia.7

Sería difícil inventariar las numerosas críticas y escritores que han rendido homenaje a Césaire. Señalemos el muy bello texto de Jacques Lacarrière que es, a su vez, una bella introducción-explicacion al Cahier , Ce que je dois à Aimé Césaire.8 Entonces, para terminar, escuchemos dos poemas.

Uno de Véronique Tadjo, "Chemin du retour"

Le chemin du retour est tortueux.Fini les lignes droites du départ.Je reviens avec mes rires et mesEchecs, avec mes souvenirs qui meTrahissent.

Le chemin du retour estRocailleux. Mes pieds ont mal.Ma tête est lourde. Mes valisesPèsent une vie.

Y este de Monchoachi, "Quelque chose, tard"

Asilela pluiela proche rumeurjusqu'au bout [End Page 124] escorteune pétaleseulsur la terreelle éliminemême le sourireen coinqui se mutine

ce qui resterienqu'une voixet bégaye le lieus'il y a9

Notas

1. Prefacio al catálogo de la exposición dedicada a A. Césaire: "Aimé Césaire – Le poète dans la Cité», exposición en el CNL de París del 13 de junio al 8 de julio de 1989 y Poésie dans un Jardin en el Festival de Avignon del 12 de julio al 3 de agosto del 1989. Colocada bajo el alto patrocinio de la Fédération Internationale des Écrivains de langue franç ais. Catálogo concebido por Marie Jouannic, Saluces, Avignon, mayo de 1989. Ésta justifica el título de la exposición así: "Lui pour qui le poétique et la politique se retrouvent en un projet unique, la poésie devenant l'instrument privilégié de la libération des peuples".

2. «J'ai relu plus d'une cinquantaine de fois le Discours sur le colonialisme, je n'y ai trouvé aucun germe de haine, aucun transport de rancune ou d'amertume. Je n'y ai rencontré qu'un humanisme sans complaisance, qui ne fait de cadeau à personne […] Malgré l'ampleur du problème et la nature passionnée de la question coloniale Césaire y met tellement d'humanité qu'il arrive à présenter devant nos consciences la double misère du bourreau et de la victime, la déshumanisation du maître et de l'esclave, le double piège qui mène au triple triomphe de la médiocrité sur la raison, sur l'intelligence et sur l'esprit».

3. Cf. Ernstpeter Ruhe, Aimé Césaire et Janheinz Jahn – Les débuts du théâtre césairien: la nouvelle version de Et les chiens se taisaient, Würzburg, Königshausen & Neumann, 1990. [End Page 125]

4. Cf. Aimé Césaire, La poésie, édition établie par Daniel Maximin et Gilles Carpentier, Le Seuil, 1994, p. 545.

5. «J'ai toujours été connu comme un rouspéteur. Je n'ai jamais rien accepté purement et simplement. En classe, je n'ai cessé d'être rebelle. Je me souviens d'une scène à l'école primaire. J'étais assis à côté d'un petit bonhomme, à qui je demandai: «Que lis-tu?» C'était un livre: «Nos ancêtres, les Gaulois avaient les cheveux blonds et les yeux bleus…» «Petit crétin», lui dis-je, «va te voir dans une glace!» Ce n'était pas forcément formulé en termes philosophiques, mais il y a certaines choses que je n'ai jamais acceptées, et je ne les ai subies qu'à contrecoeur.

Quand je parle de situations insupportables, je pense d'abord à la médiocrité de la vie coloniale: «Monsieur le Gouverneur, Monsieur le Préfet, mon Colonel, mon Général, etc.» Dans la vie, il y a des choses que l'on supporte très mal et, si nous faisons tous un effort, c'est parce que nous sentons qu'il est urgent de faire naître une autre civilisation. Ce n'est pas très original, mais c'est vrai : il faut un autre monde, il faut un autre soleil, il faut une autre conception de la vie.

[…]

Il s'agit de savoir si nous croyons à l'homme et si nous croyons à ce qu'on appelle les droits de l'homme. A liberté, égalité, fraternité, j'ajoute toujours identité. Car, oui, nous y avons droit. C'est notre doctrine à nous, hommes de gauche

[…]

Peu m'importe qui a écrit le texte de la Déclaration des droits de l'homme ; je m'en fiche, elle existe […] Il faut s'approprier ce texte et savoir l'interpréter correctement. La France n'a pas colonisé au nom des droits de l'homme. On peut toujours raconter n'importe quoi sur ce qui s'est passé: «Regardez dans quel état sont ces malheureux. Ce serait un bienfait de leur apporter la civilisation.» D'ailleurs, les Européens croient à la civilisation, tandis que nous, nous croyons aux civilisations, au pluriel, et aux cultures.» Entrevistas editadas en Albin Michel, col. "Itinéraires du savoir", en 2005, cita en pp. 51 y 69.

6. Aimé Césaire, La poésie, op. cit. p. 517-518. Cf. L. Kesteloot y B. Kotchy, Aimé Césaire, l'homme et l'oeuvre, precedido de un texto de Michel Leiris, Présence Africaine, coll Approches, 1973.

7. «Alors quid de la poésie? Il faut toujours y revenir: surgie du vide intérieur, comme un volcan qui émerge du chaos primitif, c'est notre lieu de force : la situation éminente d'où l'on somme; magie, magie.» [End Page 126]

7. Bibliophane, Daniel Radford (dibujos de Wifredo Lam), en particular los de las pp. 14, 21, 22-23…

8. Estos dos poemas han sido tomados del catálogo de la exposición de 1989. Cf. note 1. [End Page 127]

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