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  • Journal de guerre (1915–1918)
  • Béatrice Richard
Journal de guerre (1915–1918). Thomas-Louis Tremblay. Texte inédit, établi et annoté par Marcelle Cinq-Mars. Outremont, Athéna Éditions, 2006, 329 p. $29.95

Écrire l’histoire militaire du Canada passe le plus souvent par l’étude de documents presque exclusivement anglais. Aussi les sources en francçais dans ce domaine exercent-elles un attrait sensible sur les historiens francophones, au point parfois de modeler leurs approches et leurs orientations. Dans ce contexte, la publication du Journal de guerre de Thomas-Louis Tremblay fait presque figure d’événement, l’homme ayant commandé l’unique bataillon canadien-français mené au combat entre 1915 et 1918, le légendaire 22e. Cette entreprise d’édition était-elle pertinente pour autant? Cela dépend de [End Page 272] la clientèle visée. Le simple amateur d’histoire militaire risque de trouver certains passages ennuyeux comme la pluie—omniprésente dans ces pages comme dans les tranchées des Flandres. Le chercheur ou l’étudiant, en revanche, appréciera très certainement cet accès à un document de première main qui sommeillait depuis des décennies dans les archives du Musée du Royal 22e Régiment. Il offre en effet une autre perspective sur la Grande Guerre, à la fois raisonnée et sensible : celle du quotidien d’un chef militaire issu d’une minorité nationale à l’intérieur d’une armée encore impériale.

En ce qui concerne la mise en forme du texte, Marcelle Cinq-Mars, archiviste et maître-d’œuvre du projet, a plutôt bien rempli sa mission. Transcrire le document sans l’altérer, tel était le défi pour une série de carnets rédigés dans « une écriture serrée » et émaillés de références techniques ou personnelles. Une version dactylographiée de ce journal existait déjá aux Archives nationales du Canada, mais, semble-t-il, de nombreuses erreurs de transcription rendaient son utilisation hasardeuse. Cette fois-ci, l’éditrice promet une reconstitution fidèle de l’original, à l’exception de corrections légères pour les quelques « fautes d’orthographes évidentes » (p. 11). Les coquilles étant si peu nombreuses, on peut néanmoins s’interroger sur la pertinence d’un « nettoyage » qui, en bout de ligne, affecte l’authenticité du « produit ». Pour le reste, le lecteur appréciera la traduction entre crochets des termes anglais, omniprésents dans l’environnement militaire, l’abondance des notes explicatives en bas de page, ainsi que l’insertion de capsules historiques, de valeur inégale mais permettant de contextualiser certaines entrées. Ce travail de moine s’imposait, car Thomas-Louis Tremblay aurait écrit ce journal moins pour la postérité qu’à des fins personnelles, notant la vie quotidienne de son unité depuis le jour de son affectation au 22e bataillon à titre de commandant en second (11 mars 1915) jusqu’au lendemain de l’Armistice (20 décembre 1918).

Tremblay, un réserviste diplômé du collège militaire royal de Kingston, se métamorphose sous nos yeux en un militaire aguerri, livrant dans la foulée un document d’une valeur inestimable. Son journal fait découvrir la guerre vue d’en bas, celle du fantassin, avec sa routine et ses temps morts, entrecoupés d’opérations brutales et intenses, sinon insensées, et de trop rares permissions. Dans ce journal des tranchées, la pluie presque autant que l’artillerie rythme les jours, la boue disputant au « Boche » le titre d’ennemi, d’où la valeur singulière du document. Rédigé « en direct », il livre sans distinction toutes les facettes du 22e en campagne, des plus routinières aux plus [End Page 273] héroïques, caractéristiques souvent absentes des sources relatives au même sujet.

Le commandant ne consigne cependant pas tout dans ce journal. En bon officier, il cultive les non-dits. Sont-ils stratégiques ou bien le reflet d’une blessure narcissique; masquent-ils sa peine? S’il men-tionne, ici et là, les problèmes de discipline qui affectent son unité (p. 179, 187...

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