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  • Pages de sable. Essai sur l'imaginaire du désert
  • Catherine Parayre
Rachel Bouvet , Pages de sable. Essai sur l'imaginaire du désertMontréal, XYZ éditeur, coll. Documents, 204 p., 25$

Pages de sable nous emporte dans les déserts de l'Afrique du Nord et du Proche-Orient vus et vécus depuis le milieu du XIXe siècle jusqu'à la fin du XXe par les narrateurs de différents récits de voyage (Écrits sur le sable d'Isabelle Eberhardt, Un été dans le Sahara d'Eugène Fromentin et Le désert de Pierre Loti), ainsi que par les personnages de plusieurs récits fictifs (Un thé au Sahara de Paul Bowles, Les marches de sable d'Andrée [End Page 623] Chedid, Désert de J.-M. G. Le Clézio, Hypatie ou la fin des dieux de Jean Marcel, de même que Les hommes qui marchent et Le siècle des sauterelles de Malika Mokeddem). Bien qu'ils puissent inviter les lecteurs à articuler différentes considérations politiques concernant, sans doute, la colonisation et ses suites dans ces régions, ces textes accordent manifestement une large place à la réflexion esthétique et existentielle et se prêtent de manière particulièrement convaincante à une analyse qui s'emploie précisément à l'étude du paysage.

Estimant que le désert est un lieu propice à la lecture de signes, l'auteure entreprend de déchiffrer la «sémiosphère», terme emprunté au critique Youri Lotman, que de telles étendues constituent, et, à cet effet, répertorie, classe et compare les similitudes qui existent entre les œuvres, personnages, descriptions et symboles considérés. Sur ce principe, l'ouvrage met en évidence que le désert est, selon certains, vide de signes et qu'il convient alors de combler ou non cette absence, alors que, pour d'autres, il révèle des traces d'anciennes civilisations, mais aussi de présence animale et végétale, «signes évanescents qui s'effacent ou se brouillent au fur et à mesure que le temps passe, mais qui peuvent revêtir une importance très grande, vitale même». De cette poétique du désert, il se dégage néanmoins une image centrale, celle du voyage et de la quête, qu'il s'agisse des périples d'Européens et d'Américains aventureux, des traversées des nomades ou de désirs d'évasion chez des femmes et des hommes à la recherche d'absolu ou de savoir. Il en découle aussi une classification supplémentaire, cette fois dans la distinction de différentes figures – le nomade, l'anachorète et le passionné du désert – et, ici aussi, un lien commun pour les rapprocher, celui du défi personnel et du dépassement de soi. Par exemple, l'essai fait l'éloge du dépouillement, de l'esprit d'ouverture et de l'expérience de la marginalisation qui caractérisent les visiteurs du désert.

Parmi les concepts les plus éloquemment développés, retenons plus particulièrement trois thèmes ayant trait à la perception que ces derniers ont du désert. Le premier met en relief la présence humaine décelable dans tout paysage, que celle-ci soit une «expérience vécue», par exemple dans le cadre d'un voyage, ou une intervention humaine qui «remodèle» le lieu, mais aussi une représentation dans l'art, la littérature et dans l'imaginaire des «paysages intérieurs». La démarche adoptée dans l'analyse est, à la fois, diachronique, lorsqu'elle examine l'évolution de concepts tels que les motifs opposés du jardin et du désert ou l'acception différente du terme désert au cours des siècles, et synchronique, dans l'étude contrastive de nombreuses descriptions de ces espaces.

Le deuxième thème est celui de l'altérité, qui, pour l'auteure, ne saurait être opposée au concept d'identité. Relisant l'Essai sur l'exotisme de Victor Segalen, cette dernière propose de définir l'altérité comme un «insaisissable» résultant...

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