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Reviewed by:
  • Plaisirs de la prose
  • Patrick Bergeron
Laurent Mailhot , Plaisirs de la prose. Montréal, Les Pressses de l'Université de Montréal, 2005, 213 p., 24,95$.

Figure importante des études littéraires au Québec, Laurent Mailhot procède dans ce livre à une réflexion d'un ton à la fois personnel et neuf. En toute liberté, mais non sans méthode (à preuve, l'important arsenal de citations, qui rappelle le visage de l'universitaire derrière celui de l'essayiste), Mailhot dresse un rapprochement entre des écrivains à première vue fort distincts, puis relie, au gré des interactions qui sourdent sous sa plume, l'espace de la lecture à celui de l'écriture. Tout est susceptible d'être considéré au prisme des lectures croisées, un exercice auquel Mailhot est passé maître : style, vocabulaire, images, biographie des écrivains, évolution de leur oeuvre, contextes, lieux communs et singularismes. . . Ainsi huit auteurs aux approches, aux oeuvres et aux imaginaires aussi différents que Saint-Denys Garneau, Gabrielle Roy, Claire Martin, Gilles Marcotte, Gilles Archambault, Pierre Morency et le tandem d'anthropologues, Bernard Arcand et Serge Bouchard, ont pour dénominateur commun leur pratique de la prose littéraire. Vie privée, chronique sociale, naturalisme, petite et grande histoire, tout ramène à la littérature, parfois de manière inattendue.

Ni grandiloquente ni solennelle, mais constamment liée au rapport à soi et au quotidien, cette prose littéraire, dont Mailhot retrace mouve-ments et inflexions, occupe un point « inthéorisable » entre la poésie (à laquelle elle s'oppose en principe, même si cette opposition n'est pas toujours tranchée) et d'autres formes de prose (fÛ t-elle ordinaire, scientifique, journalistique). La prose littéraire émane tout aussi bien (sans s'y limiter) du journal intime et de la correspondance, des Mémoires et des essais, des nouvelles et des fables, des lieux communs et des billets. On l'aura compris : n'entreprend pas qui veut un projet de cette ampleur et de cette nature. Il faut non seulement avoir beaucoup lu la littérature québécoise, mais aussi la considérer de pied en cap, savoir se transporter en toute agilité d'un auteur, d'un genre, d'une génération, voire d'une période littéraire à l'autre. En ce sens, le critique et anthologiste Laurent Mailhot est à la hauteur du défi. Son érudition, jamais lourde, malgré une tendance légèrement fâcheuse aux clins d'oeil continuels, donne lieu à un substantiel panorama critique des lettres québécoises.

À considérer l'ouvrage d'un bloc, on demeure frappé par l'heureux tour de force qu'accomplit son auteur : le riche déploiement, par le truchement de la prose littéraire, d'une aire sémantique où tout écrivain révèle un visage de lecteur (ou de re-lecteur), et où un lecteur prend la plume pour habiter, à son tour, le mouvement de la phrase, remplie ou vidée de vie, travaillant voire transformant le réel. Par le [End Page 560] concours de la prose littéraire, écrivain et lecteur se rejoignent enfin, comme prosateurs.

D'un agrément de lecture à peu près constant (inutile de nous attarder aux défauts du livre, qui sont mineurs, telles quelques longueurs dans le chapitre sur Pierre Morency et les oiseaux), Plaisirs de la prose a valu à son auteur le Prix de la revue Études françaises 2005, succédant en cela à Pierre Vadeboncoeur pour son essai sur Rimbaud en 2003 .

De quoi s'agit-il ? De plaisir, de bonheur, de jouissance, de contente-ment ? Il n'est pas aisé de départager ces notions, et Mailhot, en esprit avisé, récupère cette ambiguïté à bon escient. Une part de sa démarche consiste précisément à creuser une voie où des problématiques sans lien direct (la rencontre de Saint-Denys Garneau avec le paysage, le tracé horizontal de la phrase de Gabrielle Roy, la fiction réflexive de Gilles Archambault par « petites proses », pour en citer trois exemples) révèlent d'insoupçonnés rapports. Du début à la fin, interroger prime sur vérifier, car...

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