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  • Nouvelle1
  • Michel Lord

Les femmes ont-elles une approche différente de l'écriture, de la forme narrative bre've, de la matie're à traiter, des manières de la tourner? Certain(e)s le croient fermement, Catherine Kerbrat-Orecchioni parlant de « sexolecte » dans « Converser au féminin ». Les lecteurs de ce numéro pourront lire un commentaire sur cet article dans la section « Sciences humaines », et voir un peu de quoi il en retourne en lisant le compte rendu du livre paru sous la direction d'Annette Hayward, La rhétorique au féminin.

La ligne de partage n'est pas toujours facile à tracer dans la pratique des genres littéraires par les deux genres sexués. Mais il est certain que l'éclairage que jette une femme sur son imaginaire personnel ou sur le [End Page 479] monde tel qu'elle veut le dépeindre sous forme de fiction narrative bre've ou longue est sensiblement différent de celui que l'homme projette, encore qu'il ne faille pas tomber dans les clichés de la sensibilité des unes et de la rationalité des autres. Dans le domaine artistique tous azimuts, ces frontie'res sont passablement brouillées. Mais pour jouer le jeu des imaginaires distincts, j'ai à nouveau divisé mon article en deux grandes sections «É critures féminines » et «É critures masculines ». On y verra les domaines de l'émotion, de la raison, les motifs de l'amour et de la mort partagés à parts plutôt égales chez des auteures fascinantes (Marie José Thériault, Andrée Ferretti, Caroline Montpetit, Nicole Richard, Héle'ne Robitaille), des écrivains tout aussi envoÛ tants (Gilles Archambault, Naïm Kattan, Donald Alarie, Jean-Paul Beaumier, Louis Hamelin, Luc LaRochelle, Normand de Bellefeuille, Sylvain Trudel).

Écritures Féminines

Dans Pour qu'arrive le grand soir, Andrée Ferretti avoue qu'elle écrit pour « donner le goÛ t de la subversion [. . .] pour insérer de la pensée et de l'émotion dans des quotidiennetés trop souvent abrutissantes [et] pour qu'arrive le Grand soir ». Raison et émotion vont donc de pair chez elle.

Femme politique s'il en est, partie prenante de tous les combats pour l'indépendance du Québec depuis les annés 1960, Ferretti a commencé à publier de la fiction en 1987 avec un bref récit, Renaissance en Paganie, et un premier recueil de « récits » en 1990, La vie partisane, tous deux à l'Hexagone. Toujours elle fait écho à ses préoccupations constantes pour la liberté des êtres et des peuples et contre toutes les formes de soumissions. Ses récits s'articulent autour de précoccupations person-nelles (amours, apprentisage, questions de métier) ou politiques.

Son dernier recueil, Mon chien, le soleil et moi, où cette fois l'appellation « nouvelles » apparaît en pages couverture et de titre, est dédicacé « à la philosophie et à ses professeurs », marqué donc par l'insertion de la pensée, la philosophie même, dans la narration. Cette thématique est exploitée avec un bonheur inégal surtout dans deux nouvelles. La dernière du recueil, « Le suspense de l'écriture romanesque », est un véritable hommage à Spinoza, sur la tombe duquel une romancie're au nom un peu forcé, Philome'ne-Sophie Lajoie, va se recueillir. La finale est intrigante, car la romancie're fait une découverte qu'elle qualifie d'« inouïe » sur la véritable identité de Spinoza, et qui va servir à la construction de son prochain roman. À suivre donc?

« L'homme qui voulait penser » offre une tout autre image de la volonté de penser, car l'homme en question, après trente ans d'efforts semble ne pas encore avoir eu le temps de penser. Ce n'est qu'une fois [End Page 480] victime d'un infarctus qu'il commence à penser à sa mort. La capacité de penser n'est pas donnée à tous.

Dans les huit autres nouvelles, des situations tout aussi diverses que dans ces deux textes sont représentées. La première, « Le plus-que-parfait du subjonctif », illustre l'importance de la beauté de la langue dans le désir d'apprentissage. La nouvelle éponyme...

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