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  • Une façon de faire la guerre. La prise de Cambrai (octobre 1918)
  • Béatrice Richard
Une façon de faire la guerre. La prise de Cambrai (octobre 1918). Bill Rawling. Montréal, Athéna éditions, 2006, 232 p., 24,95 $.

En moins de trois ans, la Grande Guerre transforma les volontaires canadiens, soldats néophytes pour la plupart, en combattants professionnels. Il s’agissait d’un défi hors de l’ordinaire, compte tenu de l’environnement de combat apocalyptique qui prévalait alors, entièrement dominé par la toute-puissante artillerie. Les capacités industrielles et techniques des belligérants leur donnaient d’ailleurs une puissance de feu telle que le front franco-belge se figea dès [End Page 97] novembre 1914. Athéna se retrouva ainsi confrontée à une aporie : l’état d’avancement technologique des camps adverses les avait conduits à la paralysie opérationnelle. La généralisation des mitrailleuses et l’amélioration de l’artillerie de campagne bloquèrent tout mouvement, du moins jusqu’en 1917, phénomène accentué par la difficulté de déplacer canons et obusiers avec des chevaux sur un terrain rarement carrossable. Comment les hommes parvinrentils à rompre ce cercle vicieux et à mettre fin au conflit? C’est la question que l’historien Bill Rawling propose d’élucider dans son dernier ouvrage : Une façon de faire la guerre.

Dans cette œuvre nourrie presque exclusivement d’archives, l’auteur soutient un point de vue a priori paradoxal : en instillant une maîtrise accrue de la technologie, le renouvellement des tactiques et de la doctrine opérationnelle permit une relative humanisation des combats. « Àun certain moment (. . .), résume-t-il, les membres du corps d’armée canadien cessèrent d’être des hommes à sacrifier dans une cause galante et devinrent des techniciens, cherchant à se servir de leurs connaissances pour vaincre l’armée allemande ; ils n’étaient plus le symbole de l’esprit de détermination du Dominion Canada, mais ils étaient devenus des hommes effectuant une tâche. » (p. 220). Faut-il le préciser? Les acteurs de ce féroce champ de bataille se muèrent graduellement en initiés, une ressource de plus en plus difficile à remplacer que l’on se devait de ménager. Dépenser plus d’artillerie et gaspiller moins d’hommes, telle fut donc la nouvelle politique de l’état-major anglo-canadien après la boucherie de la Somme. Sur ce canevas, Rawling nous raconte l’histoire d’un professionnalisme forgé dans le feu des tranchées, celle également de l’intrusion de la doctrine organisationnelle dans le chaos de la guerre industrielle.

Ici, l’historien reprend un thème déjà développé dans son précédent ouvrage, Survivre aux tranchées. L’armée canadienne et la technologie. Cette fois-ci, il s’agit d’une étude rédigée d’abord en français et non d’une traduction, initiative tout aussi inhabituelle qu’appréciable de la part d’un auteur anglophone. Rawling concentre son analyse sur les cent derniers jours au front du corps expéditionnaire canadien, dont la bataille de Cambrai (30 septembre-12 octobre 1918) constitue l’ultime coup de boutoir, entre la bataille d’Amiens (8–11 août) et la libération de Mons (10–11 novembre). La lecture d’Une façon de faire la guerre complétera celle de Survivre aux tranchées, cet ouvrage ne consacrant que ses deux derniers chapitres (7 et 8) aux opérations de 1918, moins célèbres que la légendaire bataille de Vimy (avril 1917). À lire la nouvelle étude de Rawling, on constate à quel point cette ruse de la mémoire peut s’avérer injuste car, quoique mieux maîtrisés et plus [End Page 98] mobiles après la percée d’Amiens, les combats subséquents n’en furent pas moins sanglants pour les Canadiens.

Quelles furent les clés de cette emprise accrue du corps expéditionnaire canadien sur la conduite de la guerre? Elles se révélèrent multiples, à commencer par une meilleure coordination entre l’artillerie et l’infanterie. Après la...

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