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  • Les Songes de Clio, Fiction et Histoire sous l'Ancien Régime
  • Jean-François Dunyach
Les Songes de Clio, Fiction et Histoire sous l'Ancien Régime. Textes rassemblés et édités par Sabrina Vervacke, Éric Van der Schueren et Thierry Belleguic. Québec: Presses de l'Université Laval, 2006. xix+646pp. CAN$40. ISBN 978-2-7637-8338-3.

Qui écrit l'histoire? Quelle histoire écrire? Comment penser l'histoire? À quelles fins écrire l'histoire? À cette importante—et imposante—série de questions, les Presses de l'Université Laval apportent un fort utile volume de contributions (tirées d'un colloque organisé par le Cercle Interuniversitaire d'Étude sur la République des Lettres à Québec en octobre 2001) à l'esquisse, sinon d'une réponse, à tout le moins d'une géographie des problèmes soulevés par l'écriture de l'histoire sous l'Ancien Régime. L'ampleur du questionnement est en effet [End Page 277] particulièrement vaste, embrassant tout à la fois la définition et, de fait, la légitimité de l'auteur d'histoire à l'époque moderne, l'évolution du statut de son discours dans la sphère des lettres, son histoire philosophique sur deux siècles entre chronique et histoire philosophique, enfin sa visée et ses usages.

Si le triptyque programmatique retenu par les éditeurs (« poétiques », « pratiques » et « usages » de l'histoire) dessine commodément les grands contours d'une analyse des conditions, des situations en somme, de la formulation du discours de l'histoire à l'époque moderne, l'immense intérêt des contributions est, à l'évidence, de montrer l'extrême imbrication et la porosité de ces catégories entre elles. Celle-ci est d'abord liée au caractère composite de l'histoire ellemême, que soulignent nettement la plupart des auteurs à partir de l'historiographie récente (on songe notamment aux travaux de Chantal Grell, de François Hartog ou encore de Steve Uomini). L'assignation traditionnelle au champs littéraire du discours historique et la lente émancipation de ce dernier vers un statut propre, statut qu'on ne saurait encore qualifier, à la veille de la Révolution, de « scientifique », sont en effet au coeur des problématiques de ce riche ouvrage.

L'indifférenciation originelle et les premières voix de la genèse d'une géographie propre à l'histoire (la « territorialisation » du discours et du domaine de l'historien en somme) font ainsi l'objet d'une première série de contributions. À partir de l'élaboration « moderne » des critères de l'objectif et du vraisemblable comme ligne de clivage entre fiction et histoire (Patrick Dandrey et François Cornillat), nombreux sont les articles qui rappellent les limites, pour ne pas dire l'illusion d'une téléologie de la Raison historique se cherchant au cours des XVIe et XVIIe siècles. Tant à travers l'émancipation de l'écriture poétique, théâtrale ou encore épique (Jean-Claude Moisan, Brenda Dunn-Lardeau, Antoine Soare, Frédéric Charbonneau et Bernard Teyssandier) que de la définition de l'événement en histoire (Max Vernet), les preuves ne manquent pas d'une persistante et tardive imprégnation du discours de Clio par celui des autres muses. Aux deux extrêmes chronologiques de la période retenue, Édouard Pommier (pour l'histoire de l'art à Florence) et Marc-André Bernier (pour les Lumières) montrent avec clarté combien, finalement, les catégories furent à peuprès constamment confondues, dessinant une histoire plurielle et encore évanescente. Loin de l'idée d'une marche de la Raison conquérante dans le discours historique, jamais, encore jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, les Songes de Clio n'ont autant mérité leur pluriel fait de variété et d'indécision.

Il apparaît à ce propos assez caractéristique que la plupart des contributions de la seconde partie de l'ouvrage soient, pour l'essentiel, [End Page 278] consacrées aux Lumières. À bien des égards, et avec les considérables limites déjà soulignées, le XVIIIe siècle a tenté de « raisonner Clio » (xv...

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