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Reviewed by:
  • Adonis suivi de Zoflora et de documents inédits
  • Carminella Biondi
Jean-Baptiste Picquenard . Adonis suivi de Zoflora et de documents inédits, présentation de Chris Bongie. Paris: L'Harmattan, 2006. 230 pp. €26. ISBN 978-2-296-00929-5.

Pour les dix-huitiémistes qui s'intéressent au genre narratif et surtout aux problèmes de l'esclavage et à la littérature «coloniale», cette belle édition de deux romans de Jean-Baptiste Picquenard, accueillis dans la collection «Autrement mêmes», est un véritable régal, comme [End Page 256] beaucoup d'autres titres insérés dans cette collection, conçue et dirigée par Roger Little. Elle présente « des textes introuvables [...] qui traitent, sous forme de roman, nouvelles, pièce de théâtre, témoignage, essai, récit de voyage etc., rédigés par un écrivain blanc, des Noirs ou, plus généralement de l'Autre ». L'un des deux romans de Picquenard, Adonis, avait déjà été inséré dans le recueil Fictions coloniales au XVIIIe siècle, publié en 2005 chez L'Harmattan par Youmna Charara; mais cette nouvelle édition présentée par Chris Bongie a un double mérite, par rapport à la précédente. Le premier est celui de réunir en un seul volume les deux romans de Jean-Baptiste Picquenard, Adonis, ou le bon nègre et Zoflora, ou la bonne négresse, publiés respectivement en 1798 et 1800 et dont l'histoire se déroule à Saint-Domingue dans les années de la révolte et dans celles qui la précèdent immédiatement. Ces deux romans, qui sont comme les retables d'un même tableau, gagnent à être lus ensemble. Le second mérite, inappréciable, est celui d'avoir, à la suite de recherches très fouillées, reconstruit une biographie de l'auteur presque inconnu jusqu'à présent. Ces données biographiques, concernant surtout la présence de Picquenard à Saint Domingue à l'époque de la révolte et le rôle actif qu'il joua au sein de la Commission civile (jusqu'au 10 août 1793, jour où Sonthonax, on ne sait pas pour quelles raisons, le fit arrêter), contribuent à éclairer la lecture de l'oeuvre, car on a toujours pensé que la relation de l'auteur à la colonie était « purement (inter-)textuelle, assez semblable à celle du jeune Hugo qui, se préparant à écrire Bug-Jargal, s'attelle à lire l'histoire d'un pays qu'il n'a jamais visité » (xxxii).

Les sous-titres des deux romans de Picquenard indiquent de façon très éclairante la nouvelle orientation de la pensée anti-esclavagiste après la révolte des noirs et les massacres des colons à Saint-Domingue: on ne pouvait plus camper des héros noirs révoltés, ainsi que l'avaient fait tous les écrivains abolitionnistes du XVIIIe siècle (Saint-Lambert, Butini, Mercier), car les massacres n'étaient désormais plus écrits à l'encre sur la page blanche, mais ils étaient bien réels et avaient mouillé du sang des blancs la terre de la colonie. Il fallait donc trouver une image rassurante, capable d'abattre le mur de défiance des lecteurs français et de les convaincre que les noirs méritaient encore attention et sympathie. Quoi de mieux qu'un bon nègre ou qu'une bonne négresse qui sacrifient leur vie au service d'un bon maître et qui s'allient avec lui dans la lutte contre les méchants de toutes couleurs? Sous ce profil, la « conversion » de Picquenard est emblématique, car il avait publié à Saint-Domingue, en 1792–93, un journal très radical, l'Ami de l'Égalité (sa devise était « L'égalité ou la mort »), qui appuyait la révolte des esclaves: « les nègres en révolte nous ont donné [...] l'exemple d'une union parfaite, d'un esprit de conduite, d'une politique pour en venir à leur but de liberté générale, [End Page 257] plus profonde, plus adroite & mieux combinée que les misérables & chétifs moyens que nous avons employés pour...

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