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  • Voyages badins, burlesques et parodiques du XVIIIe siècle
  • Loïc Guyon
Voyages badins, burlesques et parodiques du XVIIIe siècle. Textes réunis et présentés par Jean-Michel Racault avec la collaboration de Theodore E. D. Braun, Pierre Burger et Erik Leborgne. Université de Saint-Étienne, 2005. 300 pp. Pb €20.00.

Des sept textes réunis dans cette anthologie, un n'appartient pas au XVIIIe siècle: Le Voyage de Chapelle et Bachaumont, publié en 1663 et probablement écrit en 1656. Dans la notice qu'il lui consacre, Jean-Michel Racault justifie notamment cette apparente contradiction par le fait que ce texte ait 'fondé un genre, le voyage badin en vers et en prose parfois appelé "voyage littéraire" ou "voyage amusant"', genre, ou plutôt sous-genre, auquel appartiennent les six autres textes réunis ici et dont une des contraintes génériques sera justement la référence rituelle à l'œuvre de Chapelle et Bachaumont. Un simple lien intertextuel, aussi explicite soit-il, ne suffirait pourtant pas à définir un genre (ou un sous-genre, en l'occurrence) et le grand mérite de cette anthologie est de révéler toutes les caractéristiques du voyage badin grâce à un judicieux choix de textes (à l'exception peut-être du Voyage de Paris à Saint-Cloud de Louis Balthazar Néel) et à l'excellente introduction de Racault. Le premier point soulevé par Racault, celui de l'identité générique de ces voyages badins, pose cependant problème: récits de voyages ou 'faux récits de voyages'? L'opposition ne semble guère pertinente: les voyages badins sont bien, à mon sens, une variété parmi d'autres du genre littéraire du récit de voyage, variété dont une des caractéristiques est la subjectivité affectée du voyageur. Les textes présentés appartiennent pour la plupart au sous-genre des récits de voyages authentiques (tels le Voyage de Chapelle et Bachaumont, le Voyage de Languedoc et de Provence de Le Franc de Pompignan, le Voyage de Bourgogne d'Antoine de Bertin, le Voyage à l'île Bourbon d'Evariste Parny ou La Quête du blé de Venance Dougados), les deux autres appartenant au sous-genre des récits de voyages imaginaires (telle la pseudo-utopie des anomymes Relations du royaume de Candavia). Outre la récurrence systématique du même intertexte (le Voyage de Chapelle et Bachaumont), outre la focalisation sur la subjectivité interne du voyageur, les récits de voyages badins offrent, comme le montre bien Racault, la particularité d'un jeu formel associant burlesque et prosaïsme et s'accompagnant d'une remise en cause de certaines valeurs de l'esthétique classique au profit de nouvelles conventions, celles d'une véritable 'esthétique du badinage'. Cette esthétique se fonde essentiellement sur la revendication de l'élitisme des auteurs: condescendance du regard porté sur la société et connivence culturelle et idéologique reposant sur un fonds commun d'épicurisme antique et de libertinage latent. Écrits par une élite, pour une élite et disparus avec elle à la Révolution, les voyages badins n'ont pourtant pas perdu tout leur pouvoir de séduction et le lecteur d'aujourd'hui saura gré à Jean-Michel Racault de cette anthologie au demeurant fort bien éditée.

Loïc Guyon
University of Ulster
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