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MLN 117.4 (2002) 926-928



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Book Review

Littérature et mémoire du présent


Tiphaine Samoyault, Littérature et mémoire du présent. Nantes : Editions Pleins Feux, coll. « Auteurs en question », 2001. 40 pages.

Écrivain (Météorologie du rêve, La Cour aux adieux), critique (Excèsduroman, L'Intertextualité, mémoire de la littérature) et journaliste littéraire (collaboratrice permanente à LaQuinzaine littéraire), Tiphaine Samoyault explore le domaine des possibles littéraires et interpelle les assises d'une tradition critique janusienne, dont le pôle universitaire rejoint rarement les aléas de l'actualité littéraire tandis que son pôle journalistique pratique une critique réactive, peu ou prou concernée par la réflexion théorique. Son travail balise le territoire de la littérarité dans une perspective à la fois diachronique, en étudiant l'évolution des formes romanesques, et synchronique, à travers l'analyse des écritures contemporaines.

Littérature et mémoire du présent, qui reproduit le texte d'une conférence suivie d'un débat public, reprend ce questionnement, en mettant l'accent sur les enjeux esthétiques d'un phénomène socio-historique dont notre époque subit bon gré mal gré les conséquences, à savoir la fin des avant-gardes. L'objectif d'une telle approche qui met en relation création littéraire et paradigmes esthétiques est indiqué sans détours : « Il ne s'agit pas de faire lire Pierre Guyotat ou Claude Simon à qui n'en a pas envie, mais de les distinguer de Philippe Delerm ou d'Amélie Nothomb; non plus de dire que les premiers sont meilleurs que les seconds [...] mais de montrer qu'ils sont différents, que leurs textes n'ont pas la même relation au présent » (8-9). [End Page 926]

De reconnaître d'entrée de jeu dans le postulat de l'individualisation le seul critère du jugement esthétique à notre époque, Tiphaine Samoyault n'emprunte guère la voie du relativisme désabusé ou celle du scepticisme hautain. Bien au contraire, la reconnaissance accordée à cette attitude que j'appellerai postmoderne à l'égard des produits artistiques s'avère le moteur d'un nouveau projet critique. Il consiste à élaborer, à partir des textes mêmes, des critères de littérarité qui se trouvent en amont du jugement de goût, puisque leur unique objectif est de distinguer les textes littéraires des autres qui, quelles que soient leurs qualités stylistiques ou expressives, ne le sont pas.

Les quatre indicateurs de littérarité : générique, énonciatif, l'ancrage et le désancrage temporel et enfin le travail du langage, cernent la volonté auctoriale d'inscrire une œuvre, ne fût-ce qu'a contrario, dans un système de conventions, dans un registre discursif et dans le continu de l'histoire littéraire, indépendamment des positions esthétiques individuelles et des encadrements idéologiques. Sans faire l'impasse sur la portée signifiante de ces positionnements dans la stratégie d'intégration adoptée par chaque écrivain, laquelle se révèle dans la préférence donnée à une maison d'édition plutôt qu'à une autre ou encore dans les « choix internes » déterminants pour le statut poétique du texte, cet examen des rapports entre la littérature et son temps introduit un argument de taille dans le débat manichéen qui oppose communément une approche conventionnaliste et une approche essentialiste de l'œuvre littéraire. En effet, pour arriver à extraire certains critères transhistoriques du foisonnement de la littérature en général et de la production actuelle en particulier, la lecture critique doit s'accompagner sans faute d'une réflexion sur les effets du temps en littérature, qu'il s'agisse d'une dynamique faite d'irruptions et de fractures que provoque le surgissement du nouveau, ou, corrélativement, d'un assemblage dont les couches successives forment le socle de la tradition.

Ainsi, en réhistoricisant la notion d'avant-garde afin de la soustraire à l...

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