In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

MLN 116.4 (2001) 930-934



[Access article in PDF]

Book Review

Le Dialogue rabelaisien:
le Tiers Livre exemplaire


Véronique Zaercher.Le Dialogue rabelaisien : le Tiers Livre exemplaire. Genève : Droz, 2000.

Dans cette thèse, l'auteur analyse le troisième volume de la saga rabelaisienne, paru en 1546 chez Christian Wechel sous le titre Le Tiers Livre des faicts et dicts héroïques du bon Pantagruel. L'approche est délibérément formaliste : il s'agit d'aborder Le Tiers Livre du point de vue notamment de ses caractéristiques énonciatives, lexicales et argumentatives afin d'en définir les modalités de fonctionnement au sein d'un genre en vogue au XVIe siècle : le dialogue. Même si Le Tiers Livre s'inscrit dans la succession des chroniques gigantales, on sait que du point de vue tant de la forme que du contenu il constitue un projet un peu à part dans l'œuvre de Rabelais. C'est cette spécificité que Véronique Zaercher tente de mettre en lumière en élaborant par petites touches une théorie de ce qu'elle baptise, à tort ou à raison, le " dialogue rabelaisien ".

La démonstration s'élabore en deux temps bien distincts. La première partie de l'ouvrage propose l'analyse comparée du Tiers Livre et du reste de [End Page 930] l'opus rabelaisien. Pour l'auteur, le dialogue orchestré par Panurge autour de la question du mariage et du cocuage, publié douze ans après Gargantua, manifeste jusqu'en ses éléments les plus discrets un bouleversement stylistique - signe chez Rabelais d'une réflexion sur la représentation elle-même et sur ses modes constitutifs. Moment pivot dans la carrière littéraire de l'auteur, Le Tiers Livre met en place une esthétique nouvelle que Le Quart Livre prolonge, quoique de façon moins radicale. Le trait le plus saillant de cette transformation est, selon Véronique Zaercher, l'abandon des formes traditionnelles liées à l'inscription du discours dans la narration. La proportion de discours indirect diminue, ce dernier faisant place au discours direct. Au sein du discours direct, l'antéposition, forme liée au roman médiéval - " Lors dict Panurge : 'la condition m'est un peu dure' " - est remplacée par la technique plus moderne de l'incise - " La condition (dict Panurge) m'est un peu dure ". Du point de vue lexical, les verbes " dire " et " respondre ", qui dominent dans Pantagruel et Gargantua, sont remplacés par un ensemble d'expressions plus variées manifestant un souci de précision et de renouvellement constants; alors que les expressions " s'escrier " et " a haulte voix ", qui dans les premiers épisodes de la chronique servent avant tout de signe distinctif aux géants en référence à leur voix surhumaine, voient leur usage se " démocratiser ", signe d'un univers de référence plus réaliste. Ces modifications d'ordre stylistique participent d'une volonté de transmettre le sentiment de l'oral dans l'écrit, de renforcer la mimesis en effaçant les traces de l'instance narrative au sein des répliques; souci de vraisemblance, d'expressivité. Pourtant, Le Tiers Livre est loin d'abolir les formes traditionnelles de la diégèse : le discours direct et indirect ainsi que les différentes formes liées à l'un et l'autre modes de citation tendent en fait à se compléter, voire à se contaminer l'un l'autre, donnant du relief à un texte unique en son genre, qui flirte parfois avec un discours indirect libre avant la lettre. Rabelais explore de nouvelles formes dans Le Tiers Livre; il y a dans ce texte un goût de la varietas dont témoigne encore le travail sur l'interaction verbale. Adjonctions, reprises, échos, ruptures, les différents types d'enchaînements de discours sont utilisés par Rabelais dans le but conscient de mimer la diversité du dialogue réel, et ce jusque dans les failles et les aspects parasitaires de ce dernier : les incompréhensions, les ratés de la communication...

pdf

Share