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MLN 115.4 (2000) 741-760



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Elle et Elle:
Antoinette Fouque et Simone de Beauvoir

Catherine Rodgers


En avril 1986, au lendemain de la mort de Simone de Beauvoir, alors que tous les journaux rendaient hommage à l'auteure du Deuxième sexe et à la mère du féminisme, un article choqua par sa discordance--celui que publia Antoinette Fouque dans Libération. Dans «Moi et elle», Fouque envisage la mort de Beauvoir comme une libération car une page va enfin pouvoir être tournée: «cette mort [...] va peut-être accélérer l'entrée des femmes dans le 21e siècle.» 1 Elle explique que pour elle, Beauvoir personnifiait un féminisme égalitaire qui procède d'un «universalisme intolérant, assimilateur, haineux, stérilisant, réducteur de tout autre» et qui empêche toute autre réflexion sur les femmes, en particulier la sienne, qui au contraire souhaite inscrire la différence: «ouvrir [notre génération] au pluralisme, aux différences fécondes qui, comme chacun sait, prennent leur source, s'informent, commencent à la différence des sexes». D'autres féministes, comme Annie Leclerc dans «Patronne des femmes» 2 , ont également exprimé des réserves à la mort de Simone de Beauvoir quant à son féminisme, mais pas en termes si crus. Il est vrai que Simone de Beauvoir n'avait pas hésité à critiquer Psych et Po, dont Antoinette Fouque était l'animatrice. Dans «France: Feminism--Alive, Well, and in Constant Danger» par exemple, Beauvoir a écrit: «Radical feminists lost no time in calling it reactionary because of its early denunciation of feminism in general and its [End Page 741] subsequent espousal of the ideology of neo-femininity. [...] This group posed a grave threat to the entire women's movement.» 3 Le court texte de Fouque et celui de Beauvoir sont révélateurs de la violence qui a opposé les différents féminismes français, violence née d'un profond désaccord théorique, mais qui souvent déborde, comme dans le cas de Fouque et de Beauvoir, dans des animosités personnelles. Il dénote aussi le sens d'une évolution entre un féminisme dépassé--celui de Beauvoir--et le féminisme de l'avenir--ici celui de Fouque. La réflexion théorique de Fouque, que celle-ci a élaborée et perfectionnée au cours des trente dernières années, est non seulement intéressante en elle-même, étant une des rares pensées psychanalytiques qui tente de partir de l'expérience des femmes et de la gestation, mais elle a certainement marqué les premières réflexions du Mouvement de Libération des Femmes (MLF), comme Françoise Picq le reconnaît dans Libération des femmes: Les Années-mouvement. 4 La pensée de Fouque s'inscrit dans un aspect du féminisme français, un féminisme essentialiste, différentialiste, qui a--à tort 5 --été trop souvent tenu pour «le French Feminism» à l'étranger, et en particulier aux États-Unis. Dans l'opposition Fouque/Beauvoir, ce sont deux approches féministes que l'on peut appréhender.

Il va sans dire que Fouque, qui a pourtant été décrite comme une «figure incontournable du Mouvement de libération des femmes» 6 et comme une «figure légendaire» du féminisme français 7 , demeure [End Page 742] moins connue que Beauvoir. Si elle a été une figure «mystérieuse» 8 , c'est parce qu'elle a gardé pendant longtemps un silence qui correspondait à une réticence théorique personnelle à être publiée qu'elle a surmontée en 1995 avec la publication, sous le titre Il y a deux sexes, d'une collection de textes écrits entre le 8 mars 1989 et le 8 mars 1995. Ces essais, interviews, discours permettent de suivre non seulement le cheminement de sa pensée, mais aussi l'élaboration d'une féminologie. Si Fouque a jusqu'ici peu publié, et si elle l'a fait tardivement, elle a par contre été très...

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