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  • Les Visions d’Ignace de Loyola dans la diffusion de l’art jésuite
  • Pierre-Antoine Fabre (bio)

Figures


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Ill. 1.

Diego Velasquez, Vision de saint Jean à Patmos, vers 1618, 135 x 102, National Gallery, Londres.


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Ill. 2.

Alonso Cano, Vision de sainte Thérèse, vers 1629, 98 x 42, collection particulière.


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Ill. 3.

Le Greco, Vision de saint Jean à Patmos, vers 1580–1585, 236 x 138, Museo de santa Cruz, Tolède.

Le problème de la représentation figurée d’une vision n’est peut-être qu’un cas particulier de celui, beaucoup plus général, de l’échelle, c’est-à-dire de la solution d’une difficulté visuelle selon les procédures propres à un projet rationnel: proportion, mesure; et, en ce sens, un aspect particulier du système de représentation complexe élaboré au sein de la Compagnie de Jésus au cours du premier siècle de son existence, entre peinture, sculpture et architecture.1 La caractéristique de ce cas particulier étant qu’une vision peut légitimement «essayer» toute la gamme des échelles et des supports, puisque la vision, phénomène interne, est en quelque sorte aux dimensions de l’âme, c’est-à-dire sans nulle mesure matérielle, mais que, du fait même que l’âme s’y absorbe, s’y trouve transportée, extasiée, etc., cette même vision occupe tout le champ, tout le champ déserté par la vue sensi-ble. La vision est donc dans l’infime et dans l’immense. Elle est, pour tous ceux qui s’y trouvent livrés—disent-ils—ce qu’on ne peut pas ne pas voir, mais cela aussi bien parce qu’elle «noie le regard» que parce qu’elle aimante le regard «au coin de l’oeil», pour reprendre deux expressions de Maurice Merleau-Ponty dans Le Visible et l’invisible. [End Page 816] Trois exemples2: la Vision de saint Jean à Patmos, de Diego Velasquez, vers 1618 (Ill. 1), la Vision de sainte Thérèse, d’Alonso Cano, vers 1629 (Ill. 2), la Vision de saint Jean à Patmos, du Greco, vers 1580–1585 (Ill. 3).

Ne perdons pas de vue ce problème des échelles, des variations d’échelles. Car la réflexion que je propose sur le destin des visions d’Ignace de Loyola dans la diffusion de l’ «art jésuite» ne concerne pas seulement ce qu’il en est de la représentation des visions du fondateur de la Compagnie de Jésus sur différents supports, dessinés, gravés, peints; elle concerne également ce qu’il en est de la fonction de ces représentations dans la diffusion de l’«art jésuite». Par exem-ple, et pour nous tenir au plus près de mes remarques introductives, dans les changements d’échelle de l’iconographie réalisée, commanditée, inspirée par les jésuites à partir de la fin du XVIe siècle: passage des gravures de petit format au grand tableau d’autel, reproduction des grands tableaux d’autel dans des gravures de petit format, etc. Mais il s’agit, plus radicalement, d’une autre question. Un écart de dates pourrait nous alerter: mort d’Ignace en 1556, premières vagues d’images, dernières années du siècle. Les jésuites, contrairement à ce que l’on a souvent prétendu, ne sont pas sans retard des gens d’image. Ils préfèrent d’abord les églises nues, ils font la fine bouche devant les portraits de leur fondateur. Et si la première iconographie jésuite fait une telle place aux visions d’Ignace de Loyola, c’est parce que la représentation de ces visions aiguise autant qu’elle résout, résout parce qu’elle aiguise le problème de la légitimité d’une imagerie dévotionnelle. On peut le dire simplement ainsi: qu’est-ce que faire voir une vision? Qu’est-ce que donner la mesure de ce qui, par essence, est dans le...

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