Les Trajectoires d'un Etat-frontière: espaces, évolution politique et transformations sociales en Mauritanie (review)

Avec cet ouvrage les auteurs revisitent le concept de frontière et apportent une pierre supplémentaire à l’édifice des discussions le concernant.

Pour ce, la Mauritanie apparaît comme un sujet de choix dans la mesure où le pays même est souvent considéré dans les études lui étant consacrées comme une frontière, frontière entre les mondes: entre le monde blanc et le monde noir, entre l’arabité et l’africanité, entre le monde maghrébin, méditerranéen et la forêt africaine.

La question qui se pose d’emblée est celle de la perception de cette situation géopolitique par la Mauritanie elle-même, comme une frontière ou au contraire comme le passage, la liaison entre ces mondes que favorisent l’espace mauritanien. La frontière ici n’est plus linéaire mais espace. La frontière n’est plus limite mais franchissement. Les notions d’espace frontalier et leur dynamique seront privilégiées et permettront de transgresser l’approche diachronique de la frontière pour en faire ressortir, grâce aux différents niveaux d’analyse, une conception dynamique.

Les auteurs légitiment leur approche de ce nœud géopolitique qu’est la Mauritanie selon deux arguments: d’une part, le renouveau des études sur la notion de frontière dans le contexte de la globalité et de la localité, et d’autre part, l’interprétation de la centralité et des réseaux qui forment cet espace. Ceci n’exclut pas un questionnement sur les frontières elles-mêmes où se situent par ailleurs toutes les ressources qui permettent la survie économique de cet État.

Sur cette toile de fond, il est annoncé en introduction que les auteurs interrogeront la construction de l’État à partir des rôles des espaces frontières mauritanien: Mauritanie centrale et septentrionale opposées en partie à la Mauritanie méridionale. Ainsi, on privilégiera premièrement l’idée selon laquelle, dans cet espace mauritanien et sous-régional, les références culturelles et religieuses, l’organisation sociale sont communes et que la circulation des idées, des hommes, les échanges commerciaux y ont une telle dynamique qu’il serait plus juste de parler de négation de frontière que de frontière. Ensuite, la perspective historique servira à la déconstruction de l’idée, selon laquelle les conflits raciaux latents dans cet espace, et qui nourrissent l’actualité avec les images des éternels conflits Noirs/Blancs et sédentaires/nomades mis au goût du jour sous la colonisation française, seraient l’expression de clivages ataviques.

Un des objectifs des auteurs face à cette idée sera d’emblée de faire ressortir la conviction qu’au contraire, cet espace frontière permet la construction d’une intégration régionale vécue tant dans la longue durée qu’au quotidien en adéquation avec une construction identitaire. Le discours tenu tout le long de cet ouvrage se déroule à deux niveaux : au niveau de l’État frontière et à celui des espaces frontières en marge de la centralité.

L’agencement y suit une démarche géographique où la première partie est consacrée à la géo-histoire au sens braudélien du terme et la seconde aux dynamiques frontalières interdépendantes. C’est ainsi que les auteurs de cet ouvrage se penchent tant sur le découpage et la conception de l’espace que sur les composantes humaines, ethniques, religieuses et culturelles de la Mauritanie en remettant des idées reçues en question notamment sur la période coloniale et leurs interactions.

Les articles qui composent cette publication participent à un agencement spatial qui suit une ligne sud...