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  • Dans l'encre de la danse: roman et danse entre XXe et XXIe siècles
  • Alain Montandon
Valeria Gramigna , Dans l'encre de la danse: roman et danse entre XXe et XXIe siècles. Préface de M. Majorano, présentation de M. van Hoecke, photographies de A. Cioce. Bari: Edizioni B.A. Graphis, 2006. Pp. 226.

L'auteure de cet important ouvrage est véritablement habitée par la danse, comme le sont nombre des textes contemporains examinés ici, rédigés dans la seconde moitié du XXe siècle et [End Page 150] faisant pont avec le XXIe. Pourquoi la danse se demandera-t-on, qui, certes, a toujours plus ou moins hanté la littérature, mais qui n'a pas bénéficié (contrairement aux rapports de la musique et du roman) de nombreuses études à l'exception de celles de G. Ducrey, G. Brandstetter ou du CRLMC (Sociopoétique de la danse, Écrire la danse) ? L'intérêt majeur de l'ouvrage est de plonger le lecteur dans la crise de la perception du corps ainsi que l'incapacité à dire et à communiquer verbalement qui s'expriment de nos jours par un sentiment de désordre qui amènerait à considérer le corps dans son mouvement comme la dernière possibilité d'expression.

La danse est une occasion de donner un rythme à l'écriture et Valeria Gramigna s'intéresse tout particulièrement à cette danse de l'écriture qui cherche à capter le mouvement des corps et qui s'efforce de se détacher de la normalité d'une vie ordinaire dans une légèreté retrouvée et conquise pour affirmer soit un désir de liberté ou de transcendance comme on le voit chez Clancier, Garréta ou Nancy Huston, soit la douleur et la violence (Héaume, Legendre), soit une adresse d'indicible à l'autre (Duras, Beigbeder, Houellebecq, Le Clézio, Pujade-Renaud, Valléjo), soit un espace d'émotion (Bobin, Lambron) ou fuir encore la réalité et ses propres obsessions (Delerm, Gary, Vian) en choisissant cet ailleurs de la danse (Fleutiaux, Yzac), modèle de vie désentravée (Barbéris, Bauchau, Nobécourt). À travers 56 auteurs, l'ouvrage se demande ce qui se passe avant, pendant et après la danse dans cette littérature contemporaine, mais aussi comment s'opère cette mise en parole des mots pour que la danse ait sa voix et que le mouvement verbal de la narration se fasse danse et que celle-ci soit un modèle d'écriture comme on le voit chez Céline ou Butor.

L'ouvrage se termine non seulement par une bibliographie, mais aussi par une précieuse présentation des 56 écrivains cités et dont Valeria Gramigna montre comment « l'extrême contemporain » réserve à la danse des fenêtres dans l'écriture romanesque et combien ils émaillent la prose en lui donnant rythme et respiration. Le rôle du corps, celui de la musique, celui de l'espace et de la lumière, le dispositif et la distribution de l'espace-temps, les sensations (bouffées de chaleur, battements du cœur, surprises et souplesse, sentiment d'apesanteur), tout cela aboutit à la vaporisation du moi, au vertige du tourbillon auxquels le jeu de la ponctuation apporte son concours.

Ainsi si la danse est une façon de se déplacer autrement, elle est aussi une manière de lire et de vivre autrement le monde et donc également de l'écrire. C'est cette ambitieuse idée que Valeria Gramigna a poursuivi à travers un riche corpus qui restitue bien les différentes facettes que la danse incarne dans l'univers littéraire très contemporain. La démonstration eût été encore plus forte si l'auteure avait explicitement comparé ces représentations de la danse à ses expressions antérieures (du romantisme à Cocteau) pour mieux en faire ressortir encore l'originalité. Mais le beau florilège présenté parle suffisamment de lui-même pour nous faire comprendre la complexité douloureuse que les contemporains entretiennent avec leurs corps, avec l'espace et avec le temps. La danse appara...

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