In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Dans l'oeil du Sphinx: Claude Morin et les relations internationales du Québec
  • Louis Bélanger
Dans l'oeil du Sphinx: Claude Morin et les relations internationales du Québec. Jean Décary. Montréal, VLB éditeur, 2005. Pp. 248, 24,95 $

Claude Morin, sous-ministre responsable des affaires fédérales-provinciales et intergouvernementales de Jean Lesage à Robert Bourassa, ministre de René Lévesque et architecte du référendum de 1980, a été à n'en pas douter l'un des grands artisans de la Révolution tranquille. Sa contribution est cependant rarement reconnue. Comme le soutien avec justesse Jean Décary dans son avant-propos, cela s'explique en bonne partie par l'échec de la démarche référendaire, ainsi que par la collaboration secrète que Claude Morin a entretenue avec la Gendarmerie royale du Canada à l'époque où il était ministre du Parti Québécois. La lecture de Dans l'œil du Sphynx suggère une troisième raison. D'avantage stratège que bâtisseur d'institutions, Morin n'a laissé derrière lui ni Caisse de dépoˆts, ni Hydro-Québec, ni autres monuments nationaux valant aujourd'hui à leurs fondateurs des titres de noblesse qui échappent un peu injustement au « sphynx » de Ste-Foy. Jean Décary montre d'ailleurs très bien dans son ouvrage comment Claude Morin a résisté pendant toute sa carrière de haut fonctionnaire puis de ministre à la tentation des appareils, préférant conseiller le prince plutôt que bâtir des empires bureaucratiques; [End Page 330] déléguant volontiers les tâches d'intendance pour pouvoir se consacrer aux manoeuvres politiques, grandes et petites; esquivant aussi long-temps qu'il le pouvait la création des ministères dont il sera pourtant par la suite l'aˆme dirigeante.

S'il n'a pas le caractère tangible d'une grande institution, l'héritage de Morin n'en est pas moins formidable. Mais son legs relève davantage du style et de la pensée stratégique. Claude Morin a en effet compris avant bien d'autres que l'émancipation politique du Québec, que celle-ci se fasse à l'intérieur ou à l'extérieur de la fédération canadienne, passait par un engagement international. Et plus que tout autre, il a vu et cherché à assumer les exigences d'un pareil engagement sur les plans tant interne qu'externe. Si le Québec pouvait espérer agir avec quelque crédibilité sur la scène internationale en dépit de son statut et, plus tard, des velléités souverainistes de son gouvernement, ce serait au prix d'un pragmatisme sans faille. Claude Morin a conséquemment fondé la politique internationale du Québec sur des principes de Realpolitik, contenant avec succès les élans des politiciens et bureaucrates qui dès le début se sont montrés pressés d'impliquer trop ouvertement leurs interlocuteurs étrangers dans l'affrontement politique Canada-Québec ou qui ont voulu politiser et idéologiser l'action internationale du Québec. De la même manière, Claude Morin a poussé le Parti Québécois (PQ) vers l'étapisme référendaire parce qu'il savait que cette démarche était nécessaire à la reconnaissance éventuelle d'un Québec souverain par la communauté internationale. Il s'assure aussi, avant le référendum de 1980, de purger le programme du PQ de ses positions dangereusement neutralistes en matière de défense et prend soin d'afficher un discours franchement pro-occidental susceptible d'apaiser les inquiétudes américaines. Si Claude Morin n'avait pas inscrit dans les gênes de la politique internationale du Québec, par sa propre action, ce souci de réalisme géopolitique et ce relatif apolitisme, celle-ci n'aurait sans doute pas survécu aux alternances du pouvoir et aux aléas de la politique québécoise.

L'ouvrage de Jean Décary a l'indéniable mérite de nous rappeler tout cela. Le problème auquel il fait face cependant, en tant qu...

pdf

Share