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  • Lettres de femmes: textes inédits et oubliés du XVIe au XVIIIe siécle
  • Madeleine Lazard
Lettres de femmes: textes inédits et oubliés du XVIe au XVIIIe siécle. Avec une introduction par Elisabeth C. Goldsmith et Colette H. Winn . Paris, Champion, 2005. xlii + 448 pp.

Le genre épistolaire, défini par les humanistes à partir des doctrines et des pratiques des Anciens, l'un des deux grands genres en prose latine avec le sermon, est, à l'origine, un genre masculin. Le présent ouvrage veut mettre en relief l'apport fondamental des femmes dans le développement de l'art épistolaire, leurs qualités inventives et leur conscience des exigences stylistiques du genre pratiqué. Il réunit un choix de lettres inédites, jamais rééditées depuis leur première parution, ou partiellement reproduites dans les réimpressions du XIXe siècle et à présent difficilement accessibles.

Le volume s'ouvre par divers textes du XVIe siècle. Hélisenne de Crenne, la première romancière française, inaugure le genre avec ses Epistres familières et invectives (1539), lettres fictives. Elle se réclame de Cicéron et d'Erasme, mais fait de l'épître un instrument au service de la cause féminine. Les Missives des dames des Roches, mère et fille (publiées en 1586), présentent, elles, au public une des premières correspondances familiales en français, alliant le registre privé au registre mondain. Le genre de la lettre authentique, familière et familiale (correspondance conjugale des époux Saillans, la première publiée au XVIe siècle, lettres de Marguerite de Navarre à François Ier, de Louise de Coligny et des filles de Guillaume d'Orange) disparaît au début du siècle suivant. L'unique exemple de la lettre consolatoire, oratoire, reste l'Epistre (fictive) sur la mort de la princesse de Condé (anonyme, 1564).

Les épistolières du XVIe siècle traitent des mêmes sujets que les hommes, signent leurs recueils et publient de leur vivant. Elles parviennent au statut d'auteur, comme les épistoliers, par l'imprimerie. Leurs lettres témoignent du rôle des femmes dans la vie privée, de leur engagement dans la vie politique et religieuse du temps. Au XVIIe siècle, les lettres de femmes sont perçues comme une catégorie à part. Elles circulent sous forme de manuscrits, sont publiées anonymement et sans l'autorisation de l'auteur. La femme reste considérée comme intellectuellement inférieure à l'homme, conformément aux préjugés. L'énorme succès du recueil des lettres de Voiture (1650) témoigne de la faveur de la nouvelle esthétique mondaine, le style "galant", et montre qu'une correspondance intime peut avoir une valeur littéraire et mériter la divulgation (lettres de Françoise d'Aubigné à son confesseur, au gouverneur du duc du Maine). La lettre d'amitié fut aux XVIIe et XVIIIe siècles le moyen d'entretenir un 'commerce d'esprit et de littérature' et de cultiver des [End Page 510] affections durables, entre femmes (Jeanne des Anges et Madame du Houx s'épaulant mutuellement dans leur fonction de directrices spirituelles) ou avec un correspondant admiré, senti comme un guide (Madame de Scudéry et Bussy-Rabutin exilé, Suzanne Necker et A. Thomas). Une introduction nourrie, une bibliographie, un glossaire, un index des noms complètent ce recueil, qui fournit de précieuses indications sur la vie et la mentalité féminines d'Ancien Régime.

Madeleine Lazard
Paris
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