In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

  • “L’Aigle au beau bec”27 (c. 1709)
  • Henriette-Julie de Castelnau

Il y eut autrefois un roi de Lydie28 qui se trouva une si vive aversion pour le mariage que, plutôt que de s'y résoudre, il avait dessein d'adopter un de ses neveux pour le laisser son successeur. Il était fort jeune et fort bien fait. Une princesse de sa cour l'avait trouvé très aimable; elle s'était promis de détruire l'éloignement qu'il avait pour les femmes. Quoi qu'elle se trouvât fort jolie, elle comptait moins sur sa beauté que sur le pouvoir d'une Fée qui était sa marraine. Flattée d'une si douce espérance, elle avait abandonné son cœur à tout ce que l'amour a de plus tendre. Elle en donnait tous les jours milles marques au roi; mais il feignait de ne pas s'en apercevoir, et la traitait avec une indifférence qui ressemblait assez au mépris. Un jour elle avait prié le roi de venir dans une belle maison qui lui appartenait, pour entendre un concert merveilleux. Comme il aimait fort la musique, il consentit à cette complaisance pour elle. C'était le jour que la Fée avait choisi pour faire un dernier effort en faveur de sa filleule. L'on mena le roi dans un appartement dont la magnificence aurait pu toucher les dieux mêmes. Il le trouva peint en mille façons plus aimables les unes que les autres; et dans tous les tableaux la Fée avait ingénieusement tracé l'amour de la princesse. Le roi, pour n'être pas obligé à lui dire quelque galanterie, passa brusquement jusque dans le cabinet de la musique. Ce fut là que les plus belles voix du monde redirent au roi ce qu'il voulait ignorer: mais après des chants très tendres, la Fée le fit menacer des malheurs les plus cruels [End Page 511] s'il ne se rendait à l'amour que l'on avait pour lui. Le pressentiment de ce qui lui devait arriver, plutôt que la peur[,] lui fit tourner la tête; il se trouva seul dans le cabinet. Dans ce moment la princesse y entra, et lui dit avec des manières très touchantes, ce que ses actions lui faisaient voir tous les jours. L'aversion du roi redoubla pour elle, et le porta à lui dire qu'il ne l'aimerait jamais; que ce n'était pas par des menaces qu'elle pourrait réussir; que son courage lui faisait braver toute la puissance des Fées dont elle s'assurait; et joignant l'insulte à la rigueur, si vous ne savez pas mieux, lui dit-il, vous venger que vous faire aimer ... [À] peine avait-il prononcé ce dernier mot, que la Fée parut au haut du plafond, et laissant tomber sa baguette sur lui, le changea en un aigle dont les plumes étaient dorées, et le bec de rubis. Il est difficile de juger qui fut le plus affligé de cette vengeance, de la princesse, ou du roi: elle se jeta aux pieds de sa marraine pour la supplier de rendre à ce prince sa première figure, et [l'assura] 29 qu'elle aimait mieux renoncer à son amour. La Fée attendrie par ses larmes, lui dit que cela n'était plus en son pouvoir, et qu'il serait sept ans en cet état. Le roi qui avait eu de la peine à se reconnaître dans les miroirs où il se voyait, était dans une douleur qu'il est facile de se représenter. Il s'était appuyé sur la vigilance d'un magicien nommé Mamaton, et c'était ce qui lui avait fait braver la princesse, et la Fée, mais le magicien arriva trop tard. La Fée l'avait occupé pendant tout le jour à garantir une jeune princesse, d'une mort qui paraissait certaine. Il venait de la sauver quand il arriva à la cour de Lydie, et craignant quelque surprise de la part de la Fée quand il apprit que le roi était allé à une fête que la princesse...

pdf

Share