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  • Réponse à Palys et Lowman
  • Florence Piron

L'article « Protecting Research Confidentiality : Towards a Research-Participant Shield Law » a le mérite d'exposer brillamment une position morale et politique bien précise dans le domaine de l'éthique de la recherche. Il fait toutefois l'impasse sur les nombreux arguments qui permettraient de prendre le contre-pied de cette position et d'amorcer un réel débat. Le ton affirmatif et catégorique de certains passages de l'article laisse même sous-entendre qu'il n'y a pas lieu de questionner le raisonnement proposé par les auteurs tellement il va de soi. Ne serait-ce que pour nourrir le débat qu'appellent les auteurs à la fin de leur texte, je voudrais montrer que plusieurs de leurs postulats et affirmations peuvent et doivent être discutés et que les conceptions sur lesquels ils s'appuient ne sont pas les seules acceptables. J'estime même que, par certains aspects, la position des auteurs s'oppose aux valeurs démocratiques les plus fondamentales et qu'elle peut mener à la situation inverse de ce qu'ils prônent, à savoir une baisse de la confiance du public dans la recherche scientifique.

Rappelons d'abord l'essentiel du message de cet article. Inspirés par les tribulations juridiques du chercheur canadien Russel Ogden et par ce qui se passe aux Etats-Unis, les auteurs s'inquiètent de la possibilité que les tribunaux canadiens obligent les chercheurs à dévoiler des informations obtenues sous le sceau de la confidentialité au cours de leurs recherches. Selon eux, il s'agit d'une véritable « menace » (sic) qui peut nuire à la confiance des citoyens, en tant que sujets de recherche potentiels, envers les chercheurs et, par la suite, à la réalisation de projets de recherche qui seraient bénéfiques à la société. Ce qu'ils mettent en jeu dans leur argumentation n'est donc rien de moins que le bien-être de la société. Bien-être qui serait menacé par l'action des tribunaux lorsqu'elle empêcherait l'accomplissement de projets de recherche jugés, quant à eux, nécessaires à ce bien-être. Pour écarter cette menace, les auteurs ont imaginé une solution législative garantissant aux sujets de recherche et à leurs confidences une protection législative a priori contre toute convocation d'un tribunal, faisant reposer sur ce dernier le fardeau de la preuve de la nécessité du bris de la confidentialité des informations.

Ma critique la plus essentielle porte sur cette fameuse « menace », identifiée comme telle par les auteurs. Peut-être emportés dans leur rhétorique par leur angoisse, ils ne cessent d'attribuer aux tribunaux un rôle de « méchant » dont il faut se méfier ou qu'il faut combattre. Ils utilisent [End Page 187] même un vocabulaire guerrier pour décrire la situation des chercheurs convoqués par un tribunal : « shield », « fight », « surrender », « abdicate ». Ils n'hésitent pas à stigmatiser les chercheurs qui se conforment aux convocations du tribunal: « a situation where researchers can hand information over to courts without even (sic) putting up a fight. Such a strategy is a perversion of research ethics », nous disent-ils. Le message implicite, transmis par ce texte intelligent et brillant, est donc une sorte d'appel à la résistance et à la désobéissance civile des chercheurs contre — les tribunaux qui sont chargés par notre société de faire respecter et d'appliquer la loi.

Certes, notre système juridique est loin d'être parfait. Il n'empêche pas que s'y produisent des injustices flagrantes ou structurelles. Les lois qu'il doit faire respecter peuvent être iniques et malfaisantes. Mais c'est un pilier de notre démocratie, pour utiliser un cliché qui n'en est pas moins très juste. Il fait partie de nos institutions et doit inspirer et mériter la confiance de tous les citoyens, sujets de recherche ou non. L'actualité internationale nous montre trop clairement ce qu'il arrive aux pays, comme Haïti, dont le système judiciaire, déconstruit, n'inspire plus aucune confiance.

Appeler à résister à ce système et consid...

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