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French Forum 31.1 (2006) 55-74



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L'Œuvre romanesque de Mudimbe et le discours identitaire zaïro-congolais

University of Richmond

Oh, cette rosée sur l'Afrique! Je regarde, je vois, camarades, l'arbre flamboyant, des pygmées, de la hache, s'affairent autour du tronc précaire, mais la tête qui grandit, cite au ciel qui chavire, le rudiment d'écume d'une aurore.
(Paroles de Patrice Émery Lumumba dans Une saison au Congo, Acte iii, Scène 6)

"Mudimbe, écrivain hermétique," "Mudimbe, penseur incompréhensible," "Mudimbe, l'écrivain ésotérique austère!" Telles sont certaines opinions qu'on entend des Congolais qui voient en Mudimbe un penseur à la logique rigoureuse loin de la portée du lecteur moyen. Le fait que sa réputation de probité est restée entière dans ses relations avec les rouages politiques, notamment vis-à-vis du régime Mobutu, n'a pas atténué ces visions de Mudimbe comme un homme honnête, certes, mais détaché des tribulations de la plupart de ses compatriotes. Cependant, toute étude de son œuvre révèle tout le contraire: Mudimbe a consacré ses écrits à l'Afrique et a été le tribun de son peuple tout au long de son parcours littéraire. En effet, son œuvre romanesque, entre autres, s'inscrit dans le débat de la remise en question de la "mission civilisatrice" de la colonisation avec pour souci majeur de proposer une esquisse identitaire congolaise qui tienne compte des contingences actuelles. Ses essais tels que Autour de la nation (1972), L'Autre Face du royaume (1973), Le Vocabulaire politique zaïrois (1976) L'Odeur du père (1982), The Invention of Africa (1988), ou The Idea of Africa (1994), abondent dans le même sens. Mon article s'assigne pour tâche de relever et d'examiner les points saillants du discours identitaire que charrie l'œuvre romanesque de Mudimbe, notamment Entre les eaux [End Page 55] (Présence Africaine,1973), Shaba Deux (Présence Africaine, 1989), L'Écart (Présence Africaine, 1979), et Le Bel Immonde (Présence Africaine, 1976).

Le Congo ou le cœur des ténèbres

On a toujours vu le Congo comme un abysse maudit dont la paupérisation procède de sa nature incohérente, absurde, et inintelligible. On explique aussi les nombreux malheurs qui le frappent par la malédiction, à cause des nombreuses ressources naturelles dont iregorge. En effet, au cours des siècles, la luxuriance qui a rendu impénétrable cette aire géographique lui a donné une réputation emblématique d'incohérence. On comprend que le désir de domestiquer cette envoûtante contrée ait gagné un appui international au Roi Léopold II--appelé plus tard mobongisa monene1 --qui voulait combattre l'esclavage, ouvrir la région au commerce international, et dissiper les ténèbres en christianisant les indigènes. Beaucoup d'écrits, de légendes, et de rapports de tendance exotique ou coloniale--Le Cœur des ténèbres de Joseph Conrad demeure la meilleure illustration--reflètent l'ampleur de la peur que cette terre envoûtante a suscitée. Ce roman décrit le Congo comme le royaume de la contre-invention où toute raison est irrémédiablement paralysée par sa nature sauvage envoûtante et où les tourbillons assourdissants dérèglent tout système rationnel et épistémologique. C'est ainsi que l'on crut en l'œuvre salvatrice de l'acte colonial dont le Roi Baudouin rappela les bienfaits à la veille de l'indépendance du Congo:

L'indépendance du Congo constitue l'aboutissement de l'œuvre conçue par le génie du Roi Léopold II, entreprise par Lui avec un courage tenace et continuée avec persévérance par la Belgique. Elle marque une heure décisive dans les destinées, non seulement du Congo lui-même, mais, je n'hésite pas à l'affirmer, de l'Afrique tout entiè...

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