University of Toronto Press
Frederic Vandenberghe - Entre science et politique: La conjonction du positivisme et du decisionnisme dans la sociologie du droit de Max Weber - Canadian Journal of Law and Society 20:1 Canadian Journal of Law and Society 20.1 (2005) 157-169

Entre science et politique. La conjonction du positivisme et du décisionnisme dans lasociologie du droit de Max Weber

University for Humanist Studies
P.O. Box 797
3500 AT Utrecht, Pays-Bas
f.vandenberghe@uvh.nl
Abstract
This article uncovers and investigates the vision of the world behind Max Weber's sociology of law. Taking a stand against Weber's epistemological nominalism, ethical relativism and political decisionism, the author critically analyses Weber's vision of science as a vocation and shows that his defense of axiological neutrality is not axiologically neutral. It represents rather a particular position within ethics, which affects his account of the disenchantment of the world, his vision of the rationalization of law and his decisionistic appeal for a strong political leader.
Résumé
L'article révèle et analyse la vision du monde qui se cache derrière la philosophie du droit de Max Weber. Prenant position contre le nominalisme épistémologique, le relativisme éthique et le décisionnisme politique de Weber, l'auteur soumet la vision wébérienne de la science comme vocation à une critique et montre que la neutralité axiologique n'est pas axiologiquement neutre. Cette doctrine constitue une prise de position éthique qui n'est pas sans incidence sur sa description du désenchantement du monde, de la rationalisation du droit et son appel politique en faveur d'un leader fort.

Introduction

Quelle est la vocation de la sociologie? Peut-elle être une science rigoureuse, autonome et objective, différenciée de l'éthique, de la politique et de la philosophie? Ou est-elle condamnée à poursuivre les vieilles et éternelles questions concernant la vérité, le bonheur et la beauté, et la façon dont nous pouvons les connaître, par d'autres moyens? Ou doit-elle exclure de telles questions au nom de la scientificité? Et, le cas échéant, comment peut-on justifier scientifiquement une telle exclusion disciplinaire? Voilà quelques unes des questions fondamentales que je voudrais aborder dans cet article qui porte sur le relativisme éthique de Max Weber et ses liens avec le décisionnisme politique et le positivisme juridique qui transparaissent dans sa sociologie du droit.

L'article se divise en trois parties. Partant d'une analyse de La Science comme vocation, je montrerai d'abord que l'exclusion des questions philosophiques et idéologiques de la science découle de l'opposition trop tranchée que Weber y effectue entre la rationalité de la science et l'irrationalité de l'éthique. N'étant pas justifiable par la science, celle-ci doit simplement les écarter de son domaine de juridiction. Comme le jeune Wittgenstein, le vieux Weber semble penser qu'on se doit de garder le silence sur ce dont on ne peut pas parler1 . Dans la seconde partie, je soutiendrai l'argument que la tentative de rupture scientiste entre la science et la philosophie ne peut qu'échouer. Tout en analysant les questions éthiques et politiques que Weber a refoulées dans les marges de son texte, j'avancerai l'argument que la fameuse thèse du désenchantement du monde ne résulte pas tant d'une analyse historique de la modernité que d'une volonté de destruction de l'unité de la raison et, donc, de la métaphysique. Enfin, dans la troisième et dernière partie, j'analyserai la complémentarité [End Page 157] idéologique entre la neutralité axiologique des sciences, le décisionnisme politique et le positivisme juridique dans la sociologie wébérienne du droit.

Avant d'entamer la présentation du texte, je voudrais encore noter que l'approche, tout comme le ton de l'exposé d'ailleurs, sera passablement critique. La position 'fondationnaliste' que j'adopte s'oppose en tous points à celle de Weber. Alors que ce dernier affirme haut et fort qu'on ne peut pas discuter de façon objective des valeurs et des croyances, je crois non seulement qu'on peut les discuter et qu'il faut les expliciter, mais encore qu'on peut les justifier et les fonder en raison. Tout en prenant mes distances par rapport au nominalisme scientifique, au relativisme éthique et au décisionnisme politique de Weber, j'essaierai de clarifier mes propres positions philosophico-scientifiques et éthico-politiques en me confrontant à celles de Weber. Comme quoi toute position est, en fin de compte, inséparable d'une opposition à l'intérieur d'un seul et même champ de réflexions socio-philosophiques.

La science normale teintée d'un soupçon d'existentialisme

On ne peut pas s'engager dans un champ ou dans un jeu social sans 'illusion para-doxique', sans s'investir, sans penser que le jeu en vaut la chandelle2 . Et pourtant, dans le domaine sociologique, comme dans tout autre champ social d'activité organisée, nous pouvons faire la distinction entre ceux qui vivent 'de' la sociologie et ceux qui vivent 'pour' la sociologie3 . L'amour de la connaissance, littéralement la philosophie, est ce qui distingue le professionnel de la pensée de l'homme de savoir affecté de 'manie' platonicienne.

Max Weber lui-même fut un homme passionné, animé par ce que Freud appelait la 'pulsion épistémophilique'. Et pourtant, dans La science comme vocation, la célèbre conférence qu'il a prononcée un an avant sa mort devant des étudiants pacifistes de Munich, le genre de travail scientifique qu'il défend est plutôt froid et cérébral – 'trop de matière grise', ainsi que le jugea sévèrement Rickert4 . En effet, Weber semble accepter que l'américanisation constante de la vie académique, la bureaucratisation de la recherche, la spécialisation progressive de la science et la fragmentation concomitante de la connaissance, qui ont fini par transformer la recherche en une sorte d'industrie, soient devenues impossibles à éradiquer. Pour atteindre un quelconque but dans le domaine scientifique, il faut être un spécialiste, un Fachmensch possédant des connaissances factuelles, précises et ésotériques. Obsolète, l'idéal de l'encyclopédiste de la Renaissance est désormais remplacé par le nouvel ethos du professionnalisme (Sachlichkeit). Ceux qui ne veulent pas porter des oeillères et se vouer uniquement à leur tâche devraient se tenir hors de la science. Weber le dit ouvertement lorsqu'il [End Page 158] affirme que « la renonciation à l'universalité faustienne de l'homme [...] est la seule condition à un travail valable dans le monde moderne »5 .

Dans cette perspective de renonciation héroïque, l'acteur puritain de L'éthique protestante apparaît bel et bien comme le prototype wébérien de l'homme scientifique6 . Comme l'entrepreneur calviniste, le scientifique se doit d'être un modèle d'autodiscipline rationnelle. Il doit non seulement respecter scrupuleusement les protocoles scientifiques, mais aussi contrôler méthodiquement ses propres valeurs et préjugés, et supprimer en lui tout penchant pour l'expression de soi, que Weber considère comme un vice particulier de l'homme moderne. Il doit accumuler des connaissances, mais son activité prendra la forme d'un savoir ésotérique parfaitement spécialisé qui sera, espère-t-il, repris dans le futur par d'autres qui continueront ses recherches. Celui qui a réussi quoi que ce soit dans le domaine des sciences sait que son ouvrage sera dépassé d'ici dix ou vingt ans.

Bien que le scientifique protestant poursuive son labeur sine ira ac studio, sans enthousiasme ni angoisse existentielle, l'obsolescence inhérente de la science soulève cependant la question du sens de la science en tant que vocation. Mais sur ce point, d'après Weber, la science moderne reste muette. Les Grecs anciens concevaient la science comme le médium de l'intuition de 'l'Être véritable' et, par-dessus tout, comme le moyen de la détermination de la 'vie bonne'. Les pionniers scientifiques de la Renaissance et les naturalistes protestants considéraient encore la science comme un chemin menant droit à Dieu. Mais qui, à part Hans Jonas et quelques 'grands enfants occupants des chaires universitaires', peut encore y croire aujourd'hui?

La science a miné la crédibilité des systèmes religieux, moraux et métaphysiques qui donnaient autrefois un sens au monde, et par extension, aux vocations. D'après Weber, la science est le 'pouvoir irreligieux par excellence' qui extirpe à leurs racines toutes les infâmes superstitions. La science moderne est hautement autonome et séculière. Se distinguant de l'éthique, de la religion, de la politique, et des autres sphères de valeurs, elle repose sur un ensemble de valeurs qu'elle ne peut justifier par ses propres moyens. La proposition selon laquelle 'la science représente un bien' ne peut pas être démontrée scientifiquement. D'un point de vue scientifique, les valeurs n'ont pas de sens propre.

Le monde moderne est désenchanté: Dieu est mort et « les valeurs ultimes, les plus sublimes, se sont retirées de la vie publique »7 . Et avec Dieu, le contenu objectif ou substantiel de la raison a disparu lui aussi. Weber pense que faute d'un fondement religieux, les valeurs d'ordre éthique sont devenues arbitraires. La possibilité d'une éthique humaniste dont le fondement serait séculaire se trouve ainsi niée. Si nous suivons Weber, nous [End Page 159] sommes amenés à la conclusion que les fins et les valeurs ultimes ne peuvent pas être déterminées par la raison. La raison est devenue subjective et formelle, un organe fonctionnel de la volonté de pouvoir – voilà l'a priori spirituel des temps modernes8 . Comme la science, la raison ne peut pas décider des fins, mais en supposant que celles-ci sont hypothétiquement données, elle peut déterminer avec justesse les moyens nécessaires pour les atteindre, prédire les conséquences involontaires que l'utilisation de ces moyens pourrait entraîner à leur suite, clarifier la signification des finalités et en démontrer les contradictions internes. Ainsi, le scientifique moderne se retrouve, d'après Weber, dans une position similaire à celle du calviniste: de même que les décrets d'élection divins restent insondables, la connaissance des valeurs objectives reste inaccessible.

Le problème de l'homme moderne n'est pas tant que ses occupations quotidiennes n'aient pas de signification. Le désenchantement du monde touche par dessus tout, comme Ricoeur l'a fait remarquer avec finesse, le "sens du sens", c'est-à-dire le sens réflexif et non pas le sens direct des conduites individuelles9 . La perte de la signification implique une perte des certitudes morales, mais, d'après Weber, ce que l'on perd en certitude, on le gagne en liberté. Selon lui, les buts et les valeurs demeurent une question de foi, de choix, et non pas de science. Il est vrai qu'en véritable avocat de l'éthique de la responsabilité, il estime qu'une personne se doit de clarifier ses valeurs ultimes et de discuter avec lucidité les conséquences éventuelles que l'adhésion à ces valeurs implique, mais au bout du compte, si la science peut aider à cette tâche de clarification analytique, elle ne peut pas, en principe, en déterminer le choix. Le scientifique se voit donc forcé de choisir, prenant ainsi un engagement héroïque vis-à-vis de la valeur irrationnelle d'une science rationnelle10 . Tel est le destin de l'homme moderne – et il n'est pas dénué d'implications existentielles. "Dieu est mort: [End Page 160] nous voulons que le surhomme vive"11 . Et à celui qui ne peut pas, à l'exemple du surhomme, supporter le destin des temps modernes et désenchantés, Weber n'a qu'un seul conseil à donner: « Retirez-vous dans un ermitage ou un quelconque sanctuaire de l'idéalisme ».

Tout ceci rappelle un peu la célèbre description de la 'science normale' comme puzzle-solving qu'on retrouve chez Thomas Kuhn12 – à cette différence près que Weber y ajoute une forte nuance existentialiste et décisionniste. En effet, si nous suivons la disjonction catégorielle que Weber effectue entre les sciences spécialisées et la philosophie, nous sommes amenés à croire que, contrairement à l'humanité, les sciences ne se posent que les problèmes qu'elles peuvent résoudre. Tous les autres problèmes, et par-dessus tout ceux qui ont trait aux fondements ontologiques et épistémologiques des sciences, mais aussi ceux qui importent vraiment, à savoir les problèmes existentiels qui ont une dimension morale et sociale et qui n'ont strictement rien à voir avec un jeu de puzzle, sont, sans plus, abandonnés aux prophètes, visionnaires et autres idéologues. « Quiconque veut des visions, dit-il dans son introduction à L'éthique protestante, devrait aller au cinéma, et quiconque veut des sermons devrait aller à l'église »13 .

Marges de la sociologie

La tentative de Weber de créer un espace pour un scientisme sociologique autonome qui ne doit rien à la philosophie et qui en est rigoureusement séparée ne peut qu'échouer. Il en est ainsi parce que la sociologie n'a jamais été, n'est pas et ne sera probablement jamais une science monoparadigmatique, basée sur des fondements solides et indubitables. Avec son humour caustique caractéristique, Luhmann a diagnostiqué que la sociologie actuelle souffre de "paradigmatase multiple"14 . La crise, exceptionnelle dans les sciences naturelles, est normale et pour ainsi dire institutionnalisée dans les sciences humaines. La sociologie est plus qu'un simple discours et moins qu'une science ; elle est, comme le dit Baechler, une discipline15 . Elle recueille, prolonge, clarifie et systématise les discours qui ont lieu dans la sphère publique, mais la systématisation et la clarification ne peuvent pas plus transformer la doxa en épistème que l'alchimie peut transformer le bronze en or. Les faits sont, comme le disent les philosophes anglo-saxons, 'theory-laden'16 . Kepler, par exemple, a observé plusieurs faits identiques à ceux qu'observait Tycho Brahé, mais parce qu'il les a envisagés [End Page 161] différemment, il y a vu des choses différentes. On peut dire la même chose de Marx, Weber, Durkheim, ou de n'importe quel théoricien social contemporain. Dans le cas de la théorie sociale, il suffit de gratter la surface des textes pour constater que les auteurs ont tacitement pris position sur des questions d'ordre métathéoriques non résolues, et que celles-ci forment et informent leurs théories de façon insidieuse. Les questions méthodologiques, épistémologiques, ontologiques, éthiques, idéologiques et autres questions de même nature qui sont glissées sous le tapis textuel, ne cessent de surgir dans les marges du texte17 .

Analysons donc les marges de la sociologie wébérienne. Suivant une suggestion de Sheldon Wolin, nous pouvons situer Weber dans la tradition de la "théorisation épique"18 . Cette forme de théorisation se distingue tant de celle du théoricien empirique qui veut que la théorie se rattache au monde que de celle du philosophe analytique qui voudrait que la théorie clarifie et décortique les concepts. Le théoricien épique ne veut pas seulement interpréter le monde de différentes façons, il veut encore le changer – en lui donnant une interprétation différente.

En définissant Weber comme un théoricien épique, on se trouve cependant confronté à un problème, qui provient de ses propres restrictions méthodologiques. Comme Weber refuse d'élaborer, voire même d'admettre la nécessité d'une philosophie politique et morale cohérente et explicite, celle-ci se trouve nécessairement refoulée et expédiée dans les marges de son oeuvre. La qualité étrange et paradoxale de la pensée de Weber peut toutefois être comprise lorsque nous constatons que ce qui nous est présenté n'est autre que la construction « d'un rejet épique de la possibilité d'une théorie épique pour l'âge moderne »19 . En vérité, le processus de désenchantement dont fait état Weber dans la fameuse 'Considération intermédiaire' de sa sociologie de la religion, ainsi que dans son texte de 1919 sur la vocation du scientifique, n'est pas seulement une reconstruction historique du processus d'autonomisation relative des sphères de valeurs et de sécularisation20 . Le processus de désenchantement est bien différent, et bien plus radical dans ses implications, que le processus de sécularisation. Dans la mesure où le désenchantement dissout toute référence à une transcendance possible, que ce soit Dieu, l'Être, l'Histoire, l'Humanité ou la Raison, il représente bel et bien la fin de la religion en tant que telle et le début d'une ère de nihilisme absolu dans laquelle toute instance de jugement par rapport à laquelle nous pourrions justifier nos actions ou juger des [End Page 162] actions d'autrui est simplement et purement évacuée. Ce qui apparaît comme une reconstruction historique de l'autonomisation de valeurs constitue, en fait, une destruction historique de l'unité de la raison, et ainsi de la métaphysique. Dès lors que les différentes sphères de valeur suivent leurs propres lois rigoureuses et irréductibles (Eigengesetzlichkeiten), le 'dais' cosmologique qui assurait sinon leur unité, du moins leur convergence possible, est défait à tout jamais. Weber en conclut que l'unité de la raison a été remplacé une fois pour toutes par un combat universel et mortel entre les dieux : « Depuis Nietzsche, nous nous rendons compte qu'une chose peut être belle, bien qu'elle ne soit pas vraie et alors qu'elle n'est pas bonne »21 .

Dans cette perspective, l'affirmation, souvent citée de Weber, d'après laquelle « il faut choisir entre Hegel et Nietzsche », prend une tournure particulière22 . Elle révèle que Weber est engagé dans une forme paradoxale de "politique ontologique". Car, en effet, si nous définissons la politique ontologique comme une forme de politique qui « se préoccupe d'accéder à la vérité la plus élevée, laquelle touche la nature ultime de l'être ultime »23 , il semble bien que, pour Weber, la forme la plus élevée de vérité soit qu'il n'y ait pas de vérité philosophique, ou mieux, que la vérité soit une question purement subjective, une question de décisions 'démoniaques' au-delà de tout argument rationnel.

Il est vrai que l'éthique wébérienne de la responsabilité est une éthique qui reconnaît les valeurs ultimes et promeut une discussion formellement rationnelle des valeurs rivales du point de vue de leur cohérence et du risque de leurs conséquences perverses, mais, si de telles discussions peuvent clarifier les positions éthiques d'une personne et mener à une décision prudente, elles ne peuvent pas constituer le fondement des valeurs ultimes, qui demeurent arbitraires.

De plus, il convient de noter que la destruction wébérienne de la métaphysique est elle-même hautement philosophique. La tentative nietzschéenne de se débarrasser, une fois pour toutes, des philosophies hégéliennes de l'histoire, se fonde elle même sur une philosophie tragique de l'histoire qui présente le désenchantement du monde comme le 'destin de notre âge'. Il s'agit là du message central de la thèse de la rationalisation: « Le destin (Schicksal) de notre âge avec sa rationalisation et son intellectualisation caractéristiques, et, surtout le désenchantement du monde, est que les valeurs ultimes les plus sublimes se sont retirées de la vie publique, soit dans le domaine transcendantal de la vie mystique, soit, dans la fraternité des relations personnelles immédiates entre les individus »24 . Or la notion de 'destin' n'est nullement empirique. Il s'agit là d'une forme de 'mise en intrigue' (Ricoeur) narrative qui réunit spéculativement les [End Page 163] fragments chaotiques de la réalité en une totalité fermée qui réorganise les éléments contingents en une série onto-téléologique ordonnée investissant rétrospectivement les événements individuels d'une signification25 .

Dans le cas de l'historicisme métaphysique de Weber, la catégorie du destin semble à première vue priver les événements individuels de leur signification. Un examen plus attentif révèle toutefois que si le destin prive les événements de leur signification objective, il ouvre par ailleurs la possibilité, si ce n'est la nécessité, de les doter d'une signification subjective. L'histoire n'a pas de sens autrement dit, alors que l'action, elle, en a un.

Nous voyons Weber lutter en face d'un monde – son monde – sans signification et sans Dieu. Entre l'héroïsme et la résignation, il semble vouloir tester les limites de son endurance intellectuelle : 'Je souhaite voir combien je peux supporter'. Comment maintenir le sens dans un monde sans amarres ? Comment construire l'histoire dans un monde sans espoir ? C'est en se posant les grandes questions existentielles que l'anti-prophète se transforme en prophète et la résignation en critique. La qualité torturée de sa pensée, le pathos du désespoir révèle, malgré lui, son espoir de voir sa prophétie réfutée. Ce qu'il veut, c'est que l'individu soit libre d'agir de façon responsable, d'assumer la position héroïque du surhomme et de donner sens à son monde. Il ne s'agit donc pas d'un appel aux 'derniers hommes' de Nietzsche, mais d'un appel aux 'virtuoses' de la politique. Qu'ils aient la foi d'agir contre le destin, de débloquer les aiguilleurs, de marcher à l'encontre de l'histoire en la faisant dévier de sa trajectoire vers le servage -voilà l'appel ultime du théoricien épique qui rejette la possibilité même d'une théorie épique.

Lorsque nous comprenons ceci, nous comprenons également que sa défense de la neutralité axiologique n'est pas axiologiquement neutre. La neutralité axiologique n'est pas uniquement impossible, elle est de surcroît non souhaitable, car si nous agissions en la considérant comme possible, cela ne pourrait qu'augmenter le vide désenchanté du monde moderne.

La complémentarité idéologique de la neutralité axiologique, du positivisme juridique et du décisionnisme politique

Nous pouvons laisser aux philosophes la question de savoir si l'auto-fondement de la Raison est à proprement parler transcendantal, comme l'affirme K.O. Apel, ou universel, comme le dit Habermas, ou encore historique, comme l'affirmait autrefois Castoriadis, et développer des considérations plus sociologiques sur la complémentarité idéologique de l'objectivisme axiologiquement neutre et du décisionnisme politique, d'une part, et du relativisme éthique et du positivisme juridique, de l'autre26 . [End Page 164]

Nous avons vu que Weber excluait les jugements de valeur du domaine de la science, prétendument parce que cette dernière s'intéresse uniquement aux questions factuelles, logiques et techniques (les moyens) et n'a, en principe, rien à dire sur les questions pratiques (les fins) qui ne sont pas susceptibles à la vérité. Les valeurs sont subjectives, elles appartiennent au royaume démoniaque du pur choix. Les valeurs sont comme les couleurs ou les goûts: il n'est pas davantage possible d'arguer que le bleu est plus joli que le rouge qu'il n'est possible d'arguer que la civilisation est préférable au cannibalisme27 . Sur ce point, nous devons décider, et Carl Schmitt nous rappelle que la décision est le contraire parfait de la discussion: « Décider, fait-il remarquer, cela signifie mettre fin [arbitrairement] aux discussions, à l'argumentation »28 . Mais si tel est le cas, alors une division habile du travail entre l'analyse scientifique des moyens et la décision politique quant aux fins s'impose d'elle-même dans le gouvernement de la république. Les experts peuvent se prononcer sur l'économie et l'efficacité des moyens nécessaires, mais ils doivent laisser la détermination des fins à atteindre aux politiciens, de manière à ce que ceux-ci puissent décider, en fonction de leurs convictions, leurs intérêts ou leurs goûts, des moyens à poursuivre. Ainsi, là où l'objectivisme de la neutralité axiologique et le décisionnisme existentiel se rejoignent, nous voyons qu'une rationalité accrue d'un côté va de pair avec un irrationalisme fondamental de l'autre.

Dans sa sociologie du droit moderne, Weber pousse clairement les juristes et les juges du côté des experts. Pas plus que les experts, les juristes n'ont à se prononcer sur les fins. Dans un système de droit formellement rationnel, émancipé de la religion, de l'éthique et du droit naturel, les valeurs éthiques sont subordonnées aux valeurs proprement juridiques. Le droit est formellement rationnel, pas matériellement rationnel29 . Comme le terme l'indique, un système de droit formellement rationnel se caractérise par un haut degré de rationalisation et de formalisation. La rationalisation, dont il est question ici, implique un double mouvement d'autonomisation et de conceptualisation : le droit s'émancipe progressivement de la morale pour se constituer comme système autonome, et les règles générales et universelles, propres au système de droit, sont formulées de façon consciente et précise. [End Page 165] Si la rationalisation se définit avant tout par l'autonomisation du droit, la formalisation se caractérise par la systématisation des procédures et des contenus : les règles de la procédure juridique sont prescrites de façon explicite, et cela jusque dans les détails, et le contenu matériel du droit est systématisée de façon logico-déductive. Le résultat de cette formalisation rationnelle du droit, qui est aussi, forcément, une rationalisation formelle, est l'avènement d'une machine juridique dans laquelle « toutes les prescriptions juridiques élaborées par l'analyse [...] forment entre elles un système logiquement clair, ne se contredisant pas et avant tout, en principe, sans lacunes »30 . Dans cette utopie du barreau, qui peut être considérée comme la contrepartie juridique du positivisme logique, le juge est considéré comme « un automate dans lequel on introduit par en haut des dossiers pour qu'il recrache par en bas le jugement et les motifs, lus mécaniquement de paragraphes codifiés »31 .

Bien que Weber reconnaisse que, en raison de la répartition inégale du pouvoir économique, le droit formel devant la loi, qui garantit, 'sans considération de personne' (ohne Ansehen der Person), le traitement égal de chacun, doive nécessairement violer les idéaux de la justice matérielle, il adopte une position de juriste et défend, en dernière instance, le formalisme juridique en s'opposant à toute tentative de rationalisation matérielle ou de moralisation du droit qui pourrait enfreindre les qualités formelles et la systématicité du droit.

Dans la mesure où le droit a de tout temps été lié à la morale, que ce soit par le biais de la religion ou de la philosophie morale, cette défense du formalisme légal me paraît quelque peu paradoxale, tout aussi paradoxale, à vrai dire, que sa défense de la neutralité axiologique. Pour comprendre sa position, il faut savoir que Weber est très sceptique quant à la possibilité de fonder le droit sur des principes métajuridiques, telles que la 'Nature' ou la 'Raison' des jusnaturalistes. Il est convaincu, comme on l'a vu, que, dans un monde 'désenchanté' post-chrétien, les principes moraux ne peuvent pas plus être fondés en raison que les valeurs ultimes peuvent prétendre à la validité objective. Dans la mesure où il conçoit la 'Nature' et la 'Raison' comme des contenus matériels arbitraires, et non pas, à l'instar de Habermas, comme des principes formels qui permettent de fonder la légitimité du droit, il estime qu'un droit naturel purement formel ne peut pas exister32 . Dans ce sens, on peut effectivement dire que le formalisme juridique wébérien n'est que le revers de son relativisme axiologique néonietzschéen.

Étant donné le pluralisme des valeurs, Weber exclut qu'on puisse encore aboutir par la discussion à des croyances objectivement valides qui [End Page 166] pourraient trouver le consentement de tous. Dans un passage très antihabermassien, il exprime par avance ses doutes sur la possibilité d'un fondement discursif du droit: « Il est absolument exclu que par cette voie – puisqu'elle va précisément dans la direction opposée – on puisse parvenir à une quelconque éthique normative, ou fonder le caractère obligatoire d'un quelconque 'impératif'. Tout le monde sait que de telles discussions, parce qu'elles nous donnent, du moins en apparence, l'impression d'un certain 'relativisme', sont plutôt un obstacle à cet objectif »33 . Et comme le consentement aux lois ne peut pas reposer sur leur validité, Weber en conclut qu'il doit reposer sur la facticité de la contrainte légale. Cela ressort clairement de la définition qu'il donne du concept de droit: « Nous appelons un ordre droit, lorsque la validité est garantie extérieurement par la chance d'une contrainte (physique ou psychique), grâce à l'activité d'une instance humaine, spécialement instituée à cet effet, qui force au respect de l'ordre et châtie la violation »34 .

Si l'on relie maintenant l'insistance de Weber sur la coercition physique à ce qu'on appelle, depuis Parsons, le 'problème hobbesien de l'ordre', on commence à se rendre compte du fait que, contrairement à ce que suggère la surinterprétation de Weber par Parsons35 , la cohésion sociale ne repose pas selon Weber sur l'adhérence à des valeurs communes, mais qu'elle repose, en dernière instance, sinon sur la force effective, du moins sur la crainte justifiée que cette force puisse être exercée contre chacun qui refuse de se soumettre36 .

Il est vrai que la coercition n'est qu'un aspect de la domination légale. Dépassant l'opposition entre la théorie de la domination et la théorie du conflit, Weber prend également en compte l'aspect de la légitimité de la domination. Chaque sociologue sait – ou, du moins, est censé savoir – que Weber distingue trois idéaux types de domination légitime: la domination légale ou statutaire, la domination traditionnelle et la domination charismatique. Cependant, plutôt que de discuter les types de légitimation mentionnés, je voudrais insister sur l'absence de la catégorie de la légitimation démocratique et la relier au modèle décisionniste de la politique que Weber préconise et qui forme la contrepartie politique du positivisme juridique.

Empruntant le vocabulaire de Claude Lefort, on pourrait dire que le décisionnisme réduit 'le politique', c'est-à-dire la politique au sens classique du terme, comprise comme la détermination rationnelle de la 'vie bonne' par l'intermédiaire de la discussion publique, à 'la politique', c'est-à-dire à la [End Page 167] politique dans le sens contemporain du terme, soit à ce qui se produit dans le sous-système politique d'une société "sans centre" (Luhmann)37 . Méprisant les citoyens et la démocratie, le modèle décisionniste réduit, en effet, le rôle des citoyens volatiles à la sélection, par acclamation, de politiciens plus ou moins charismatiques dans le cadre d'élections périodiques. Pour Weber, la démocratie libérale ne représente pas davantage une valeur en elle-même que ce n'est le cas pour Schumpeter38 . S'il plaide en faveur de la démocratie parlementaire, qu'il catégorise de façon révélatrice dans Economie et Société comme un sous-type de domination charismatique39 , ce n'est pas parce qu'il veut protéger les valeurs démocratiques, mais pour des raisons plus bassement pragmatiques. En premier lieu, il pense que seul un Parlement fort peut contrôler l'administration ; ensuite, d'une manière plus significative, il considère qu'un régime parlementaire constitue la meilleure garantie et le meilleur moyen de recruter un chef politique charismatique (Führer), doué d'une forte personnalité, de passion, d'un sens de la proportion et d'un courage suffisant pour assumer la responsabilité des conséquences violentes que l'usage diabolique du pouvoir politique entraîne inévitablement40 .

Pour Weber, l'idéal de démocratie participative n'a pas d'attrait en soi. Pour lui, l'alternative n'est pas entre un pouvoir exercé par le peuple ou un pouvoir exercé sur le peuple, mais bien entre pouvoir exercé sur le peuple par un chef charismatique ou par une administration bureaucratique sans chef. Weber n'était donc pas un démocrate dans l'âme, mais en dépit de sa forte inclinaison vers le 'césarisme' et toutes ses affinités avec le décisionnisme proto-fasciste de Carl Schmitt, nous devrions néanmoins nous garder de commettre le paralogisme de la reductio ad Hitlerum (Leo Strauss).

Weber était avant tout un libéral désespéré, défendant la règle de la loi contre ceux qui voulaient la manipuler à des fins politiques. Les totalitarismes du vingtième siècle lui ont donné raison. Mais, Weber reste, malgré tout, un produit de son temps. Pour penser le politique, Weber n'est pas le meilleur guide. Teinté d'un désespoir héroïque qui porte les traces profondes de l'aristocratisme nietzschéen, sa philosophie politique et morale comporte, comme l'a bien remarqué Gabriel Cohn, « une forte composante seigneuriale »41 . Elle s'adresse aux leaders et non pas au peuple. A l'encontre de Weber et d'une certaine mesure de Marx, je pense qu'en tant que sociologues et citoyens responsables, nous devrions considérer la démocratie avec plus de sérieux et rester attentifs à la dimension normative de la politique telle qu'elle est envisagée par les classiques. La philosophie [End Page 168] politique sert d'intermédiaire entre la foi et la science positive. Si une politique normative sans sociologie est vide, la sociologie sans une vision normative de la 'vie bonne' est également aveugle.

Arrivé à la fin, je reconnais que les questions épistémologiques, éthiques et politiques qui m'ont occupées dans cet article sont d'ordre philosophique. Mais, comme nous l'avons vu, elles ne sont pas sans incidence sur la science, en l'occurrence sur la sociologie, voire même sur le droit. Au lieu d'écarter ces questions, sous prétexte qu'elles n'ont pas de réponse, pour les renvoyer aux philosophes, visionnaires et idéologues, je crois qu'une sociologie critique doit analyser les réponses possibles et développer une épistémologie, une éthique et une politique internes, car celles-ci forment et informent effectivement la sociologie érigée sur ces bases, que le sociologue en soit conscient ou non. Faute d'espace, je ne tiens pas à soutenir ici la thèse d'après laquelle l'épistémologie doit être réaliste (voir Bhaskar), l'éthique discursive (voir Habermas) et la politique démocratique (voir Lefort); mais c'est à partir de ces positions que j'ai soumis la philosophie marginale de Weber à une analyse critique pour révéler la vision du monde qui se cache derrière sa sociologie du droit.

Footnotes

* Chercheur post-doctoral à l'Université pour les sciences humanistes à Utrecht (Pays-Bas) et professeur invité au département de sociologie de l'université de Brasília (Brésil). Dans cet article, je reprends des arguments que j'ai plus longuement développés ailleurs, notamment dans « La philosophie marginale de Max Weber » dans S. Bateman, R. Ogien et P. Pharo, dir., Une sociologie pour l'éthique. Autour des travaux de Paul Ladrière, Paris, CNRS, 2000, 59-84.

1. « Wovon man nicht sprechen kann, darüber muß man schweigen » – « Sur ce dont on ne peut pas parler, on se doit de se taire ». Voir L. Wittgenstein, Tractatus Logico-Philosophicus, dans Werkausgabe, Band 1, Francfort sur le Main, Suhrkamp, Abhandlung 7, à la dernière ligne.

2. P. Bourdieu, Méditations pascaliennes, Paris, Seuil, 1997.

3. Pour la distinction entre 'vivre pour' et 'vivre de' voir M. Weber, « Politik als Beruf » dans Max Weber Gesamtausgabe, Band 17, Tübingen, J.P. Mohr, 1992 aux pp. 169 et s.

4. H. Rickert, « Max Weber's View of Science » dans P. Lassman, I. Velody et H. Martins, dir., Max Weber's 'Science as a Vocation', Londres, Unwin Hyman, 1989 à la p. 80.

5. M. Weber, Die protestantische Ethik und der 'Geist' des Kapitalismus, Bodenheim, Neue Wissenschaftliche Bibliothek, 1993 à la p. 153.

6. Voir S. Wolin, « Max Weber. Legitimation, Method, and the Politics of Theory » (1981) 9:3 Political Theory aux pp. 401-24, spécialement 412 et s.

7. M. Weber, « Wissenschaft als Beruf » dans Max Weber Gesamtausgabe, Band 17, Tübingen, J.P. Mohr, 1992 à la p. 109.

8. La subjectivisation de la raison est le thème principal de la version horkheimerienne de la dialectique de la raison. Dans une note en bas de page, il situe explicitement Weber dans la tradition subjectiviste: « Max Weber adhérait tellement à cette lignée subjectiviste qu'il ne pouvait plus concevoir aucune rationalité – même pas une rationalité 'substantielle' qui lui permettrait de distinguer une fin d'une autre. Si nos pulsions, nos intentions, et enfin notre décision ultime doivent être jugées a priori comme irrationnelles, alors la raison substantielle devient sans plus un facteur de corrélation et donc essentiellement 'fonctionnelle'». Voir M. Horkheimer, Eclipse of Reason, New York, Seabury Press, 1974 à la p. 6, note.

9. P. Ricoeur: « Préface » dans P. Bourretz, Les promesses du monde. Philosophie de Max Weber, Paris, Gallimard, 1996 à la p. 12.

10. L'éthique de la responsabilité inclut la possibilité d'une discussion sur les conséquences possibles d'un acte pour autant que ce dernier entre en conflit avec les valeurs ultimes que l'acteur poursuit. Cependant, ici je tiens à insister sur le fait que les fins ultimes en tant que telles ne peuvent pas faire l'objet d'une discussion rationnelle. De ce point de vue, la tentative admirable de Wolfgang Schluchter pour rapprocher l'éthique wébérienne de la responsabilité de l'éthique habermassienne de la discussion représente une surinterprétation qui sous-estime sciemment la forte teneur nietzschéenne du décisionnisme de Weber. Voir W. Schluchter, Religion und Lebensführung. Studien zu Max Webers Kultur und Werttheorie, Band 1, Francfort sur le Main, Suhrkamp, 1988, aux pp. 200-73, spécialement 225 et s., 314-33.

11. F. Nietzsche, « Also sprach Zarathustra » dans Werke (Schlechta), Band 2, Munich, Carl Hanser Verlag, 1969 à la p. 523.

12. T. Kuhn, The Structure of Scientific Revolutions, Chicago, University of Chicago Press, 1970, c. 4.

13. M. Weber, « Vorbemerkung » dans Gesammelte Aufsätze zur Religionssoziologie, Band I, Tübingen, J.B. Mohr, 1988 à la p. 14.

14. N. Luhmann, « Handlungstheorie und Systemtheorie » dans Soziologische Aufklärung 3, Opladen, Westdeutscher Verlag, 1991 à la p. 50.

15. J. Baechler, « Mais qu'est-ce que la sociologie? » (2004) 24:2 Revue du Mauss aux pp. 147-54.

16. Voir N. Hanson, Patterns of Discovery. An Inquiry into the Conceptual Foundations of Science, Cambridge, Cambridge University Press, 1958 à la p. 5 et s.

17. Pour un inventaire plus ou moins complet des questions métathéoriques, voir J.C. Alexander, Theoretical Logic in Sociology. Positivism, Presuppositions, and Current Controversies, vol. 1, Berkeley, University of California Press, 1982.

18. S. Wolin, Hobbes, Los Angeles, University of California Press, 1970 à la p. 8.

19. P. Lassman et I. Velody, « Max Weber on Science. Disenchantment and the Search for Meaning » dans Max Weber's 'Science as a Vocation', supra note 4 à la p. 172.

20. M. Weber, « Zwischenbetrachtung: Theorie der Stufen und Richtungen religiöser Weltablehnung » dans Gesammelte Aufsätze zur Religionssoziologie, Band 1, 1915, aux pp. 536-73 et « Wissenschaft als Beruf » dans Max Weber Gesamtausgabe, supra note 7, passim.

21. Weber, « Wissenschaft als Beruf », supra note 7 à la p. 99.

22. « Deux voies sont ouvertes: Hegel, ou notre manière de traiter les choses » (M. Weber, Lettre à Franz Eulenburg, 11 mai 1909, tel que cité dans C. Collliot-Thélène, Le désenchantement de l'État. De Hegel à Max Weber, Minuit, Paris, 1992 à la p.5).

23. Wolin, supra note 6 à la p. 403.

24. Weber, « Wissenschaft als Beruf », supra note 7 aux pp. 109-10.

25. Ricoeur traduit le mythos d'Aristote par 'mise en intrigue'. Dans le cadre d'une analyse narrative du récit historique, il en a développé la théorie dans le premier volume de Temps et Récit. L'intrigue et le récit historique, Paris, Seuil, 1983 aux pp. 85-129.

26. La discussion qui suit s'inspire des textes suivants de J. Habermas: 'Dogmatismus, Vernunft und Entscheidung – Zu Theorie und Praxis in der verwissenschaftlichen Zivilisation' dans Theorie und Praxis. Sozialphilosophische Studien, Francfort sur le Main, Suhrkamp, 1963 aux pp. 307-35 et « Verwissenschaftliche Politik und öffentliche Meinung » dans Technik und Wissenschaft als 'Ideologie', Francfort sur le Main, Suhrkamp, 1974 aux pp. 120-45.

27. « Nous pouvons définir le nihilisme de la façon la plus simple comme incapacité à défendre la civilisation contre le cannibalisme » (L. Strauss, The Rebirth of Classical Political Rationalism, Chicago, University of Chicago Press, 1989 à la p. 9).

28. Voir J. Schickel, Gespräche mit Carl Schmitt, Berlin, Merve Verlag, 1993 à la p. 71.

29. D'un point de vue normatif, la position de Weber est ambiguë. En tant que juriste, il estime que le droit doit suivre le droit chemin de la formalisation et de la rationalisation (à la limite, on retrouve l'idée luhmannienne d'un système de droit autonome et autopoiétique); en tant que théoricien du politique, il estime, en revanche, que la tâche du politique responsable consiste à introduire des considérations éthiques dans le droit, sans pour autant abolir l'autonomie du système juridique et tout en respectant l'État de droit. De ce point de vue, le 'coup d'État', préconisé et justifié par Carl Schmitt, constitue une dérive fascisante qui s'éloigne de la position wébérienne.

30. M. Weber, Wirtschaft und Gesellschaft. Grundriss der verstehenden Soziologie, J Tübingen, B. Mohr, 1972 à la p. 396.

31. Ibid. à la p. 565.

32. Pour une critique de la sociologie du droit de Weber, voir J. Habermas, Faktizität und Geltung. Beiträge zur Diskurstheorie des Rechts und des demokratischen Rechtsstaats, Francfort sur le Main, Suhrkamp, 1992 aux pp. 541-99, spécialement 541-52.

33. M. Weber, Gesammelte Aufsätze zur Wissenschaftslehre, Tübingen, J.B. Mohr, 1985 aux pp. 503-04.

34. Weber, Wirtschaft und Gesellschaft, supra note 30 à la p. 17.

35. T. Parsons, The Structure of Social Action. Glencoe, Free Press, 1937, troisième partie.

36. La réduction wébérienne de la force du droit à la contrainte paraît datée au regard de l'évolution contemporaine de la régulation juridique (droit souple, programmatique, réflexif, etc.). Voir H. Willke, « Diriger la société par le droit? » (1986) 31 Archives de Philosophie du Droit aux pp. 189-214 (Je remercie l'évaluateur anonyme de Droit et Société pour cette référence).

37. Voir C. Lefort, Essais sur le politique (XIXe-XXe siècles), Paris, Gallimard, 1986.

38. La formulation classique de la vision 'réaliste' de la démocratie se trouve dans J. Schumpeter, Capitalism, Socialism and Democracy, Londres, Allen et Unwin, 1976, c. 21-23.

39. Voir Weber, Wirtschaft und Gesellschaft, supra note 30 aux pp. 661 et s.

40. Weber, « Politik als Beruf » supra note 3.

41. G. Cohn, Crítica e Resignação. Max Weber e a teoria social. São Paulo, M. Fontes, 2003 à la p. 187.



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