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  • Introduction :profil d'une éco-littérature
  • Lucile Desblache

 Au Jardin des Hommes à Paris
   les jeunes plantes grimpent
Le long des grilles pour les voir

Jacques Prévert, Arbres

Saisir les rapports de l'écologie et de la littérature à travers un éventail de contextes culturels, examiner dans quelle mesure, bien avant l'apparition du terme d'écologie, fiction et poésie ont donné une place essentielle à la nature (dans toute la myriade d'acceptations qu'elle inclut) et aux rapports des êtres humains et de leur environnement, souligner l'importance de la thématique écologique dans la créativité littéraire contemporaine, tels sont les buts essentiels de ce numéro.

Le concept d'écologie tel que nous le percevons actuellement est associé à la période contemporaine en Occident. Dans sa définition scientifique, il concerne l'étude des milieux dans lesquels évoluent les êtres vivants et les rapports de ces êtres entre eux ainsi qu'avec leur environnement, mais il est également lié à la notion d'exploitation de l'environnement naturel par l'homme. Si la thématique du rapport de l'être humain à son environnement est visible dès le début de notre histoire, l'idée que « nous sommes l'unique espèce de la nature à œuvrer à sa propre destruction » est décidément récente1 . Au cours des dernières décennies, la notion d'interdépendance, notion clé de l'écologie s'il en est une, s'est infiltrée à travers toutes les formes d'expression et a ébranlé la hiérarchie traditionnelle de nos valeurs et de nos croyances occidentales. La prise de conscience écologique procède en partie de la remise en cause de ces valeurs et « en partie de la perte de nos illusions—à l'égard de la civilisation et de nous-mêmes » (Gary 247).

C'est pourquoi le discours écologique, ou peut-être serait-il plus exact de parler de discours écologiques, expose nos paradoxes plus qu'il ne propose de solutions. Toutefois, il encourage de façon créative non seulement la diversité des approches, mais l'usage combiné de ces approches. En d'autres termes, il ne s'agit pas uniquement de reconnaître que sciences et arts, logique et émotion, esthétique et fonctionnalité, créatures humaines et non-humaines, pour citer les couples les plus récurrents de l'univers culturel occidental, peuvent et doivent être valorisés sans s'exclure l'un l'autre. Il s'agit aussi de comprendre [End Page 1] que « les totalités et les parties sont réelles de manière égale »2 et qu'une existence harmonieuse dépend de la façon dont elles se répondent, se respectent et se complètent.

Issue de recherches et préoccupations scientifiques, l'écologie est néanmoins construite à partir de notions qui impliquent l'interdisciplinarité et suscite une vision de la science conçue en relation plus qu'en opposition aux disciplines littéraires. Elle se double dès sa naissance d'une éthique de l'environnement qui se reflète à travers poésie et fiction et qui accuse à quel point « la nature n'est pas chose qu'on puisse dissocier des émotions » (Gary 242). Le règne de la rationalité absolue, établissant l'homme au sommet de la pyramide des espèces et sa capacité de logique comme l'unique et la meilleure façon d'appréhender l'univers, est sinon aboli, du moins sérieusement remis en cause.

L'approche choisie dans ce numéro, qui tente de rendre compte des considérations mentionnées ci-dessus, est délibérément chronologique et comparative. De l'ère baroque à l'époque d'aujourd'hui, on a tenté de proposer une palette d'articles qui mettent en lumière divers degrés de prises de conscience écologiques et diverses facettes de la thématique écologique. Par ailleurs, soucis et priorités écologiques se manifestent de façons souvent contrastées dans les littératures francophones et anglophones. L'un des objectifs de ce recueil consiste à souligner leurs différences et à montrer combien cette thématique du rapport de l'être humain à son environnement est r...

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