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Reviewed by:
  • La mémoire saturée, and: Cybermigrances. Traversées fugitives
  • Martin Pâquet (bio)
Régine Robin , La mémoire saturée Paris, Stock, coll. Un ordre d'idées, 2003, 530 p., 44,95$
Régine Robin , Cybermigrances. Traversées fugitives Montréal, VLB éditeur, coll. Le soi et l'autre, 251 p., 22,95$

Appréhender ces deux ouvrages de Régine Robin comme des lectures de vacances? D'emblée, le lecteur sourit devant cette impertinence qui lui vient à l'esprit. Toutefois, au second regard, l'idée ne détonne pas tant. L'œuvre de Régine Robin incite à la lecture buissonnière, aux mouvements browniens de la pensée, aux parcours parfois erratiques, toujours dialogiques entre le texte nomade et l'interprétant complice (Cybermigran-ces). À la manière des collages de Walter Benjamin et Siegfried Kracauer dont elle se réclame ouvertement dans Cybermigrances et La mémoire saturée , l'auteure procède à l'assemblage hétéroclite de fragments textuels dans ses Cybermigrances, ou à l'analyse touffue des « rythmes de la mémoire, de son tissage et de son détissage » dans La mémoire saturée. Dès lors, pour en capter les significations dans leur arborescence et leur miroitement, le lecteur doit se désengager d'une lecture linéaire, studieuse, assidue. Le temps libre - celui des vacances - lui est donc nécessaire, les sens se dévoilant selon les lieux divers et les moments où l'esprit vagabonde.

Lire Régine Robin à la plage municipale. Une plage municipale comme tant d'autres à travers le monde, à Beauport, Cap-Pelé, Salem (Massachu-setts), King's Lynn, Boulogne-sur-Mer ou Cassis. Une plage où les badauds déambulent au gré de leur nonchalance, où les corps veulent paraître, où l'âpreté du sel marin sous la langue exige la boisson bienfaisante, où le piaillement des jeux des enfants entrechoque la placidité des conversations des adultes rougissants, où « l'homme s'effacerait, comme à la limite de la mer un visage de sable » (Michel Foucault, Les mots et les choses). Là le regard se promène sous le soleil, l'oreille perçoit le kaléidoscope sonore sur le bruissement des vagues. Ici, les Cybermigrances de Robin acquièrent leur pleine dimension, celle d'une quête de sens par le biais de l'éveil des sens, à l'exemple des vacanciers sur les plages.

Dès lors, il y a la promotion d'une écriture issue du lien intime entre le sens et le médium, ici informatique - le site Web, les divers logiciels. L'hypertexte, grâce à sa disposition en constellation, brise la linéarité de la lecture. Les Cybermigrances trouvent leur origine dans le rapport avec la technique, l'écriture par courriel, la structuration de la narration dans les pages Web - aujourd'hui les blogues. D'où le projet de Robin, celui du développement « des écritures hors genre pour rendre compte de l'événement », de la proposition de nouveaux « genres hybrides, inachevés, ni fictionnels, ni historiques, ni récits, ni explications ». Projet ambitieux, original, dont l'auteure n'ignore pas certaines embûches majeures. La première relève du passage du support écran au codex : l'objet-livre [End Page 543] implique une lecture horizontale plutôt que verticale, il privilégie un regard plus régulier dans son mouvement, plus panoramique dans sa saisie de l'information. Une autre embûche renvoie à l'exégèse du texte par le lecteur, qui discerne dans le texte des significations indépendantes de celle de l'auteure. Ici, le médium fait obstacle à la transmission de la pensée, car le lecteur ne butine pas de la même façon dans les pages d'un bouquin que dans celles d'un blogue. Pour reprendre la métaphore balnéaire, le lecteur est un de ces badauds dont l'œil scrute la plage à partir d'un point de vue précis: le sien, qui réordonne le paysage - le récit - suivant son propre parcours et ses propres schèmes, qui impose sa vie aux biographèmes de l'autre. Son regard ne peut donc...

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