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Reviewed by:
  • Censure et littérature au Québec. Des vieux couvents au plaisir de vivre (1920-1959)
  • Sophie Marcotte (bio)
Pierre Hébert , avec la coll. d'Élise Salaün, Censure et littérature au Québec. Des vieux couvents au plaisir de vivre (1920-1959)Montréal, Fides, 258p., 29,95$

Deuxième volume consacré à l'étude de la censure dans l'histoire de la littérature québécoise - après Censure et littérature au Québec. Le livre crucifié 1625-1919, avec la coll. de Patrick Nicol, Fides, 1997 -, cet ouvrage de Pierre Hébert, auquel Élise Salaün a collaboré en signant le dernier chapitre, a remporté en 2004 le prix Gabrielle-Roy qui récompense chaque année le meilleur ouvrage de critique littéraire publié en fran çais.

Divisé en deux parties (« Toute censure vient de Dieu (1920-1945) » et « Le rideau déchiré (1946-1959) ») formées respectivement de trois et de deux chapitres, l'ouvrage impressionne d'abord par la qualité du cadre théorique et par la vision très nuancée qu'il propose de la notion de censure elle-même. L'étude est en effet coiffée d'une introduction substantielle où Hébert explique qu'il existerait non pas un, mais deux types de censure : d'une part, la censure « institutive », qui prescrit et proscrit à la fois, et selon laquelle « en dehors des interdits explicites, on ne peut vraiment parler de censure », et la censure « constitutive » qui, celle-là, exige qu'on la « décode », parce qu'elle est « sourde, sans voix et assujettisante », parce qu'elle ne prescrit pas explicitement ce qui est bon ou mauvais, mais qu'elle agit à travers la pensée imposée par la « régulation sociale ». Les limites de cette censure « constitutive » seraient variables et dépendraient de la conception que chacun entretient « du territoire de sa liberté ».

La censure a connu d'importantes transformations entre 1920 et 1959. Dans le premier chapitre, Hébert explique que les années 1920 sont caractérisées par une censure non pas explicite, mais par une forme de contrôle sous-jacent : le vaste mouvement de nationalisationou de régionalisationde l'imaginaire québécois semble constituer la forme de censure la plus efficace de cette période. Si les interventions très programmatiques des Lionel Groulx, Camille Roy, tout comme celles de l'abbé Henri-Raymond Casgrain à la fin du xix esiècle, ont réussi à « définir, prévoir, orienter » l'imaginaire, la critique a également joué un rôle important à cet égard. Celle-ci - même les commentateurs laïcs - participe alors activement à la quête de « santé morale » que poursuit le pouvoir clérical. La redondance du contenu représente finalement l'idéal à atteindre dans l'entreprise de nationalisation de la littérature. La censure se perçoit dans cette normalisation, dans cette régularisation de la littérature qui est alors essentiellement recherchée.

Au début des années 1930, liton dans le second chapitre, se dessine un premier mouvement de contestation. Or ce n'est pas vraiment la censure cléricale qui se voit attaquée : c'est plutôt la censure constitutive qui l'est, d'une certaine manière, ce qui mène Hébert à expliquer que cette censure doit être décodée, déchiffrée, interprétée à travers le discours des auteurs et de la critique qui est véhiculé par les journaux et les revues - comme L'Ordred'Olivar Asselin ou Les Idéesd'Albert Pelletier. Même la critique identifie ce qui paraît constituer un nouveau courant romanesque au début [End Page 576]des années 1930, le roman d'introspection, « dont la censure r éussira [pourtant] à différer [l']apparition » jusqu'à la fin des années 1940. Le mouvement de contestation s'éteindra rapidement, au milieu de la décennie, d'où l'image du « feu d'artifice » employée par Hébert pour le définir.

La Deuxième Guerre mondiale donne un nouveau souffle à la censure cléricale. En effet, des règles judiciaires sont...

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