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Reviewed by:
  • Les oubliés du romantisme
  • Roland Le Huenen (bio)
Les oubliés du romantisme, s. la dir. deMarie-Andrée Beaudet, Luc Bonenfant et Isabelle Daunais Québec, Éditions Nota Bene, coll. Convergences, 351 p., 25,95$

Cet ouvrage collectifréunit des contributions qui interrogentla question de la marginalité littéraire à la période romantique. Désireux d'éviter les appelatifs consacrés par l'histoire littéraire, mais qui trahissent des jugements de valeur marqués du sceau de la hiérarchie, tel celui de « petits romantiques», les auteurs favorisent une approche fondée sur le processus de l'oubli dont ils interrogent les modalités et les pratiques. Dumême coup, cette catégorie nouvelle d'oubliés, se voit grossie d'écrivains venus d'autres horizons qu'ils soient géographiques (Belgique, Canada français), sociaux (poètes ouvriers), sexués (littérature féminine) ou génériques (le poème en prose). L'ambiguïté de la marginalité est qu'elle est équivoque, pouvant tantôtêtre imposée de l'extérieur par l'idéologie dominante, ou encore être assumée par les écrivains eux-mêmes comme moyen de proclamer leur différence - politique, sociale, poétique - (Nathalie Vincent-Munnia), tantôt méprisée, tantôt conçue comme source de grandeur morale etd 'innovation créatrice. Une première section pose la question de l'«étiologie de l'oubli». L'oubli serait inscrit au principe même du romantisme qui valorise la [End Page 591] singularité et l'autonomie du présent, à l'encontre du classicisme dont le cadre épistémologique implique la pérennité du monde et l'universalité des modèles. Dans une telle conjoncture, le génie seul est capable d'échapper à l'oubli, l'alternative étant de constituer des stratégies de visibilité, de s'affirmer à titre de contemporain de tous comme ont su le faire Chateaubriand, Hugo et Stendhal (Isabelle Daunais). Il y aurait toutefois un devenir petit romantique fondé sur des facteurs communs : une existence brève, une œuvre rare, une dotation sociale faible, un positionnement littéraire aléatoire (Jean-Pierre Bertrand). Un romantique tardif comme le poète canadien-français Georges Lemay semble condamner son projet poétique à l'oubli en entretenant le paradoxe qui consiste à revendiquer le caractère fondateur de son recueil, alors qu'il prétend l'inscrire concurremment dans la « double invite d'une contemporanéité générique et romantique des textes» (Luc Bonenfant). Si Sainte-Beuve, quant à lui, ne fait pas partie du camp des oubliés, les deux nouvelles qu'il ait jamais écrites, «Madame de Pontivy» et «Christel» le sont assurément. Cela ne tiendrait-il pas au fait que l'oubli serait une composante de leur identité littéraire, que leur auteur manque de leur assigner un espace légitime dans le corpus de ses oe uvres, et par voie de conséquence une place dans la mémoire de ses lecteurs (Damien Zanone)? Il en irait encore ainsi de l'oeuvre de Coleridge, la grande oubliée du romantisme, en tant qu'elle programmerait sa propre invitation à l'oubli, son code herméneutique de l'effacement (Nelson Charest). Quant à l'échec de Petrus Borel devant ses contemporains, il faudrait le mettre sur le compte de son républicanisme outrancier, à un moment où l'engagement critique à l'égard de la Monarchie de Juillet n'était pas encore amorcé (Maxime Prévost).

Dans une seconde section («Précurseurs et attardés»), l'interrogation sur l'oubli fait surgir la question corollaire des marges, qu'elles soient géographiques ou esthétiques. Le texte aujourd'hui oublié d'Henri Delmotte, Voyage pittoresque et industriel dans le Paraguay-Roux et la Palingénésie australe (1835), qui entretient des relations complexes avec les récits frénétiques de Charles Nodier, mériterait de voir reconnu le rôle qu'il a joué dans l'établissement en Belgique d'un système littéraire où s'alimentent les tensions et les échanges entre centre et périphérie (Lieven D'hulst). Quant à Nodier, s'il contribua à lancer en France la vogue du roman...

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