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  • Un passé recomposé: Deux automatistes à Paris. Témoignages 1946-1953
  • François-Marc Gagnon (bio)
Thérèse Renaud, Un passé recomposé. Deux automatistes à Paris. Témoignages 1946-1953. Présentation de John Porter Québec, Éditions Nota bene, 184 p., 22,95$

Inlassablement, la connaissance historique est à refaire. Certes la correspondance de Fernand Leduc largement réutilisée ici nous était connue, gr â ce au patient travail d'André Beaudet, qui publia en 1981 chez Hurtubise HMH à Montréal, les écrits de 1942 à 1980 de Fernand Leduc sous le beau titre Vers des îles de lumière. Mais le contexte, je dirais l'entre-deux, l'entre lettres, si je puis dire, ne nous était pas toujours connu. Ce texte de Thérèse Renaud, épouse de Fernand Leduc, nous livre un témoignage de premi è re main du premier épisode parisien de la vie de ces deux automatistes. Ce qui ressort de ce livre, c'est tout d'abord les conditions extr ê mement difficiles de la vie à Paris dans ces années d'immédiate d'après-guerre. On s'y logeait dans des appartements avec chambre de bain à l'étage, on n'y mangeait pas toujours à sa faim, la crasse était omniprésente, le savon n'étant pas une aménité hygiénique reconnue par tous. Difficile é galement de trouver sa voie dans le monde artistique qui tente péniblement de se reconstruire à Paris, alors que New York commence à prendre l'ascendant que l'on sait. Où se situer en effet dans le monde des galeries parisiennes: Pierre Loeb? Collette Allendy? Raymond Creuze? À quel groupe se rallier (ou ne pas se rallier)? Aux surréalistes, eux-mêmes divisés entre révolutionnaires et non-révolutionnaires? Entre fidèles à Breton ou opposés? Aux abstraits lyriques? Aux abstraits géométriques? Aux néo-figuratifs? Enfin comment trouver sa voix intellectuellement? Les belles certitudes de Refus global suffisent-elles? À cause du rôle qu'ils ont joué dans la Résistance, les communistes attirent les bonnes volontés. Curieusement, Leduc s'associe plutôt à Raymond Abellio, personnage que je persiste à considérer comme ambivalent et que Paul-Émile Borduas rejeta d'ailleurs pour d ' autres raisons. Signalons, à ce propos que la correspondance de Leduc avec Abellio (1948-1952) a été publiée dans le livre d'entretiens avec Fernand Leduc que Lise Gauvin a fait paraître chez Liber (Montréal, 1995).

C'est dans cette jungle quasi inextricable que ces mémoires « recomposés » nous font pénétrer, documents à l'appui. Ce texte clair, jamais banal, se lisant d'une traite est donc une précieuse addition à tout ce qui a été écrit sur la période automatiste. Pourquoi, dès lors, se dégage-til une certaine tristesse à la lecture de ce texte? Il y a bien sûr les ruptures, avec Riopelle d'abord et, plus douloureuse encore, avec Borduas. Intransigeance [End Page 616] de Leduc ou comportement franchement inacceptable de Riopelle? Dans le cas de Borduas, il semble que l'évolution intellectuelle de Leduc, sous la houlette ésotérique d'Abellio, ait été une sérieuse pierre d'achoppement. Borduas, qui s'était détaché péniblement de l'univers religieux de son enfance et de ses jeunes années-, n'avait-il pas suivi les cours des Ateliers d'art sacré de Maurice Denis en 1929 et 1930 à Paris -ne pouvait pas s'accommoder des envolées « christiques », des d é rives gnostiques, des inquiétudes « spirituelles » de cet auteur. Leduc aura tendance à réduire leur différend à une querelle de mots, mais je crois qu'il y avait plus que cela. Abellio tentait de rétablir une ligne d'évasion de la pensée moderne par l'ésotérisme. Leduc avait cru y voir un appui au « refus global » de Borduas. Mais le refus de Borduas ne rejetait pas l'idéologie moderne. Il aspirait au contraire à la rattraper en se d é barrassant de la vieille idéologie religieuse. D'où l'inévitable rupture.

Il y a aussi dans le texte de Thérèse Renaud cette indéfinissable nostalgie de l'époque des premières...

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