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  • Art, argent, arrangement: Le mécénat d'État: Essai
  • Andrée Fortin (bio)
Robert Yergeau, Art, argent, arrangement. Le mécénat d'État. Essai Ottawa, Éditions David, 631 p., 25$

Si,en première lecture, Art, argent, arrangement constitue une charge contre le Conseil des Arts du Canada, le ministère de la Culture et des Communications ou le Conseil des Arts et des Lettres du Québec, ce n'est pas contre le principe du mécénat d'État et l'octroi de bourses aux écrivains qu'en a Robert Yergeau, mais contre les travers du système. Ces travers sont liés en grande partie au recours à des jurys de pairs ; ceux-ci sont recrutés parmi les écrivains et les critiques reconnus et ont tendance, dans leurs jugements, à favoriser les écrivains partageant une même approche littéraire, ce qui laisse peu de place à de nouveaux entrants proposant de nouvelles formes d'écriture, de nouvelles esthétiques.

Le livre de Yergeau est sous-titré « essai » ; en fait, à plusieurs égards, il peut se lire comme défense et illustration des travaux de Bourdieu sur le champ littéraire, notamment ceux sur les pairs et les cénacles, d'une part, et ceux sur le passage des acteurs, au fil des ans, de l'avant-garde à l'institution, d'autre part. Les rouages de l'institution littéraire québé coise sont démontés, et exposées en détail les relations entre cette institution et l'avant-garde. Cela entraîne l'auteur sur le terrain de l'autonomie (financière et artistique) de l'écrivain ; celle-ci, Bourdieu l'a montré, est la caractéristique essentielle du champ littéraire contemporain, et centrale dans les discours artistiques. Le mécénat d'État analysé par Yergeau à la fois permet et compromet cette autonomie : quémandage et reddition de comptes pour les écrivains, arbitraire des goûts et dégoûts des jurys ou des fonctionnaires, tout cela semble consubstantiel à ce mécénat et le pervertit d'outil possible d'autonomie économique en obstacle à l'exercice de l'autonomie artistique. Les voies de la reconnaissance financière et littéraire ne se rejoignent pas nécessairement.

C'est ainsi que le livre de Yergeau d'un point de vue d'histoire littéraire - et parfois de petite histoire - illustre en détail les grandeurs et les misères du mécénat d'État au Québec, sur la base des documents conservés aux Archives nationales du Canada et aux Archives nationales du Québec, accessibles grâce à la loi d'accès à l'information ; même si certaines informations ont été caviardées, il en subsiste assez pour que la logique générale de fonctionnement des organismes subventionnaires apparaisse clairement et pour remplir 631 pages de texte et de notes bien tassées. D'autres sources ont été mises à contribution, en particulier la critique [End Page 614] journalistique et le courrier des lecteur du Devoir et de La Presse, ainsi que des journaux « intimes » et des correspondances. À ce niveau, le travail d'enquête très poussé aboutit souvent à accorder de bons ou de mauvais points à certains écrivains qui tiennent un double discours, à un m ê me moment (dans des demandes de subvention, d'une part, et sur la place publique d'autre part) ou à des moments différents de la carrière.

Enfin, une troisième lecture fournit des matériaux intéressants pour l'histoire des revues et de l'édition, par exemple le cas de la revue Liberté est discuté en détail; cette revue était perçue à Ottawa comme l'expression de angry young men au moment de sa fondation avant de devenir la référence littéraire par excellence et un réservoir appréciable de membres de jurys...

Les études de cas très détaillées, nécessaires pour qu ' apparaissent clairement le fonctionnement du système et la part d'arbitraire, ne surprendront pas ceux et celles au courant des usages en la matière, mais la somme de travail qu'a nécessitée l'enquête et la...

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