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Reviewed by:
  • Figures de l'autre dans le roman québécois
  • Brulotte Gaétan (bio)
Janet Paterson , Figures de l'autre dans le roman québécoisQuébec, Éditions Nota bene, coll. Littérature(s), 487 p., 23,95$

Le problème de l'altérité est une des composantes essentielles des discours littéraires et culturels contemporains. Il a, certes, toujours existé à travers l'histoire, mais il se pose de façon aiguë dans la société actuelle. Pourquoi? Janet Paterson en énumère ici les raisons multiples et variées, avec au premier rang, bien sûr, les grands mouvements de migration de notre époque qui remettent en question les concepts de nation et de citoyenneté et produisent des changements considérables dans la société. En outre, il y a l'interaction généralisée des cultures à travers le tourisme de masse, les traductions, la télévision, sans oublier l'Internet. Migrations, voyages, lectures, médias, l'expérience de l'altérité est désormais vécue par une grande partie de la population.

L'Autre a toujours suscité fascination et peur à travers l'histoire. Du bon sauvage du XVIIIe siècle au racisme sanguinaire du XXe siècle, la palette est large. Il s'ensuit qu'on ne peut investir aucune forme d'altérité d'un contenu fixe ou d'une valeur immuable à caractère essentialiste. L'Autre est toujours saisi par le biais de relations, l'altérité étant un concept relationnel. C'est aussi une construction idéologique, sociale et discursive sujette à de profondes modifications selon le contexte, lequel s'appelle souvent «groupe de référence», d'une notion importée de Landowski dont le travail (Présences de l'autre: essais de socio-sémiotique, PUF, 1997) sert de base théorique principale aux études de Paterson. Le groupe de référence, qu'il soit social, religieux, politique, familial, ethnique, etc., permet de déterminer la norme qui règne dans un univers romanesque. C'est lui qui détient le pouvoir de légitimation, qui établit les codes sociaux et décide des paramètres pour valoriser certains attributs hérités ou acquis. D'où son pouvoir d'admission, d'assimilation, de ségrégation ou d'exclusion sur ceux qui sont perçus comme différents.

Dans la fiction, l'Autre est une construction du discours et la critique analyse les divers aspects de cette mise en forme. D'abord l'énonciation: qui dit l'altérité? Dire l'Autre par une voix narrative qui le perçoit et le définit en tant qu'objet n'est pas la même chose que quand c'est le sujet qui se dit lui-même Autre et juge le groupe dominant. L'Autre est ensuite associé à une spatialité distincte de celle du groupe de référence. Il y a des liens métonymiques entre l'altérité d'un personnage et son inscription dans l'espace. L'altérité se construit encore par la description de traits physiques, vestimentaires, langagiers, onomastiques. La rhétorique renforce ces procédés par ses stratégies particulières, avec notamment la comparaison, l'analogie, l'inversion qui toutes reposent sur des systèmes binaires. L'Autre a enfin souvent des liens avec l'étrangeté et la folie. [End Page 533] Chaque texte exploite à sa façon le potentiel signifiant du personnage de l'Autre. Cet angle de lecture offre à Janet Paterson l'occasion de belles et profondes relectures de romans québécois connus du XIXe siècle jusqu'à nos jours. Elle analyse d'abord comment Les Anciens Canadiens de Philippe Aubert de Gaspé met en scène la question de l'Autre à travers en particulier deux amis, un immigré écossais et un Canadien français, qui sont séparés par la guerre de la Conquête en 1759 et font partie de deux camps ennemis. C'est là un schéma classique du roman historique à la Balzac (voir Les Chouans) ou à la Walter Scott. L'essayiste éclaire ensuite la figure de l'étranger de passage à la lumière du...

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