In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

French Forum 30.2 (2005) 1-14



[Access article in PDF]

Gérard Defaux, feu prince des marotistes

Et maintenant? …

La Mort n'y mord.
Clément Marot1

Gérard Defaux aura été l'un des grands seizièmistes du vingtième siècle. Il aura été aussi pour moi un collègue et un ami. Nous nous connaissions depuis 35 ans. Vous me permettrez de rappeler les circonstances dans lesquelles nous avons fait connaissance. Ce fut sous l'égide des Études Rabelaisiennes en 1970. J'étais en poste à l'Université du Michigan. Je venais de terminer ma thèse sur Rabelais et en avais soumis le manuscrit à la maison Droz. Gérard, lui, finissait d'écrire la sienne sous la direction de Verdun-Louis Saulnier (dont il n'appréciait guère la personnalité). Il était aussi en rapport étroit avec un autre grand rabelaisant (qu'il admirait), Robert Marichal, le fameux éditeur du Quart Livre. Lorsque mon manuscrit arriva rue Massot à Genève, Alain Dufour, qui présidait alors aux destinées de la maison Droz, le remit à Marichal pour avoir son avis de lecteur éclairé. Quelques jours plus tard, Marichal recevait Gérard chez lui, dans son appartement de la rue Chanoinesse à Paris, à côté de Notre-Dame, pour parler de sa thèse. Il lui montra aussi un manuscrit sur Rabelais qu'il rapportait de Genève et lui dit: "Lisez-moi ça; c'est d'un certain Rigolot—un nom qui n'engendre pas la mélancolie. J'aimerais savoir ce que vous en pensez." Quelques semaines plus tard, je recevais à Ann Arbor une lettre d'un certain Gérard Defaux, professeur à Bryn Mawr College, Pennsylvania. J'ai gardé cette lettre parce qu'avec le recul elle me semble être assez typique du style de Gérard. Passionné de son sujet (il écrivait alors sur Rabelais et l'humanisme chrétien), il me lançait d'emblée ses désaccords à la figure, tout en me disant combien il [End Page 1] s'était plu à me lire. J'ai tout de suite été séduit par cet étonnant praticien de l'art montaignien de "conférer." Cette première prise de contact fut une première prise de bec. Elle devait être le prélude à une longue amitié qui s'alimenta paradoxalement aux désaccords qui nous opposaient—le plus souvent en privé, mais parfois en public, comme dans les colonnes de la Revue d'Histoire Littéraire de la France lorsque, avec Terence Cave et Michel Jeanneret, nous conférâmes à propos du Prologue de Gargantua:

J'entre en conference et en dispute avec grande liberté et facilité, d'autant que l'opinion trouve en moy le terrein mal propre à y penetrer et y pousser de hautes racines. Nulles propositions m'estonnent, nulle creance me blesse, quelque contrarieté qu'elle aye à la mienne.2

Ces propos sont de Montaigne mais ils auraient pu être de Gérard, lui qui connaissait les Essais quasiment par coeur. Je finis mon histoire. Grâce aux commentaires de Gérard à mon sujet (et non pas malgré eux), Marichal donna son approbation pour la publication de ma thèse dans la série des Études Rabelaisiennes chez Droz. Mes Langages de Rabelais parurent en 1972.3 Ils furent suivis l'année suivante par la thèse de Gérard, Pantagruel et les sophistes, Contribution à l'histoire de l'humanisme chrétien au XVIème siècle(La Haye: Martinus Nijhoff, 1973), qu'il décrivait à la Rabelais comme "un gros, gras, grand, gris, joly, petit, moisy livret, plus mais non mieux sentant que roses."4



Gérard Defaux fut un "suffisant lecteur" de Rabelais, de Scève, de Montaigne, de Molière et de bien d'autres écrivains des XVIe et XVIIe siècles. Mais pour beaucoup d'entre nous sa plus...

pdf

Share