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Reviewed by:
  • Victor Hugo — Le Temps de la contemplation
  • Regina M. Young
Gaudon, Jean. Victor Hugo — Le Temps de la contemplation. Paris: Champion, 2003. Pp. 624. ISBN2745308963

Dans Victor Hugo – Le Temps de la contemplation, Jean Gaudon nous offre une lecture très détaillée, souvent brillante, et, en tout cas, très approfondie, du développement chronologique de l'œuvre poétique hugolienne, dont l'apogée serait la poésie contemplative conçue pendant l'exil jersiais. A cette époque-là, l'invention lyrique de Hugo subirait une transformation d'ouvrages finis en textes ouverts, incomplets, béants, comme faisant partie d'un grand tout, qui semble être sans limites. La création poétique contemplative connaîtrait alors son propre élan, sa propre loi, hors la volonté du poète, et jaillirait en torrents bouillonnants de son crâne profond comme la lave du volcan. Hugo aurait ainsi créé une poésie qui visait à imiter le réel, et qui, étant constamment en train de devenir, restera toujours inachevée, selon le concept romantique du Werden. Gaudon se plaît à appeler le poète Victor-Marie Hugo, faisant ainsi allusion au homo duplex de la philosophie hugolienne. C'est plutôt la moitié Adam du homo duplex, celle qui contemple, et moins la moitié Eve, qui voit et regarde, que le critique français examine dans ce livre. Tout en mêlant l'analyse biographique à l'analyse textuelle, et en montrant les liens étroits entre les expériences originales de Hugo et son lexique, Gaudon refuse d'être associé à une école critique particulière, toute classification étant pour lui une entrave à la liberté de penser du critique. Son admiration et son respect pour Hugo, le poète, transpirent un peu partout dans cette étude, et il s'attaque ouvertement à la critique universitaire qui a calomnié Hugo.

La contemplation hugolienne serait une espèce de rêverie cosmique ou de méditation par laquelle le poète dépasse mentalement les surfaces du réel, qu'il finit ainsi par rendre transparentes, pour en examiner ce qu'il considérait comme l'unité à la base de l'existence matérielle. Ici Gaudon désarçonne la notion fameuse, tant rabâchée dans beaucoup de cercles littéraires, qui veut que Hugo soit le maître de [End Page 432] l'antithèse, et que l'antithèse domine l'œuvre hugolienne. Tous les contraires de la création seraient plutôt effacés par l'acte contemplatif, par lequel ils se confondent dans l'unité de l'océan universel, métaphysique, qui symbolise l'expérience du plongeur hugolien de l'invisible. La contemplation cosmique serait devenue, pour Hugo, la voie de la libération créative et poétique, libération des vieux préceptes de la prosodie classique, mais aussi libération de ses propres entraves mentales.

Mais Gaudon n'appelle pas ce processus par le nom que lui ont donné les écrivains transcendantalistes contemporains de Hugo de l'autre côté de l'Atlantique. Pourtant il s'agit, chez Hugo, de ce même phénomène de l'expérience de la transcendance, où le poète atteint à un état de conscience élargie, à la suite d'une décontraction complète de toutes ses facultés, état où il croit détenir la clef à tous les secrets de l'existence, et où il a l'impression d'être partout à la fois, intimement lié à toute la création. On se demande même si Gaudon a bien compris ce processus comme un événement physique, réel, basé sur une expérience subjective mais vraie. Car, dans sa lecture de Magnitudo Parvi, poème par excellence de la transcendance, Gaudon croit discerner la description d'un voyage interplanétaire imaginaire. Dans ce poème, le poète regarde d'abord le soleil et la lune, et puis il se met à contempler l'univers. Ensuite, son être semble gonfler et dilater jusqu'à ce qu'il comprenne, dans les deux sens, l'univers entier. Mais l'idée gaudonienne d'un voyage, imaginaire ou non, sous-entend que le voyageur constitue un point...

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