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Reviewed by:
  • La Religion de Zola: naturalisme et déchristianisation
  • Janice Best
Guermès, Sophie. La Religion de Zola: naturalisme et déchristianisation. Paris: Champion, 2003. Pp. 595. ISBN2-7453-08874

"Élargir, agrandir" – tels sont les deux verbes que Sophie Guermès trouvent caractéristiques du projet zolien et qui ont fourni le fil conducteur de son étude du thème de la religion dans les écrits de Zola – à commencer par ses poèmes et ses lettres de jeunesse pour finir avec ses "Évangiles." Guermès commence son étude par la constatation que Zola, comme bien des jeunes gens de son temps, s'est cru poète. On en trouve la trace surtout dans ses lettres de jeunesse, écrites de Paris à ses camarades Baille et Cézanne, entre 1859 et 1863, au moment justement où sa vocation littéraire se déclare. Pendant ces années de jeunesse romantique, Zola était croyant. L'abandon de la poésie coïncide, chez lui, avec la perte de la foi.

En élaborant sa définition du naturalisme, Zola entend fonder une théorie destinée à dissiper les illusions du passé, et notamment celles de la religion. Selon Guermès, cependant, il n'aurait jamais complètement oublié le lyrisme croyant de sa jeunesse. Toute son œuvre pourrait ainsi se lire comme une tentative de fonder une religion nouvelle, "une morale sans Dieu qui reprend, en les laïcisant, l'essentiel des valeurs chrétiennes (charité, justice) et, plus nettement encore, en réhabilite d'autres (fécondité, travail), dévalorisées par l'héritage judéo-chrétien" (10).

Pour Guermès, la notion de l'hérédité que Zola explore dans les Rougon-Macquart est une adaptation scientifique du dogme du péché originel. La tare héréditaire, principe de la destruction de la famille des Rougon et des Macquart, n'est autre que le péché. Vus dans ce sens, Les Trois Villes et les Évangiles semblent moins éloignés de la première série romanesque de Zola. Guermès voit dans tous les écrits de Zola une continuité thématique. Son but est de retracer l'ensemble de ce projet, qu'elle voit comme une grande tentative de réconcilier l'idéal religieux avec l'exigence scientifique de vérité. Elle se propose de reconstituer les étapes de cette "vision globale du monde" en examinant le Zola d'avant et d'après les Rougon-Macquart.

Si de plus en plus de critiques commencent à s'intéresser à celui qu'on appelle "le troisième Zola" (l'auteur des Trois Villes et des Evangiles), peu se sont en effet intéressés aux aspects religieux de l'ensemble des textes zoliens.

En montrant l'importance du thème religieux dès le début de la vie de Zola, ainsi que sa persistance à travers ses œuvres de maturité, Sophie Guermès distingue deux "strates" d'une religion substitutive – la première qui coïncide avec le développement du naturalisme à un moment où la perte de foi se généralise, et une deuxième qui apparaît avec la publication de son roman Lourdes.

Guermès reconnaît que les poèmes de Zola sont "de facture médiocre" (30), mais elle y trouve néanmoins des preuves de la théorie qu'elle avance – ils sont en effet empreints d'idéalisme et d'accents religieux. Le secret essentiel de Zola serait qu'en délaissant la forme rimée et versifiée, il n'a pas pour autant abandonné son projet poétique. L'impossibilité d'exprimer ce qu'il avait à dire dans une forme n'a pas empêché cet "essentiel" de se dire autrement. Toute son œuvre pourrait ainsi se lire [End Page 455] comme une tentative d'effacer la tache du péché originel, d'où l'importance du thème de la régénération chez Zola. "L'emploi de la prose a recouvert la poésie, mais juste assez pour que l'on sente encore battre doucement le cœur de celle-ci, et l'espoir qu'elle suscite, en même temps que celui...

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