In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

University of Toronto Quarterly 74.1 (2004/2005) 48-63



[Access article in PDF]

Poésie

Ce survol de l'année 2003 en poésie s'est effectué à partir du principe suivant : « parlons peu, parlons bien ». J'ai donc moins cherché à établir un inventaire exhaustif de la production de l'année, écorchant au passage les recueils aux défauts plus ou moins accusés, qu'à rendre compte des textes qui viennent hanter, habiter le lecteur, bien après que le volume soit refermé. Ce faisant, j'ai aussi tenté d'esquisser les grandes préoccupations qui ont orienté l'écriture des auteurs retenus en insérant certains sous-titres, bien consciente toutefois qu'un même recueil aurait pu figurer dans deux ou trois des sous-divisions ici présentées.

Une Voix D'outre-Tombe

Difficile de résister à la tentation de commencer cette revue de l'année 2003 par le recueil posthume de Gaston Miron (1928-1996), Poèmes épars (l'Hexagone), publié par Marie-Andrée Beaudet et Pierre Nepveu. Les amateurs de poésie se demandent depuis longtemps, pour reprendre les propos de l'excellente préface de Pierre Nepveu, « si L'homme rapaillé n'était pas la partie visible d'une œuvre largement immergée ou si, du moins, le poète ne gardait pas dans ses tiroirs quelques poèmes importants jugés encore imparfaits ». Malheureusement pour eux, ce n'est pas le cas. Le recueil regroupe une cinquantaine de pièces de vers, soit l'ensemble des poèmes écrits et publiés de façon éparse entre 1947 et 1995, en plus de quelques pièces inédites retrouvées en grande partie dans les archives personnelles du poète. Mise à part la suite poétique de douze poèmes, intitulée « Femme sans fin », qui constitue probablement la meilleure partie du recueil, Poèmes épars offre au lecteur de courts poèmes, à teneur intimiste pour la plupart, qui révèlent un être spontané, sensible, éminemment ouvert aux autres. Le recueil présente un intérêt indéniable tant pour les chercheurs que pour les irréductibles de Miron. Ils y trouveront non pas l'ampleur ni même la profondeur des textes de L'homme rapaillé, qui ont valu à l'auteur l'appellation « Miron le magnifique » (Jacques Brault), mais un complément appréciable à une œuvre exemplaire.

L'amour, la Poésie

Au Miron de l'amour qui hante les Poèmes épars, pourquoi ne pas faire succéder un recueil aux accents justement mironiens : Ailleurs les lunes de David Bergeron (Écrits des Forges). Le recueil rend compte d'un périple vers un lieu utopique où l'amour pourrait s'épanouir : [End Page 48]

Je ne recule plus
j'avance à tâtons dans ma vie venteuse
où je te verrai bien un jour de nuages blancs
de loin les tempêtes et les brouillards apeurants
je les prendrai de court de force
pour t'en détourner jusqu'à l'emportement du monde
et je te recevrai comme une lettre que l'on n'attend plus
tu diras mon nom celui que tu préfères
et on déménagera ma vie dans la tienne
à bout de bras on charriera des lames de neige
pour nous donner du nord
un point de repère si on se perd encore.

Alors même que le voyageur n'est qu'espoirs angoissés et incertitudes (« Je t'écris de toutes mes forces / pour te dire que le mieux que je puisse faire / ne sera pas assez / qu'être homme ne vaut pas plus qu'un rêve / et tu sais ce que l'on fait aux rêves »), que le monde autour semble inhospitalier, l'aspiration à un ailleurs fabuleux demeure et transcende le présent. Le décor traversé n'est qu'un tremplin vers demain, lieu...

pdf

Share