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Reviewed by:
  • Lire au Québec au XIXe siècle
  • Laurent Mailhot (bio)
Lire au Québec au XIXe siècle, s. la dir. d’Yvan Lamonde et Sophie Montreuil Montréal, Fides, 332 p.

C'est une excellente équipe, complémentaire à plusieurs points de vue, qui a dirigé ce collectif sur les conditions et les pratiques de la lecture au Québec - du Bas-Canada à l'Union puis à la province de la Confédération - entre 1823 (lectures domestiques de Louis-Joseph Papineau) et 1910 (La Cité des livres, catalogue de la bibliothèque personnelle de Jules Fournier). Yvan Lamonde, historien social des idées, spécialiste de l'imprimé, éditeur critique, bibliographe et biographe, est toujours bien documenté, idéologiquement articulé. Sophie Montreuil, jeune docteure et chercheure, spécialiste de l'essai et de la collection littéraires, est une lectrice attentive, une rédactrice subtile. [End Page 93]

Les deux auteurs maîtrisent les théories et les méthodes relatives à leur champ de recherche sans s'y enfermer, afin non seulement de les valider, mais de les préciser, les raffiner, éventuellement les dépasser. Les autres collaborateurs ont des compétences et des intérêts variés mais convergents : ouvrages féminins classiques, américanité de la littérature québécoise, idées conservatrices et progressistes au XIXe siècle, « régions sombres » des Lumières, y compris la « réécriture de récits criminels sous l'Ancien Régime ». Un étonnement : Lamonde et Montreuil ont dû traduire les quatre pages d'Andrea Rotundo sur « Les catalogues et leur contribution à une histoire des pratiques de lecture au Québec », alors que cette collaboratrice, qui prépare une thèse sur l'essor de Toronto comme centre littéraire à la fin du XIXe siècle, a d'autre part un baccalauréat spécialisé en littérature, langue et traduction françaises...

En l'absence d'index, une table détaillée des matières aurait été utile, d'autant plus que les intertitres des sections sont précis et suggestifs. « Mes amis les philosophes » pour le grand Papineau, « Lectures étatsuniennes et canadiennes », « L'instrumentalisation de la lecture », et enfin cette presse partisane qui « met le stoïcisme à l'épreuve ». Le destin des deux fils - de deux des fils - Papineau se lit dès les titres, sous-titres et intertitres : « le livre de l'histoire » d'Amédée, patriote, collectionneur, « antiquaire » romantique; Lactance, « Canadien malheureux », étudiant pauvre à Paris, éphémère médecin et botaniste. Autre exemple, dans la deuxième partie, sur deux lignes : « De l'Œuvre des bons livres au Cercle Ville-Marie, en passant par le Cabinet de lecture paroissial : une continuité qui a ses limites ». On avait déjà visité la Montreal Library, « bientôt bilingue », reconnu le « savoir » de la Chambre d'Assemblée, mis « à part » l'Institut canadien et prévu l'avenir des élites du Collège Sainte-Marie. Partout dans ce livre la littérature a rendez-vous avec la société et l'histoire à travers l'expérience subjective de la lecture.

Si bien encadré soit-il - et parce qu'il l'est -, Lire au Québec au xixe siècle peut se permettre d'outrepasser la schématisation statistique pour peindre et faire jouer des « scènes » de lecture au salon (à basse ou haute voix), dans un fauteuil, à table (pour étaler les journaux), dans son lit, à Paris, en diligence, en mer... On voit ainsi apparaître Sénèque en consolateur, la « trinité démocratique » de Paine, Lamennais et Tocqueville, la distance idéologique entre le Collège de Montréal et le Séminaire de Saint-Hyacinthe. « Suivre les lectures et les achats de livres de Lactance [Papineau] tels que consignés [...] permet de voir l'évolution du rôle de la lecture » dans sa vie, où on signale « l'influence prépondérante » de 1837 et de ses suites. La visite quasi balzacienne des librairies Bossange, Fabre, Rolland, Beauchemin, puis le « Voyage autour d'une bibliothèque » chez Pamphile Le May et d'autres écrivains, jusqu'à La Cité des livres de Jules Fournier, permettent de voir monter l...

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