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Reviewed by:
  • Passer au rang du père. Identité sociohistorique et littéraire au Québec
  • Lydia Lamontagne (bio)
François Ouellet, Passer au rang du père. Identité sociohistorique et littéraire au Québec Québec, Éditions Nota bene, coll. Essais critiques, 2002, 115 p., 20,95$

Comment Passer au rang du père aborde-t-il, dans un essai à la fois clair et concis, à la problématique de la figure du père dans l'identité sociohistorique et littéraire au Québec ? D'abord, le projet de François Ouellet est nettement balisé. Il s'agit de comprendre le parcours politico-historique du Québec à partir de la métaphore paternelle. Pour réaliser cela, l'essayiste nous convainc de la pertinence d'une lecture psychanalytique de la société québécoise. Cette lecture s'organise autour du meurtre du père originel, tel [End Page 119] que décrit par Freud et Lacan. Du père de la psychanalyse, Ouellet retient l'importance, non seulement du parricide pour le développement du sujet, mais aussi la nécessité pour le fils de (re)définir différemment l'image du père : « Tuer le père afin de passer au rang de père, c'est devenir père pour soi-même, mais autre que ce que fut le père ». De Lacan, l'essayiste tire le lien entre la métaphore paternelle et l'élaboration du langage en plus de l'idée que « le Fils agit au nom du Père ». Ainsi, « la fonction paternelle [...] est intériorisée et assumée par l'enfant lui-même », ce qui fait du parricide une agression à la fois contre l'autre et contre soi. De même, plus importante est la représentation du père pour le fils, plus lourde sera la culpabilité du parricide et plus élaboré devra être l'acte de rachat du meurtre du père.

À partir de ces considérations théoriques, Ouellet tente de saisir la teneur significative des figures paternelles que représentent le pouvoir politique et l'autorité religieuse. En premier lieu, il questionne les faits historiques et, en deuxième lieu, présente une analyse très fine de la littérature québécoise.

Selon Ouellet, le Québec ne peut sortir de sa position « victimaire » puisque les nombreux échecs des fils constituent un enjeu sociopsychanalytique qui l'en empêche. Depuis sa fondation, le Québec est une société de fils. Après avoir quitté leur mère patrie pour la liberté du coureur des bois, ces derniers ont été ballottés de pères en pères sans jamais parvenir à en devenir un : de la couronne française au British Empire, du clergé aux pères institutionnels et canadien-anglais. C'est à partir de l'échec de la Rébellion (et de la compréhension de la Conquête comme un premier échec) que se met en place le mécanisme d'infériorisation des fils. Conséquemment, la suprématie du père s'accentue et son meurtre symbolique devient plus difficile. Pour l'auteur, le Québec est aussi un cas particulier en ce qu'il n'a ni accédé au rang de père ni accompli le parricide; ainsi il est composé de fils qui n'ont jamais été pères.

Déjà, l'optique du fils impuissant à se faire père apparaît aussi bien dans le roman de la terre, le roman historique que dans le roman social. La Révolution tranquille, en rupture avec l'unité référentielle des figures de pouvoir, amène l'émergence de la poésie du pays et du roman national tout en pratiquant l'automutilation : « Car tuer le père, c'est aussi forcément tuer beaucoup de soi, dans la mesure où le parricide permet au fils de devenir quelqu'un d'autre, de s'accomplir dans la maturité et la maîtrise de soi. » Tel que nous le montre Ouellet par sa lecture de Prochain épisode, ce geste meurtrier ne sort cependant pas le fils de l'échec suicidaire. La paternité vit une...

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