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French Historical Studies 27.4 (2004) 753-763



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Réponse

Mes chers collègues, mes chers amis . . .

Rassurez-vous, maintenant que c'est à moi de parler, je ne serai pas bref, enfin je m'efforcerai d'être dans mes commentaires à la hauteur de ce que je viens d'entendre ; vous ne m'avez pas fait parcourir neuf mille kilomètres pour parler seulement cinq minutes. Toutefois, je ferais une remarque préliminaire importante : parmi tous les honneurs que vous avez eu la générosité d'évoquer en suivant le cours de ma carrière, il y en a un qui manque et auquel je tiens beaucoup. J'étais à l'école primaire pendant les années quarante, et j'ai reçu, avec d'autres prix plus importants dans diverses matières, le prix d'amour de la vie paisible. Ceux qui me connaissent peuvent juger de l'importance prémonitoire de cette distinction accordée par mes premiers maîtres.

Dans notre milieu, et plus particulièrement dans celui des historiens français, l'hommage de ses pairs est une procédure assez rare. C'est dire, d'ores et déjà, que je suis extrêmement sensible à votre accueil collectif, à vos analyses et à vos commentaires. Cette réflexion conduite à plusieurs voix révèle, au-delà d'un accord intellectuel sur l'essentiel, au-delà d'une volonté de comprendre et de faire comprendre en profondeur un travail et un parcours, quelque chose comme une affection vraie, et cela d'autant plus qu'elle est publiquement manifestée, si chaleureusement, si généreusement. La tentative est toujours difficile et les occasions offertes toujours périlleuses. Pour avoir flirté une ou deux fois avec l'égo-histoire, et toujours avec réticence, je peux en penser quelque chose. Quant aux nécrologies, nous avons généralement la chance de ne pas les lire. Je peux donc apprécier d'abord une [End Page 753] réussite, surtout dans la mesure où j'ai l'impression que vous lisez en moi, et dans mes livres, beaucoup mieux que je ne puis le faire. C'est un avantage et un honneur dont je veux vous remercier pour moi et les miens, pour l'institution à laquelle j'appartiens désormais. Si j'ai été particulièrement sensible à ce que vous avez remarqué et apprécié dans mon itinéraire intellectuel, c'est que je suis avant tout un professeur et c'est aussi qu'un nécessaire empirisme pédagogique ne signifie pas pour moi l'absence de références théoriques et celle d'interrogations sur les hypothèses qui ont été celles de ma génération, les changements valables ou les modes passagers de l'histoire faite et à faire.

Je suis avant tout un professeur. J'ai exercé pendant plus de quarante ans du lycée à l'Ecole normale supérieure (ENS), de l'Ecole normale supérieure aux universités, de la Sorbonne (Paris I) au paradis de l'enseignant-chercheur, le Collège de France, où l'on ne peut qu'être intimidé par l'ombre des grands historiens qui y sont passés. Ces quarante années ont compté dans la transformation de la société française, surtout après la seconde révolution agricole (Henri Mendras), l'urbanisation massive, la Cinquième République, l'Europe, l'euro. Elles ont été décisives pour le changement de l'université et de la place de l'enseignement supérieur et des enseignants de tous niveaux dans la société entière. Des grands ou des petits notables reconnus autrefois sont devenus des producteurs de masse et leur place difficile à comprendre autrefois, et plus encore aujourd'hui dans le système économique libéral, relève une question posée depuis longtemps. Adam Smith déjà s'interrogeait pour savoir où il devait nous classer dans l'ensemble des catégories improductives ou productives et n'hésitait pas à nous ranger avec les comédiens, les artistes, les avocats et aussi les prostituées, tous métiers où comptent...

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