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  • Lecture et intertextualité dans Les Sept nuits de Laura de Madeleine Ouellette-Michalska
  • Raija Koski (bio)

Aurait-elle, dans ses lectures récentes, tourné la mauvaise page au mauvais moment ?

Les Sept nuits de Laura

Depuis la parution de L’Echappée des discours de l’œil en 1981, le parti pris féministe de Madeleine Ouellette-Michalska est clair et malgré la diversité de l’œuvre de l’auteure, certaines constantes thématiques sont facilement repérables de texte en texte1. L’œuvre de Ouellette-Michalska est une longue réflexion sur le corps et le désir féminins, l’amour et l’écriture. Dans une étude des journaux intimes de Ouellette-Michalska, Julie LeBlanc souligne une des stratégies d’écriture importante de l’écrivaine, celle de « la réécriture de ses lectures » (115). Selon LeBlanc, la tendance de l’auteure à incorporer dans ses textes des références littéraires, des bribes d’autres textes, des fragments divers, montrent à quel point les œuvres littéraires « ne sont jamais de simples mémoires » (109), que le travail de réécriture crée un espace d’échange textuel dynamique. Cette pratique intertextuelle qui caractérise l’écriture de l’écrivaine met la lecture au cœur de l’œuvre.

Les Sept nuits de Laura, publié en 1999, pose avant tout un problème de lecture, ce qui se révèle dans la réception critique du texte. Selon André Brochu, le roman « côtoie l’abstraction », nous présente un drame « à peine esquissé » construit de « pâles événements » où l’auteure présente « sa perpétuelle méditation sur l’existence » (21). Raymond Bertin écrit que le roman de Ouellette-Michalska est « un objet littéraire insaisissable, inégal, comme une suite de nouvelles disparates, vaguement rattachées par une thématique et des personnages insolites ». Il termine en disant : « Une vague impression d’inachevé, de flou dans l’intention du projet littéraire, s’en dégage » (33)2. Voilà des « lectures » [End Page 213] d’un roman déconcertant mais « le flou dans l’intention du projet littéraire » peut se préciser si nous lisons autrement à travers un prisme intertextuel. Notre étude vise à élucider les jeux intertextuels qui créent la cohérence de l’œuvre et permettent à l’auteure d’articuler une thématique féministe d’une façon innovatrice par rapport à ses œuvres antérieures. Selon Laurent Jenny, l’intertextualité est « une machine perturbante. Il s’agit de ne pas laisser le sens en repos » (279). Ouellette-Michalska exploite cette capacité perturbatrice de l’intertextualité afin de secouer de vieux discours.

Dans son étude Romans de la lecture, lecture du roman, Lucie Hotte examine l’inscription de la lecture dans le roman. Elle constate : « Dans le contexte théorique actuel, étudier l’inscription de la lecture dans les textes romanesques ne peut se concevoir sans une analyse de la notion d’intertextualité » (63). Elle fournit un survol critique utile de ce concept problématique notant « l’absence de consensus à l’égard de la notion même d’intertextualité » (64). À la question posée par Jenny, « À partir de quel moment peut-on parler de présence d’un texte dans un autre en termes intertextuels ? » (262), ont répondu nombreux critiques et théoriciens. Certains définissent l’intertextualité d’une manière extensive, Julia Kristeva, par exemple, pour qui la notion « ne se limite [...] ni aux textes purement littéraires, ni aux textes écrits, mais elle inclut également les systèmes oraux et symboliques non verbaux » (Hotte 66). Pour d’autres, le concept se définit d’une façon plus restrictive. Pour Gérard Genette, l’intertextualité n’est qu’une forme parmi d’autres de ce qu’il appelle la transtextualité, et correspond à « ‘intertextualité aléatoire’ de Riffaterre ou ‘intertextualité faible’ pour [Laurent] Jenny » (Hotte 67). On peut aborder l’intertextualité du point de vue de la production du texte ou de son fonctionnement (72) et Hotte conclut que : « En fin de compte, il s’agit de déterminer s’il est nécessaire de privilégier une démarche au détriment des autres ou si...

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