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Reviewed by:
  • Comment tuer Shakespeare by Normand Chaurette
  • Pascal Riendeau (bio)
Normand Chaurette, Comment tuer Shakespeare, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 2011, 223 p., 24,95$

Dans un entretien qu’il m’a accordé en 2000, à une question portant sur la possibilité qu’il écrive un essai sur son œuvre dramatique, un art poétique, si l’on veut, Normand Chaurette m’a répondu ceci : « Je serais attiré par un travail de réflexion non pas sur la façon dont on devrait faire le théâtre, mais bien sur ce que j’aurai accumulé d’observations dans mon métier quant à ce qui cloche au théâtre. Mais au sens où l’ont fait Kundera et Ionesco, non. Je suis mal à l’aise avec l’idée d’écrire sur mon œuvre » (Voix et images, no 75, printemps 2000, p. 447).

Onze ans plus tard, on peut dire que Chaurette a repris cette idée d’écrire un essai à partir de ses observations accumulées sur le théâtre, tout en parlant de son travail. Et de ce qui « cloche » avec Shakespeare. Ou ses traducteurs. En réalité, Comment tuer Shakespeare ne parle pas de l’œuvre dramatique de l’auteur, mais de son expérience de traduction de l’œuvre de Shakespeare. Le manuscrit soumis par Chaurette aux Presses de l’Université de Montréal lui a valu le prix de la revue Études françaises 2011. Par la suite, il a remporté le prix Sprirale Eva-Le-Grand 2011-2012, ainsi que le prix du Gouverneur général 2012. Sil’ensemble tient de l’essai, il n’en reste pas moins que l’ouvrage, divisé en quatre grandes sections, se présente de manière plutôt hybride. La première section, « Les amants », commence par une nouvelle centrée sur un personnage passionné d’opéras de Verdi et du théâtre de Shakespeare. La troisième contient une partie constituée des douze premiers Sonnets de Shakespeare—sans commentaire—, traduitsen 1981 et 1982, qui agissent comme une pause dans la réflexion. Ils sont suivis [End Page 822] du récit de Delia Bacon, une Américaine qui a en quelque sorte inauguré la tradition de remise en cause de la paternité des textes de Shakespeare. Chaurette a repris une histoire connue et déjà écrite, mais l’originalité de son interprétation de la vie et de la pensée de Delia Bacon tient à l’intégration au récit d’extraits de sa traduction de La nuit des Rois, qui deviennent des dialogues ou une lettre écrite par celle qui prétendait être la descendante de l’illustre Francis Bacon.

Chaurette présente sa réflexion sur sa pratique de traduction théâtrale de façon chronologique. Sa première expérience porte sur Othello : « Depuis longtemps je rêve de traduire la pièce pour moi seul. En fait, je veux se faire rencontrer le labeur de Shakespeare et le génie de Verdi ». Elle n’a jamais été utilisée pour un spectacle ni peut-être même montrée à quiconque : « Ma traduction était nulle. Notre travail, perdu ». Malgré ce constat, elle montre bien comment Chaurette a choisi de s’attaquer à Shakespeare, non en traducteur, mais en créateur, en explorateur d’un univers à la fois connu et mystérieux, un univers qui s’est transformé au contact de l’art opératique de Verdi, comme le montre bien le Macbeth de la nouvelle initiale ou Othello. Les deux idées récurrentes de l’ouvrage sont énoncées pour la première fois dans cette partie : c’est Shakespeare le problème—et non un de ses personnages—et il faut tuer Shakespeare. Chaurette suggère que vouloir le tuer en le traduisant, c’est bien entendu pour qu’on puisse le redécouvrir autrement après une énième traduction française, mais aussi pour se débarrasser des idées reçues ou du déjà-connu.

La méthode préconisée par Chaurette pour traduire Othello peut surprendre. En effet, comment peut-on commencer une traduction sans avoir...

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